Jean Figerou : Dame pipi
22/05/2005
Parfois il y a des gens si beaux qui entrent dans mes toilettes que j’ai envie de les avaler. Parfois. Si. Mais c’est rare comme l’exception. Je les caresserais partout et les lécherais partout si j’osais. Ils enchantent toute la journée. C’est comme des oiseaux. Ils sont si beaux. Ils prennent tout l’air du ciel. Mais très vite on les oublie parce que le lendemain est lugubre, rien de beau ne vient pénétrer les toilettes et l’ennui nous habille alors toute la journée. On ronronne dans l’ennui du quotidien. Le jour est tellement morose qu’il est en dépression de lui-même. Si. On vit comme évacué, tout vide, sans rêve, on vit à petite mort. Pendant des jours et des jours il n’y a plus de soleil pour les yeux. C’est ainsi. On n’a à se mettre sous les lunettes que Momo qui est le plus petit des gardiens, qui est si malingre qu’il n’est qu’un bout d’homme. Il a toujours l’air d’un petit poulet tout rat bout gris. Sûr que c’est pas lui qui pourrait donner le change ! Ah malheur, malheur ! Il est plus laid qu’une vessie qui papouille ses rides. Dès que vous le voyez, vous avez envie de vous avorter. Quand il parle, on a toujours l’impression qu’il va remonter le cul de sa mère. Si. Dès qu’on le voit c’est pénitence.
Hache publie Dame pipi, de Jean Figerou, du même calibre, pour ceux qui s’en souviennent, que Promenade promenée (Hache 2004).
La dame en charge des toilettes d’un jardin public parisien y assume la fonction de narrateur ; on apprend pourquoi elle n’ouvre pas toujours quand ça devrait théoriquement être ouvert, le problème avec les clochards, son ennui et ses émerveillements.
Nulle sociologie, nuls bons sentiments ; la force gaie de la moquerie et de la vraie douceur, dans une langue pseudo-réaliste personnelle.