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Foyer à ciel ouvert de littérature contemporaine européenne

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Voyages en Hyperborée

Stephane Ilinski

septembre 1999

I. Repas

En novices hallucinés nous avançons pas l’air frais comateux d’ombres pleines gras de douleur. Des passes abruties de lumières nous font remarquer les points vitaux insolubles. On brûle de tête on paume dix mémoires en guise de cœur on se retrouve plaie des sens. On fourmille en vrac en cadence commune sourde-muette invisible offense à l’œil nu. Des quart des parts réparties selon nos chairs éparses de nos désirs anciens. Elles qui traînent partout en chaque coin reclus d’un paradis en fumiers. Constructions en plans et quintes de toux. Nos yeux nos assiettes tellement rondes larges comme des paumes de dieux celtes. Barbarie en vrai. Des passes passent passes passent et puis vlan pansent l’appât passivement passé à l’angle de son trou. Plus loin terre molle liquéfiée d’ennui voulant la mort à pleines charrettes de bras. Nous étendre voilà une clé. Un sucre d’idée à travers ce tas de vieilles peaux ambres. Que ça remue-ménage puis que ça se calme net rideau jusque sous terre ! Bras en croix plantés dans des hectolitres boueux smarsmarsmar spouitch et on ricane les gencives neuves. Pas trop la vue. A présent des plats. Cent mille serviteurs se pointent et comme cierges nous montrent pleurant à flots nos yeux énormes. Les rétines sont irrécupérables elles qui ont grillé d’un coup sous l’effet de la surprise mais le blanc semble tendre encore. Heure de mâche de la mâche. S’agit de s’appliquer et sans mouchoirs hein messieurs domestiques. Que ça déterre que ça astique les arrêtes canines surtout pas se presser. Mon vieux ! le restaurant plein l’œil le palais de la découverte ! Après quoi s’imaginer… Nous étions novices baveux gravissant nos doutes comme de vulgaires talus. L’ombre piaffait toute ronde plate et plate immense caméléonne. Dévastant délogeant déversant instaurant ses flux exponentiels. Heures mâche de mâche sans illusions avancer face aux délicatesses des innombrables visions. Trier longtemps sans vadrouilles nocives. Sans lâcher une once de pourboire. Ranger les os avec miettes et lambeaux demander qu’on emballe peut être pour le clébard ou peut être pas. Mastiquer juste. Et contenir son regard.

II. Foyer

Cumuls de rocailles acérées en tas larges. Calorifères encanaillés par l’érosion entendent rester en grappes pour siéger. Buées tièdes en guise d’avis aux peuples : passé par là tu bous jusqu’à oublier le souvenir de ton chignon bref pas commode ! Les monts par salves d’étouffante douceur qui endorment l’explorateur moyen puis crac gommée d’un trait la voie lactée on dégringole droit aux enfers. Pas d’air sans poussière et microscopiques des copeaux tournoyants (de tous calibres) hérissés de rouille. Les sangs tout à coup rudement pompés les pores saturés beuglant grâce. Qui peut sauver ses eaux ne s’arrête pas pour la nuit mais poursuit vers d’autres ténèbres. La terre crache et s’enfle comme un seul soufflet et les braises se jettent en ses antres comme des fauves en colère. En hauteurs des tornades repassent des nuées de pantins qui avouent des crimes imaginaires en criant des membres. Les morceaux pleuvent et nourrissent les cratères culminants les crimes imaginés encrassent les catacombes ou aiguisent les pics circulaires. En voulant rire quelque intrus lance qu’il fait bon dehors et que le soleil brille à la fenêtre. Un rapace aux vertèbres extraordinaires le mouche et l’expédie digérer au cœur de la pierre bien à l’abri de la tourmente…

III. Frontière

Un champs miné de cuves souterraines à diamètres variables. Parois lisses disparaissant dans la nuit des sols. A raz de terre des centaines de kilomètres de fil d’or fin pour trébucher. Une fois dans la cuve on rumine jusqu’à plus soif une parfaite patience les pouces se croisent jusqu’à ce qu’ils cèdent et tombent en poussière. A intervalles réguliers quoique fantastiquement espacées d’étroites et rectilignes tourelles dont les sommets pointus vrillent comme des mèches de perceuses. Tout en haut les cabanes douanières désertes portant les traces intemporelles d’une antique occupation : képis oblongs limaille de fer dentitions argentées cravates pare-balles et flingues postiches. Aussi des piles de formulaires trouées aux combats de l’éternité précédente contre un ou deux voyageurs. Les tourelles crissent en faisant d’étranges et volumineuses grimaces pour simuler le grand vent et les cuves gigantesques trous affamés semblent attendre la chute des astres. Douane sans cesse à passer. Taxes effroyables etc.

IV. L’habitant

En vertu de ses capacités respiratoires exagérément faibles l’autochtone frise la continuelle immobilité. Seule sa boîte crânienne étrangement autonome s’autorise quelques sorties au gré des tourbillons et autres masses de pression. Pas d’œil ni d’ouïe mais un sourire tranché net et semblant titrer de long en large la face métallique. A l’emplacement habituel des oreilles deux encoches d’où peuvent surgir des petits volets en guise de gris gouvernails. Tête au loin le tronc s’effondre et tressaute comme un canard : mutisme et zizanie des sens danse sans queue ni tête. On dirait : de la rêverie là-dessous ! Les activités existentielles sont encapuchonnées captées quatre à quatre par le sommeil. Pourtant du cœur y est et ce n’est pas à la criée des tornades tapageuses que l’être s’y perd non. Non il lévite quiet assommé par sa propre présence sa résidence en l’air son allure maigrelette en face des vents courants.

V. Horaires

La pierre polie de la ponctualité c’est à rire. Une serpillière à tordre. On balance à tire d’ailes on bavarde braillant sur l’heure qu’il n’est pas mais qui ne manque on murmure presque dans le vif une kyrielle de propos parfois propres à l’attente qui s’entendent comme flaques au soleil. On gratte où se peut ou bien bon nulle part. On roucoule de l’œil on mise sur une dimension outsider mise subitement au placard au caveau à la planque au vert. Une serpillière. A tordre tout de travers on gueule et on se tait brut calmé émincé par la torpeur puis mais il n’y a pas vraiment de puis on se lève et comme on ne s’habille pas on reprend en boucle et de conserve le fabuleux fil de l’histoire ronde. Ronde dans l’image. En fait une promenade tout en longueur étirée à l’instar d’un putain de chewing-gum encore accroché au Big-Bang. Ca trotte en pensées seules. Ca gagne à ne plus craindre quitte à se passer d’espoir. Tactique exacte du toc-toc : exit le tic-tac ancestral ahah à quoi bon paumer son temps ? On lévite donc sans encombres calé correctement au milieu du ciel qui n’avance pas. Chacun s’étonne sans arrêt.

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Vigoureux, dense et rapide, originel, opaque.

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Paysage 240 : Feu du 1er août, Genthod, Suisse (2006)