Eric Drexler, mars 2003
(écrit en 1986)
Adresse originale : http://editions-hache.com/essais/drexler/drexler1.html
Éditions Hache : http://editions-hache.com/essais/
Londres, avril 1773.
A Jacques Dubourg 146 .
Vos observations sur les causes de la mort et les expériences que vous proposez pour rappeler à la vie ceux qui semblent avoir été tués par la foudre démontrent à la fois votre sagacité et votre humanité. Mais la doctrine de la vie et de la mort est encore peu comprise…
J’aimerais qu’il soit possible […] d’inventer une méthode pour embaumer les noyés de manière à ce qu’ils puissent être ramenés à la vie à une époque donnée, même éloignée. J’ai un très ardent désir de voir et d’observer l’état de l’Amérique dans une centaine d’années. A une mort naturelle je préférerais être immergé dans une barrique de Madère, avec quelques amis, pour être ramené à la vie cent ans plus tard par la chaleur du soleil de ma chère patrie ! Mais […] selon toute probabilité, nous vivons dans un siècle trop peu avancé et trop proche de la naissance de la science pour qu’un tel art soit porté à sa perfection de notre vivant…
Veuillez…
Benjamin Franklin
Benjamin Franklin voulait un procédé pour stopper et faire repartir le métabolisme mais il n’y en avait alors aucun de connu. Vivons-nous à une époque suffisamment avancée dans laquelle la biostase est disponible — pour ouvrir un futur de bonne santé à des patients qui n’auraient d’autre choix que d’être désagrégés après qu’ils ont expiré ?
Nous pouvons actuellement stopper le métabolisme de différentes manières mais la biostase, pour être utile, doit être réversible. Ceci conduit à une situation curieuse. Notre faculté de placer des gens en biostase avec les techniques actuelles dépend entièrement de la capacité des techniques futures à inverser le processus. La procédure comprend deux parties et nous n’avons besoin d’en maîtriser qu’une seule.
Si la biostase peut garder les structures du patient inchangées pendant des années, alors ces futures techniques incluront des systèmes de réparation cellulaire sophistiqués. Nous devons donc juger le succès des techniques de biostase actuelles à la lumière des capacités ultimes de la médecine du futur. Avant que les machines de réparation cellulaire ne deviennent une perspective claire, ces capacités — et donc les conditions requises pour réussir une biostase — demeuraient très incertaines. Maintenant, les conditions fondamentales semblent assez évidentes.
Des machines moléculaires peuvent construire des cellules en partant de zéro, comme le démontrent les cellules qui se divisent. Elles peuvent aussi construire des organes et des systèmes d’organes en partant de rien, à l’instar du développement des embryons. Les médecins pourront utiliser une technologie de réparation cellulaire pour diriger la croissance de nouveaux organes en partant d’une cellule d’un patient. Ceci laisse une grande liberté aux médecins actuels pour effectuer une biostase, parce que même s’ils étaient obligés d’endommager la majorité des organes d’un patient ou de s’en débarrasser, ils ne causeraient pas de torts irréversibles. Leurs collègues du futur, équipés de meilleurs outils, seront capables de réparer ou remplacer les organes impliqués. La plupart des gens seraient heureux d’avoir un nouveau cur, de jeunes reins ou une peau plus lisse 147 .
Mais le cerveau est une autre affaire. Un médecin qui autorise la destruction du cerveau d’un patient autorise en fait la destruction de la personne en tant que telle, quoi qu’il advienne du reste du corps. Le cerveau contient la mémoire, la personnalité, le soi. Les victimes d’embolies cérébrales ne perdent qu’une partie de leur cerveau ; ils souffrent cependant de maux allant de la cécité partielle à la paralysie totale et de la perte du langage à la baisse d’intelligence, en passant par des troubles de la personnalité et bien pire encore. Les effets dépendent de l’emplacement des dégâts. Ceci suggère que la destruction totale du cerveau cause une cécité, une paralysie, une aphasie et une perte de la personnalité totale, que le corps continue à respirer ou non.
Comme Voltaire l’a écrit : « Pour naître à nouveau — en restant la personne que vous étiez — vous devez conserver parfaitement votre mémoire, puisque c’est la mémoire qui constitue l’identité. Si votre mémoire était perdue, comment pourriez-vous être le même homme ? ». L’anesthésie interrompt la conscience sans perturber la structure du cerveau et la biostase doit faire de même mais plus longtemps. Ceci soulève la question de la nature des structures physiques qui sous-tendent la mémoire et la personnalité.
La neurobiologie et le bon sens s’accordent sur la nature fondamentale de la mémoire. Quand nous formons des souvenirs et que nous façonnons notre personnalité, notre cerveau change. Ces changements affectent le fonctionnement du cerveau en modifiant son activité : quand nous nous souvenons, notre cerveau fait quelque chose ; quand nous agissons, pensons ou percevons, notre cerveau fait autre chose. Le cerveau travaille en utilisant une machinerie moléculaire. Des changements durables dans le fonctionnement du cerveau proviennent de modifications stables de cette machinerie moléculaire — à la différence des ordinateurs, le cerveau n’a pas été conçu pour pouvoir être vidé et rempli à nouveau à volonté. La personnalité et la mémoire à long terme sont durables.
Dans tout le corps, des changements de fonctions durables impliquent des changements à long terme dans les machineries moléculaires. Quand les muscles deviennent plus forts ou plus rapides, leurs protéines varient en nombre et en répartition. Quand un foie s’habitue à faire face à l’alcool, son contenu en protéines change aussi. Quand le système immunitaire apprend à reconnaître une nouvelle sorte de grippe, son contenu en protéines change à nouveau. Il fallait s’attendre à une telle relation, puisque les machines à base de protéines effectuent réellement le travail qui consiste à bouger les muscles, dégrader les toxines et reconnaître les virus.
Dans le cerveau, les protéines donnent leur forme aux cellules nerveuses, parsèment leur surface, relient une cellule à la suivante, contrôlent les courants ioniques lors de chaque impulsion nerveuse, produisent les signaux chimiques que les cellules nerveuses utilisent pour communiquer à travers les synapses et bien d’autres choses encore… Quand les imprimantes écrivent des mots, elles déposent des motifs d’encre ; quand les neurones changent leur comportement, ils modifient des motifs de protéines. L’impression bosselle également le papier ; les cellules nerveuses changent plus que la configuration de leurs protéines. Mais l’encre sur le papier et les protéines dans le cerveau sont suffisantes pour rendre ces motifs lisibles. Les modifications impliquées ne sont pas trop subtiles 148 . Les chercheurs rapportent que les changements à long terme dans le comportement des cellules nerveuses impliquent des « modifications morphologiques d’importance 149 » dans les synapses : elles changent de manière visible en taille et en structure.
Il semble bien que la mémoire à long terme ne soit pas une sorte de motif terriblement délicat, prêt à s’évaporer du cerveau à la moindre excuse. La mémoire et la personnalité sont au contraire fermement attachées à la manière dont les cellules ont grandi ensemble, en des réseaux sculptés à travers les ans. La mémoire et la personnalité ne sont pas plus matérielles que les personnages d’un roman mais elles sont comme eux incarnées dans la matière. La mémoire et la personnalité ne s’exhalent pas avec le dernier souffle d’un patient. En fait, de nombreuses personnes sont revenues de ce qui est appelé la « mort clinique », même sans machine à réparer les cellules pour les aider. Les structures de l’esprit ne sont détruites que lorsque le médecin laisse le cerveau du patient entrer dans un processus de dégradation. Ceci également laisse aux médecins une grande marge de manuvre pour procéder à une biostase : en particulier, ils n’ont pas besoin de stopper le métabolisme avant l’arrêt des fonctions vitales 150 .
Il semble que la préservation de la structure des cellules et de la configuration des protéines du cerveau préservera la structure de l’esprit donc la personne. Les biologistes savent déjà comment préserver ainsi les tissus. La technologie qui les ressuscitera devra attendre de pouvoir utiliser les réparateurs cellulaires mais la biostase est quant à elle déjà entre nos mains.
L’idée que nous disposons déjà de techniques de biostase peut sembler surprenante, puisque de nouvelles capacités surgissent rarement du jour au lendemain. En fait, ces techniques sont anciennes — seule la compréhension de leur réversibilité est nouvelle. Les biologistes ont développé les deux principales approches pour d’autres raisons. Pendant des décennies, ils ont utilisé des microscopes électroniques pour étudier la structure des cellules et des tissus. Pour préparer les échantillons, ils utilisent une technique appelée fixation qui fixe les structures moléculaires en place. Une méthode classique utilise des molécules de glutaraldéhyde qui sont des chaînes flexibles de cinq atomes de carbone avec un groupe réactif d’un hydrogène et d’un oxygène à chaque extrémité. Les biologistes fixent les tissus en perfusant une solution de glutaraldéhyde à travers les vaisseaux sanguins. Les molécules diffusent ainsi dans les cellules. Une molécule s’agite de ci de là dans une cellule jusqu’à ce qu’elle entre en contact avec une protéine (ou une autre molécule réactive) : elle s’y accroche alors. L’autre extrémité remue librement jusqu’à ce qu’elle aussi s’attache à une molécule réactive. Ceci enchaîne donc les protéines ensemble.
Ces liaisons bloquent les machines et les structures moléculaires en place ; d’autres produits chimiques peuvent être alors ajoutés pour effectuer un travail de fixation plus détaillé ou plus robuste. Le microscope électronique montre qu’une telle fixation préserve les cellules 151 et leurs structures internes, y compris dans le cerveau.
La première étape d’une hypothétique technique de biostase que j’ai décrite au chapitre 7 implique l’utilisation de dispositifs moléculaires simples capables d’entrer dans les cellules, de bloquer leur machinerie moléculaire et de lier leurs structures ensemble avec des liaisons croisées. Les molécules de glutaraldéhyde correspondent assez bien à cette définition. L’étape suivante dans cette procédure consiste à retirer l’eau et à la remplacer par des appareils moléculaires simples qui s’agglutinent autour des molécules d’une cellule. Ceci correspond également à un processus chimique connu.
Des produits chimiques comme le propylène glycol, l’éthylène glycol et le diméthyl sulfoxyde peuvent diffuser à l’intérieur des cellules et remplacer l’eau en faisant peu de dégâts. Ils sont appelés des « cryoprotectants » parce qu’ils peuvent protéger les cellules des dommages causés par les basses températures. S’ils remplacent une quantité suffisante de l’eau d’une cellule, alors le refroidissement ne se traduit pas par une congélation, parce que la solution protectrice passe de la viscosité d’un sirop à celle d’un goudron chaud, jusqu’à atteindre celle du verre. En fait, selon la définition scientifique du mot, la solution protectrice à cette température est qualifiée de verre ; le processus de solidification sans congélation 152 est appelé une vitrification. Des embryons de souris 153 vitrifiés et stockés dans l’azote liquide sont devenus des souris en bonne santé.
Le processus de vitrification plaque le cryoprotectant solidement autour des molécules de chaque cellule ; la vitrification correspond donc bien à la définition que j’ai donnée de la deuxième étape de la biostase.
La fixation et la vitrification appliquées ensemble semblent adéquates pour assurer une biostase longue. Pour inverser cette forme de biostase, les machines réparatrices de cellules seront programmées pour enlever le produit vitreux et les molécules de glutaraldéhyde, puis elles répareront et remplaceront les molécules, restaurant ainsi la fonction des cellules, des tissus et des organes.
La fixation et la vitrification ne sont pas les premières solutions évoquées pour effectuer une biostase. En 1962, Robert Ettinger 154 , un professeur de physique à Highland Park College dans le Michigan, publia un livre suggérant que les futures avancées en cryobiologie conduiraient peut-être à des techniques permettant de congeler des patients facilement et de manière réversible. Il suggéra ensuite que des médecins, utilisant une technologie du futur, pourraient faire revivre ces humains congelés avec les techniques actuelles peu de temps après leur mort officielle. Il fit remarquer que l’azote liquide préserverait ces patients pendant plusieurs siècles si nécessaire, en causant peu de changements. Peut-être qu’un jour, indiqua-t-il, la médecine disposera de « fabuleuses machines » ayant la faculté de restaurer les tissus congelés molécule par molécule. Son livre donna naissance au mouvement cryogéniste.
Les cryogénistes se sont concentrés sur la congélation parce que de nombreuses cellules humaines se réveillent spontanément 155 après avoir été congelées puis décongelées délicatement. Croire que le gel fait éclater les cellules est un mythe assez répandu ; en fait, la congélation provoque des dommages plus subtils — si subtils qu’ils ne laissent parfois pas de traces. Le sperme congelé produit régulièrement des bébés en bonne santé. Certains humains en vie actuellement ont survécu à leur congélation dans l’azote liquide — quand ils étaient à l’état d’embryons. Les cryobiologistes recherchent activement des techniques pour congeler et décongeler des organes vivants 156 afin que les chirurgiens puissent les stocker pour une utilisation ultérieure.
La perspective de technologies de réparation cellulaire est un thème récurrent 157 parmi les cryogénistes. Cependant, ils se sont concentrés sur des procédures qui préservent la fonction des cellules, pour des raisons évidentes. Les chercheurs ont amélioré leurs résultats en testant différents mélanges de cryoprotectants et en faisant varier, sous contrôle précis, les vitesses de congélation et de décongélation. La complexité de la cryobiologie offre de grandes possibilités d’expérimentation. Des succès tangibles, associés aux buts prometteurs des recherches futures, ont fait de la quête d’un processus de congélation facilement réversible l’objectif phare des cryogénistes. Un succès lors de la congélation et du retour à la vie d’un mammifère adulte serait immédiatement manifeste et convaincant.
Qui plus est, même la préservation partielle de la fonction des tissus suggère une excellente préservation de leur structure. Les cellules qui peuvent revenir à la vie (ou presque le faire) ne nécessitent pas beaucoup de réparations.
L’insistance prudente et conservatrice de la communauté cryogéniste sur la préservation de la fonction des tissus a toutefois semé le doute dans l’esprit du public. Des expérimentateurs ont congelé des mammifères adultes entiers et les ont décongelés sans attendre l’aide des machines à réparer les cellules. Les résultats ont été apparemment décourageants : les animaux ne revenaient pas à la vie 158 . Aux yeux d’un public et d’une communauté médicale qui ne connaissaient rien des perspectives de réparation cellulaire, ces expériences ont rendu vaine la biostase par congélation.
Ainsi, après la proposition d’Ettinger, quelques cryobiologistes décidèrent de faire des déclarations infondées à propos du futur de la technologie médicale. Comme Robert Prehoda 159 , qui indique dans un livre en 1967 : « Presque tous les experts en métabolisme réduit […] pensent que les dommages cellulaires causés par les techniques de congélation actuelle ne pourront jamais être réparés ». Bien sûr, ce n’étaient pas les bons experts à interroger. La question aurait dû être posée à des experts en technologie moléculaire et en machines de réparation cellulaire. Ces cryobiologistes auraient seulement dû dire que les dommages causés par la congélation nécessiteraient apparemment des réparations à l’échelle moléculaire et que personnellement, ils n’avaient pas étudié la question. Au lieu de cela, ils induisent négligemment le public en erreur sur un sujet d’une importance médicale vitale. Leurs déclarations empêchent la banalisation d’une technique de biostase 160 .
Les cellules sont principalement constituées d’eau. A une température suffisamment basse, les molécules d’eau se lient pour former des réseaux solides. Puisque ceci préserve les structures neurales 161 et donc la configuration de l’esprit et de la mémoire, Robert Ettinger a apparemment identifié une approche fonctionnelle de la biostase. Au fur et à mesure des avancées de la technologie moléculaire, ses conséquences deviendront plus familières au public et la réversibilité de la biostase (qu’elle soit fondée sur la congélation, la fixation et la vitrification ou encore d’autres méthodes) deviendra de plus en plus évidente.
Imaginez un patient qui meurt d’une crise cardiaque. Les médecins ont tenté de le ressusciter et ont échoué ; ils abandonnent la restauration des fonctions vitales. Mais à ce moment précis cependant, le corps et le cerveau du patient ne sont qu’à peine non fonctionnels — en fait, la plupart des cellules et des tissus sont toujours vivants et actifs. Après quelques préparatifs, le patient est rapidement placé en biostase pour éviter une dissolution irréversible en attendant un jour meilleur.
Les années passent. Le patient change peu mais la technologie avance à grands pas. Les biochimistes apprennent à concevoir des protéines. Les ingénieurs utilisent des machines protéiques pour construire des assembleurs dont ils se servent pour développer des capacités générales en technologie moléculaire. Avec de nouveaux instruments, les connaissances en biologie explosent. Les ingénieurs en médecine utilisent ces nouvelles connaissances, l’ingénierie automatique et les assembleurs pour développer des machines à réparer les cellules d’une sophistication croissante. Ils apprennent à arrêter puis à inverser le vieillissement. Les médecins utilisent alors la technologie de réparation des cellules pour ressusciter les patients en biostase — en commençant par ceux qui ont été placés en biostase avec les techniques les plus sophistiquées et en remontant vers ceux qui ont bénéficié de techniques plus anciennes et plus grossières. Finalement, après la réussite de la résurrection d’animaux congelés avec les vieilles techniques des années 1980, les médecins se penchent sur le cas de notre patient mort de crise cardiaque.
Dans les premières étapes de préparation, le patient repose dans un réservoir d’azote liquide entouré d’équipements. Le cryoprotectant bloque encore fermement la machinerie moléculaire de chaque cellule. Ce produit doit être retiré mais un réchauffement simple permettrait à des structures cellulaires de bouger prématurément.
Des appareils chirurgicaux conçus pour fonctionner à basse température atteignent la poitrine du patient en se déplaçant dans l’azote liquide. Ils retirent alors un morceau de tissu pour ouvrir un accès aux veines et artères majeures. Une armée de nanomachines équipées pour retirer le cryoprotectant entre alors par ces ouvertures, en dégageant d’abord les gros vaisseaux 162 , puis les capillaires. Ceci ouvre des voies d’accès à tous les organes 163 du patient. Les machines chirurgicales les plus grosses attachent alors des tubes à la poitrine du patient pour qu’ils pompent du fluide à travers le système vasculaire. Le fluide nettoie le corps des machines qui ont retiré le cryoprotectant (plus tard, il fournira les matériaux nécessaires au fonctionnement des machines réparatrices et évacuera la chaleur produite).
Maintenant, les pompes font circuler un liquide laiteux qui contient des billions de machines qui rentrent dans les cellules pour retirer le cryoprotectant 164 , molécule par molécule. Elles les remplacent par un échafaudage moléculaire provisoire 165 qui laisse suffisamment de place aux machines réparatrices pour travailler. Les biomolécules libérées du protectant, y compris les composants structurels et mécaniques des cellules, sont reliées à l’échafaudage grâce à des liaisons provisoires. Quand les molécules doivent être déplacées, elles sont marquées 166 pour être replacées au bon endroit. Comme les autres machines à réparer les cellules, ces appareils seront dirigés par des nano-ordinateurs in situ.
Quand elles ont fini leur travail, les machines capables de travailler aux basses températures se retirent. Le fluide est petit à petit remplacé par une solution aqueuse lors de l’élévation progressive de température, jusqu’au-dessus de zéro. Les machines de réparation cellulaire sont envoyées dans la circulation et entrent dans les cellules. Les réparations commencent.
De petits appareils analysent les molécules et indiquent à un ordinateur central placé à l’intérieur de la cellule 167 leur position et leur structure. L’ordinateur identifie les molécules, ordonne d’éventuelles réparations et détermine les structures cellulaires en s’appuyant sur ces configurations moléculaires 168 . Quand les dégâts impliquent des structures cellulaires, l’ordinateur oriente les réparateurs pour qu’ils restaurent le bon arrangement des molécules, en utilisant des liaisons temporaires si nécessaire. Pendant ce temps, les artères du patient sont nettoyées et le muscle cardiaque, endommagé plusieurs années auparavant, est réparé.
Finalement la machinerie moléculaire fine est remise en ordre de marche et des réparateurs moins précis replacent les cellules convenablement au sein des tissus et des organes pour les rendre à nouveau fonctionnels. L’échafaudage est alors démonté et retiré des cellules ainsi que la plus grande partie des machines réparatrices. La majorité des liaisons ont été supprimées mais les molécules actives de la cellule restent bloquées pour éviter une activité prématurée qui ne serait pas bien contrôlée.
A l’extérieur du corps du patient, le système de réparation a synthétisé du sang frais à partir des ses cellules. Il transfuse maintenant ce sang pour remplir le système vasculaire du patient et remplir le rôle de cur artificiel temporaire. Les appareils encore présents dans les cellules ajustent les concentrations en sels, sucres, ATPl et autres petites molécules, principalement par le déblocage sélectif des machineries aux cellules. Les machines moléculaires permettent petit à petit au métabolisme de reprendre, en débloquant d’autres machineries. Le cur est finalement débloqué et les battements reprennent ; le patient se trouve dans un état anesthésié. Pendant que les médecins vérifient que tout se passe bien, les machines de réparation ferment l’ouverture pratiquée dans la poitrine sans laisser ni point de suture ni cicatrice. Les appareils qui sont encore présents dans les cellules se désassemblent les uns les autres en des molécules de nutriments. Alors que le patient passe dans un sommeil normal, des visiteurs entrent dans la pièce : c’était prévu de longue date.
Finalement, le dormeur se réveille à la lumière de ce jour nouveau — et à la vue de ses vieux amis.
Avant de parler de résurrection cependant, certains peuvent se demander ce qu’il advient de l’âme d’une personne placée en biostase. Quelques personnes répondront que l’âme et l’esprit sont deux facettes d’une même chose : une structure contenue dans la substance du cerveau, active pendant la vie, au repos pendant la biostase. Imaginez plutôt que l’âme et l’esprit, la mémoire et la personnalité quittent le corps à la mort, emportés par une subtile substance. Dans ce cas, les choses sont assez simples : la mort a un autre sens que celui de dommages irréversibles causés au cerveau. Elles est plutôt définie par le départ irréversible de l’âme. Ceci ferait de la biostase une action inutile — mais inoffensive. Après tout, les chefs religieux ne se sont pas exprimés sur le possible emprisonnement de l’âme dans le cas où le corps ne se dégrade presque pas. La résurrection vue sous cet angle nécessiterait la coopération de l’âme pour réussir. En fait, des catholiques et des juifs ont déjà organisé des cérémonies lors de mises en biostase.
Avec ou sans biostase, la réparation cellulaire ne peut pas apporter l’immortalité. La mort physique, bien que largement différée, demeurera inévitable pour des raisons enracinées dans la nature même de l’univers. La biostase suivie d’une réparation cellulaire semble cependant ne soulever aucune question théologique. Elle ressemble à une anesthésie profonde qui serait suivie d’une opération chirurgicale vitale : les deux procédures interrompent la conscience pour prolonger la vie. Parler « d’immortalité » au lieu de longue vie serait ignorer les faits et faire une mauvaise utilisation des mots.
La perspective de la biostase semble être faite sur mesure pour troubler les esprits. La plupart des gens trouvent que l’accélération des changements constatée à l’heure actuelle est déjà perturbante, alors qu’en fait, les avancées se font encore au compte-gouttes. Mais la possibilité de la biostase est une conséquence actuelle de toute une série de percées futures. Cette perspective interfère avec les difficiles ajustements psychologiques qui accompagnent le déclin physique.
Jusqu’ici, j’ai utilisé pour justifier la biostase et la réparation cellulaire des faits bien connus de la biologie et de la chimie. Mais qu’en pensent les spécialistes de la biologie ? En particulier, pensent-ils (1) que des machines réparatrices pourront corriger le type de dommages causés par les liaisons établies lors de la fixation et (2) que la mémoire est réellement contenue sous une forme que l’on peut préserver ?
Après une discussion portant sur les machines moléculaires et leurs capacités — une discussion durant laquelle nous n’avons pas abordé les implications médicales —, le docteur Gene Brown, professeur de biochimie et directeur du département de biochimie au MIT, nous permet de le citer : « En consacrant suffisamment de temps et d’efforts au développement de machines moléculaires artificielles et en menant des études détaillées sur la structure biologique de la cellule, de très importantes capacités devraient émerger. Parmi celles-ci, il y aura probablement la faculté de séparer les protéines (ou d’autres biomolécules) attachées par des liaisons, de les reconnaître, les réparer et les remplacer ». Cette déclaration aborde une grande partie des problèmes de la réparation cellulaire. Elle a été nettement soutenue par toute une série de biochimistes et de biologistes moléculaires au MIT et à Harvard après des discussions similaires.
Après une discussion touchant au cerveau et à la nature physique de la mémoire et de la personnalité — ici encore, sans aborder les implications médicales —, le docteur Walle Nauta, professeur de neuroanatomie au MIT, permet qu’on le cite : « En m’appuyant sur les connaissances actuelles de la biologie moléculaire des neurones, je pense que la plupart des spécialistes s’accorderont pour dire que les changements qui ont lieu lors de la consolidation de la mémoire à long terme sont reflétés par des changements correspondants dans le nombre et la distribution de différentes protéines dans les neurones du cerveau ». Comme pour la déclaration du Dr Brown, cette remarque éclaire un point d’une importance fondamentale en ce qui concerne la faisabilité de la biostase. Cette déclaration a elle aussi été approuvée par d’autres experts lors d’une discussion exempte de tout préjugé émotionnel lié aux implications médicales. De plus, puisque ces questions relevaient directement de leurs spécialités, le Dr Brown et le Dr Nauta étaient parfaitement qualifiés pour être consultés.
Il semble que l’instinct de survie des humains en pousserait des millions à utiliser la biostase — en dernier recours — s’ils la considéraient comme praticable. Avec les avancées en technologie moléculaire, la compréhension de la réparation cellulaire se démocratisera. Des experts soutiendront de plus en plus cette idée et la biostase deviendra une pratique répandue ; c’est alors que son prix chutera. On peut penser que de nombreuses personnes finiront par considérer la biostase comme la norme, comme un traitement standard permettant de sauver la vie de ceux qui ont expiré.
Mais jusqu’aux premières démonstrations de machines réparatrices de cellules, la tendance trop humaine à ne pas prendre en compte ce qui n’existe pas encore, ralentira le développement de la biostase. Des millions de personnes finiront sans doute par se désagréger irrémédiablement après leur mort, simplement à cause d’habitudes ou de traditions peu justifiées. L’importance d’une prédiction claire à propos de la biostase oblige à examiner les objections possibles avant de quitter le sujet de l’extension de la vie pour se tourner vers d’autres questions. Pourquoi la biostase ne semble t’elle donc pas être une idée naturelle, évidente ?
Parce que les machines de réparation cellulaire ne sont pas encore là.
Il peut paraître étrange de vouloir sauver une personne de la dissolution et espérer lui redonner la santé alors que la technologie de réparation n’existe pas encore. Mais est-ce plus étrange que de mettre de l’argent de côté afin de payer les études de son enfant ? Après tout, l’étudiant qu’il sera n’existe pas encore. Epargnerm est utile parce que l’enfant va mûrir ; sauver des gens est utile parce que la technologie va mûrir.
Nous espérons d’un enfant qu’il grandisse parce que nous avons déjà vu beaucoup d’enfants grandir. Nous pouvons espérer que la technologie s’améliorera parce que nous avons déjà vu de nombreuses technologies s’améliorer. Il est vrai que certains enfants souffrent d’affections congénitales, comme certaines technologies, mais les experts peuvent souvent estimer le potentiel d’enfants ou de technologies alors qu’ils sont encore jeunes.
La micro-électronique a commencé avec quelques fils et dépôts métalliques sur une plaque de silicium. Des physiciens comme Richard Feynman avait en partie prévu 169 jusqu’où cela irait.
La technologie nucléaire a commencé avec des faisceaux de neutrons qui cassaient quelques atomes dans un laboratoire mais elle a mûri jusqu’à donner des centrales nucléaires produisant des milliards de watts et des bombes nucléaires. Leo Szilard avait en partie prévu jusqu’où cela nous conduirait.
La technologie des fusées à carburant liquide a commencé par des engins grossiers tirés à partir d’un champ dans le Massachusetts mais elle a vite grandi pour aller conquérir la Lune et donner des navettes spatiales. Robert Goddard avait en partie prévu jusqu’où cela irait.
L’ingénierie moléculaire a commencé avec la chimie ordinaire et les machines moléculaires empruntées aux cellules mais elle aussi deviendra vite puissante. Et ses conséquences sont en partie discernables.
Parce que les petites machines manquent de panache.
Nous avons tendance à n’attendre de résultats grandioses que de grandes causes mais la nature trahit souvent cette attente. Elle emballe souvent avec le même papier les merveilles et les désastres.
Fait banal : des interrupteurs électriques peuvent en ouvrir et en fermer d’autres. Ces interrupteurs, économes en énergie, peuvent être miniaturisés.
Conséquence fabuleuse : lorsqu’ils sont correctement interconnectés, ces interrupteurs forment des ordinateurs, moteurs de la révolution de l’information.
Fait banal : l’éther n’est pas un poison trop dangereux, cependant, il agit temporairement sur le cerveau.
Conséquence fabuleuse : ce produit a marqué la fin des souffrances atroces endurées par les patients opérés vivants, ouvrant ainsi une nouvelle voie en médecine.
Fait banal : les moisissures et les bactéries sont en compétition pour leur survie, c’est pourquoi certains champignons sécrètent du poison pour tuer les bactéries.
Conséquence fabuleuse : la découverte de la pénicilline, qui a permis de sauver des millions de vies en luttant contre de nombreuses affections bactériennes.
Fait banal : les machines moléculaires peuvent être utilisées pour manipuler des molécules et construire des interrupteurs mécaniques de taille moléculaire
Conséquence fabuleuse : des machines réparatrices de cellules dirigées par des ordinateurs qui permettent de soigner pratiquement n’importe quelle maladie.
Fait banal : la mémoire et la personnalité sont contenues dans des structures préservables du cerveau
Conséquence fabuleuse : les techniques d’aujourd’hui peuvent nous préserver de la dissolution en donnant le temps à la génération actuelle de maîtriser les machines de réparation cellulaire de demain.
Parce que cela paraît trop incroyable.
Nous vivons dans le siècle de l’incroyable.
Dans Astronautics and Aeronautics, un article écrit par l’ingénieur aérospatial Robert T. Jones 170 intitulé « L’idée de Progrès » indique : « En 1910, l’année de ma naissance, mon père était procureur. Il parcourait toutes les mauvaises routes du comté de Macon dans une voiture tirée par un seul cheval. L’année dernière, j’ai pris l’avion sans escale qui va de Londres à San Francisco en passant au-dessus des régions polaires, propulsé par des moteurs de plus de 50 000 chevaux ». Au temps de son père, de tels avions étaient presque au-delà de la science fiction ; trop incroyables pour être pris en considération.
Dans un article intitulé « Recherches médicales fondamentales : un investissement à long terme » publié dans Technology review au MIT, le docteur Lewis Thomas écrit 171 : « Il y a quarante ans, juste avant que la profession ne subisse une transformation en profondeur qui la fit passer d’un art à une science et une technologie, il était tenu pour acquis que la médecine qu’on nous enseignait serait précisément celle dont nous aurions besoin pour la plus grande partie de notre vie. Si quelqu’un nous avait dit que la maîtrise des infections bactériennes était toute proche, que les opérations à cur ouvert ou les transplantations de reins se feraient dans une vingtaine d’années, que certains cancers pourraient être soignés par chimiothérapie et que nous étions tout proches d’une compréhension à l’échelle biochimique de la génétique et des maladies héréditaires, nous aurions réagi avec la plus totale incrédulité. Nous n’avions aucun raison de croire que la médecine changerait un jour […] Ce que ces souvenirs nous enseignent, c’est que nous devons garder nos esprits grands ouverts sur le futur ».
Parce que ça semble trop beau pour être vrai.
Une information concernant une méthode permettant d’éviter la fatalité associée à la plupart des maladies mortelles peut en effet sembler trop belle pour être vraie — elle l’est en effet, puisque ce n’est que la première partie d’une histoire plus équilibrée. En fait, les dangers de la technologie moléculaire contrebalancent à peu près toutes ses promesses. Dans la troisième partie, j’aborderai les raisons qui font penser que les nanotechnologies sont plus dangereuses que les armes nucléaires.
Fondamentalement cependant, la nature ne se soucie pas de notre sens du bien et du mal ni de notre sens de l’équilibre. En particulier, la nature ne déteste pas suffisamment l’humain pour nous empêcher de réussir. Les horreurs du passé ont déjà disparu.
Il y a quelques temps, les chirurgiens s’efforçaient d’amputer les jambes rapidement. Robert Liston, d’Edimburgh en Ecosse, scia la cuisse d’un patient en un temps record de trente-trois secondes, retirant par la même occasion trois doigts à la main de son assistant. Les chirurgiens travaillaient vite pour abréger les souffrances de leurs clients, parce que ceux-ci restaient conscients.
Si la phase terminale d’une maladie est un cauchemar aujourd’hui sans biostase, imaginez ce qu’était la chirurgie sans anesthésie pour nos ancêtres : le couteau découpant la chair, le sang qui coule, la scie qui gratte et râpe l’os du patient encore conscient…Cependant, en octobre 1846, W.T.G. Morton et J.C. Warren retirèrent la tumeur d’un patient sous anesthésie à l’éther. Arthur Slater déclare que leur succès « fut à juste titre salué comme la découverte du siècle ». En utilisant des techniques simples et un produit chimique connu, l’épouvantable cauchemar du couteau et de la scie pour les opérations chirurgicales arrivait enfin à son terme.
La chirurgie, débarrassée de la torture, put se développer, et avec elle les infections chirurgicales et l’horreur quotidienne de la mort causée par le pourrissement des chairs. Mais en 1867, Joseph Lister publia 172 les résultats de ses expériences menées avec le phénol, établissant ainsi les principes de l’antisepsie en chirurgie. Avec des techniques simples utilisant un produit chimique connu, le cauchemar du pourrissement vivant disparut presque.
Vinrent alors les médicaments à base de sulfamides et de pénicilline, qui mirent fin à de nombreuses maladies mortelles d’un seul coup…et la liste peut continuer…
Des percées fabuleuses ont déjà eu lieu par le passé en médecine ; parfois simplement grâce à une nouvelle utilisation d’un produit déjà connu, comme dans le cas de l’anesthésie et de l’antisepsie. Bien que ces avancées parussent trop belles pour être vrai, elles le furent quand même. Sauver la vie en utilisant des produits chimiques et des procédures connues pour mettre en biostase peut tout aussi bien être vrai.
Parce que les médecins n’utilisent pas la biostase.
Robert Ettinger a proposé une technique de biostase en 1962. Il déclara que le professeur Jean Rostand avait déjà proposé cette approche quelques années auparavant et prédit son utilisation éventuelle en médecine. Pourquoi la biostase par congélation n’est-elle pas devenue une technique populaire ? A cause de son coût, de l’inertie humaine et parce que les moyens permettant de réparer les cellules demeuraient obscurs. Mais c’est aussi le conservatisme patent de la profession qui a joué un rôle de tout premier plan. Repensez à l’histoire de l’anesthésie.
En 1846, Morton et Warren stupéfièrent le monde avec « la découverte du siècle » : l’anesthésie à l’éther. Cependant, deux ans auparavant, Horace Wells avait procédé à une anesthésie à l’oxyde nitreux et deux ans encore avant lui, Crawford W. Long avait effectué une opération en utilisant de l’éther. En 1824, Henry Hickman avait déjà réussi à anesthésier des animaux en utilisant simplement du dioxyde de carbone. Il passa des années à tenter de convaincre des chirurgiens en France et en Angleterre de tester l’oxyde nitreux en tant qu’anesthésiant. Et en 1799, soit quarante-sept longues années avant la fabuleuse « découverte » et quelques années avant que l’assistant de Liston ne perdit ses doigts, Sir Humphry Davy écrivit 173 : « Etant donné que l’oxyde nitreux semble être en mesure de détruire la douleur physique, il pourrait être utilisé lors des opérations chirurgicales ».
Malgré cela, la victoire sur la douleur semblait encore impossible à de nombreux médecins aussi tard qu’en 1839 : le docteur Alfred Velpeau déclara cette année-là : « L’abolition de la douleur en chirurgie est une chimère. Il est absurde de vouloir la rechercher de nos jours. "Couteau" et "douleur" sont deux mots qui, en chirurgie, resteront associés pour toujours dans la conscience des patients. Nous devons nous ajuster à cette inévitable combinaison. »
Beaucoup de gens craignaient la douleur des opérations plus que la mort elle-même. Le temps est peut-être venu de se réveiller et de sortir du cauchemar final de la médecine.
Parce qu’il n’est pas prouvé que ça fonctionne.
Il est vrai qu’aucune expérience ne peut actuellement démontrer la résurrection d’un patient placé en biostase. Mais demander une telle démonstration reviendrait à supposer (indirectement) que la médecine moderne est proche des limites finales du possible et qu’elle ne sera jamais dépassée par des réalisations futures. Une telle demande pourrait donc paraître prudente et raisonnable ; elle refléterait en fait une incroyable arrogance.
Malheureusement une démonstration est exactement ce que les médecins sont habitués à demander et pour une bonne raison : ils veulent éviter les procédures inutiles qui peuvent causer du tort. Peut-être suffira-t-il que la mise à l’écart de la biostase conduise à un tort évident et irréversible pour qu’ils prennent conscience de son utilité.
L’utilisation de la biostase se développera si les gens pensent que le jeu en vaut la chandelle. Ce pari implique le prix de la vie — qui est une affaire personnelle —, le coût de la biostase — qui semble raisonnable au vu des standards de la médecine moderne —, la probabilité que la technologie nécessaire à la résurrection fonctionne — elle semble excellente — et enfin la probabilité que l’humanité survive, qu’elle développe la technologie et qu’elle procède à la résurrection des personnes en biostase. Le dernier point constitue la source majeure d’incertitude.
Imaginez que les humains et les sociétés démocratiques survivent (personne ne peut calculer une telle probabilité mais supposer un échec ruinerait les efforts susceptibles d’amener au succès). S’il en est ainsi, alors la technologie va continuer à avancer. Développer des assembleurs prendra des années. Etudier les cellules et apprendre à réparer les tissus des patients placés en biostase prendra encore plus longtemps. Pour donner une estimation, entre trente et cent ans seront nécessaires pour développer des systèmes de réparation cellulaire et les adapter au problème de la résurrection — sans compter que les avancées en ingénierie automatique accéléreront le processus.
Le temps requis semble cependant sans importance. La plupart des patients ressuscités se préoccuperont plus des conditions de vie — y compris la présence de leur famille et de leurs amis — que de la date sur le calendrier. Avec des ressources abondantes, les conditions de vie pourront en effet être très bonnes. La présence des proches est un autre problème.
Dans un sondage publié récemment, plus de la moitié des gens qui ont répondu ont indiqué qu’ils aimeraient vivre au moins cinq cents ans s’ils en avaient la possibilité. Des enquêtes informelles montrent que la plupart des gens préféreraient la biostase à la mort s’ils pouvaient revivre en bonne santé et explorer le monde futur avec leurs anciens compagnons. Peu de gens disent « qu’ils veulent partir quand leur heure sera venue » et ils conviennent généralement que tant qu’ils peuvent choisir d’allonger leur vie, leur heure n’a pas encore sonné. Il semble que de nombreuses personnes partagent les désirs de Benjamin Franklin mais nous sommes à une époque où ces désirs peuvent être satisfaits. Si la biostase remporte un rapide succès, ou que d’autres formes d’extension de la vie progressent rapidement, alors un patient ressuscité ne se réveillera pas dans un monde d’étrangers mais au milieu des sourires de visages familiers.
Mais est-ce que les gens placés en biostase seront ressuscités ? Les techniques de biostase sont déjà connues et leur coût pourrait devenir faible, du moins en comparaison avec des opérations chirurgicales majeures ou des soins prolongés en hôpital. Les technologies de résurrection seront à la fois complexes et coûteuses à mettre au point. Les gens s’en soucieront-ils dans le futur ?
Il semble bien que oui. Ils ne développeront peut-être pas les nanotechnologies pour des raisons médicales — mais s’ils ne le font pas pour cela, ce sera alors pour construire des ordinateurs plus puissants. Ils ne développeront peut-être pas des machines à réparer les cellules avec la résurrection comme objectif mais ils le feront sûrement pour se guérir eux-mêmes. Ce n’est peut-être pas un acte de charité gratuit qui les poussera à programmer les machines de réparation pour qu’elles ressuscitent les patients en biostase mais ils auront du temps, des richesses et des systèmes d’ingénierie automatisée et quelques uns d’entre eux auront aimé des personnes en attente de réveil. Les techniques de résurrection sont pratiquement sûres d’être développées.
Avec des réplicateurs et des ressources spatiales, un temps viendra où les gens auront mille fois plus de richesses et de place que nous pour vivre. La résurrection ne nécessitera que peu d’énergie et de matériaux, même avec les standards actuels. De plus, les personnes qui procéderont à la résurrection ne verront pas de conflits entre leurs intérêts personnels et leurs actions humanitaires. Des raisons simplement humaines semblent suffisantes pour s’assurer que la population du futur réveillera les personnes placées en biostase.
La première génération qui regagnera sa jeunesse sans être forcée de recourir à la biostase est peut-être déjà parmi nous. La perspective de la biostase donne à plus de gens plus de raisons d’espérer une longue vie — elle offre une possibilité aux personnes âgées et une sorte de garantie aux plus jeunes. Les avancées en biotechnologie conduisent à la conception protéique, aux assembleurs et à la réparation cellulaire. Quand les implications deviendront évidentes, l’espérance d’une vie plus longue se répandra. En élargissant le chemin qui mène à la longévité, l’option de la biostase incitera à faire plus attention au futur. Et cela stimulera les efforts pour se préparer aux dangers à venir.
146 P.136 A Jacques Dubourg : Dans Mr. Franklin, a selection from his personnal letters, de L. W. Labaree et W. J. Bell, jr. (New Haven : Yale university press, 1956), p. 27-29).
147 P.137 un nouveau cur, de jeunes reins ou une peau plus lisse : Avec des organes et des tissus développés à partir du receveur lui-même, il n’y aura pas de problèmes de rejet.
148 P.138 ne sont pas trop subtiles : Des expériences montrent que l’apprentissage produit rapidement des changements visibles dans la forme des épines dendritiques (de petites excroissances qui reçoivent les synapses à la surface des axones). Cf. « A theoretical analysis of electrical properties of spines », de C. Koch et T. Poggio, MIT AI lab memo n°713, avril 1983).
Dans « Cell biology of synaptic plasticity » (Science, vol. 225, p. 1287-94, 21 septembre 1984), Carl W. Cotman et Manuel Nieto-Sampedro écrivent que « Le système nerveux d’un organisme est spécialisé dans l’élaboration de réponses adaptées à l’environnement. […] Pour parvenir à ce résultat, il se doit d’être plastique, c’est-à-dire modifiable. La plasticité neuronale repose en grande partie sur les capacités qu’ont les synapses à modifier leur fonction, à être remplacées, à proliférer ou à disparaître quand c’est nécessaire ». De plus, « parce que le néocortex est supposé être un emplacement impliqué dans l’apprentissage et la mémoire, la plupart des études portant sur l’effet synaptique des stimuli naturels ont porté sur cette zone ». Les augmentations de densité synaptique dans le néocortex « sont provoquées par l’apprentissage chez les rongeurs comme chez les humains. Des augmentations d’ampleur plus réduites sont également observées lors d’apprentissages de tâches spécifiques ». Ces changements dans la structure cellulaire peuvent intervenir « en quelques heures ».
Pour une discussion sur la mémoire à court et à long terme et sur la transformation du premier type vers le second, cf. « The biochemistry of memory : a new and specific hypothesis », de Gary Linch et Michel Baudry (Science, vol. 224, p. 1057-63, 8 juin 1984)
A l’heure actuelle, toute théorie sérieuse à propos de la mémoire à long terme implique des changements dans la structure et le contenu protéique des neurones. Il y a une idée populaire persistante selon laquelle la mémoire serait stockée (exclusivement ?) d’une manière ou d’une autre « dans les molécules d’ARN ». Cette rumeur est entretenue par une analogie avec l’ADN qui contient la « mémoire » de l’hérédité. Cette idée trouve son origine dans des expériences anciennes qui suggéraient que des comportements appris pouvaient être transmis à des vers plats naïfs en leur injectant des extraits d’ARN de vers entraînés. Malheureusement pour cette théorie, les mêmes résultats peuvent être obtenus en utilisant de l’ARN de levures n’ayant subi aucun apprentissage. Cf. Biology today, de David Kirk, p. 616 (New York : Random house, 1975).
Une autre idée populaire est souvent entendue à propos de la mémoire : elle serait stockée sous forme de réseaux électriques fonctionnant en boucles fermées. Cette rumeur semble inspirée par l’informatique, avec les mémoires dynamiques à accès aléatoire des ordinateurs. Mais cette analogie est inappropriée pour plusieurs raisons : (1) la mémoire des ordinateurs, à la différence de celle du cerveau, est conçue pour pouvoir être effacée et réutilisée à volonté (2) le support de la « mémoire à long terme » d’un ordinateur (son disque dur, par exemple) est moins volatil que celui de sa mémoire vive (3) les puces en silicium sont conçues pour être durables, leur structure physique ne doit pas bouger avec le temps, contrairement au cerveau qui est conçu pour modifier continuellement sa structure. A la lumière des théories modernes sur le stockage à long terme des informations dans des structures stables du cerveau, il n’est pas surprenant de constater que « l’arrêt total de l’activité électrique du cerveau ne perturbe généralement pas les souvenirs, bien qu’elle puisse affecter les plus récents » (A. J. Dunn). La théorie des circuits électriques réverbérants impliqués dans la mémoire a été proposée par R. Lorente de Nô (Journal of neurophysiology, vol. 1, p. 207) en 1938. Des preuves récentes mettent en doute l’existence de ce type de mémoire éphémère en ce qui concerne le stockage à long terme.
149 P.138 modifications morphologiques d’importance : Pour des raisons techniques, cette étude à été menée sur des mollusques mais la neurophysiologie s’est révélée être étonnamment conservatrice d’une espèce à l’autre. Cf. « Modulation of transmitter release », de Eric R. Kandel et James H. Schwartz (Science, vol. 218, p. 433-43, 29 octobre 1982) qui rapporte le travail de C. Baily et M. Chen.
150 P.139 avant l’arrêt des fonctions vitales : Le temps qui sépare l’expiration de la dissolution définit la fenêtre temporelle durant laquelle la biostase peut réussir, mais ce délai est mal connu. Des observations médicales prouvent que le cerveau d’un patient peut être détruit (provoquant la dissolution irréversible de l’esprit et de la mémoire) alors même qu’il respire encore. A l’inverse, des patients ont été ranimés après des périodes importantes de soi-disant « mort clinique ». Avec des machines de réparation cellulaire, la nécessité de base est la préservation des structures neuronales. Tant que les neurones demeurent en vie, ils sont supposés être en bon état et la viabilité est ainsi un bon indice de l’état de conservation.
Il y une idée assez répandue selon laquelle le cerveau « ne peut pas survivre » à une privation en oxygène de quelques minutes. Même si ceci était vrai en ce qui concerne une reviviscence spontanée de l’activité cérébrale, il n’en serait pas de même pour la « survie » des structures cellulaires caractéristiques. Et en effet, les structures cellulaires d’un cerveau de chien mort ne présentent que peu de changements après 6 heures passées à température ambiante et sont encore visibles après plusieurs jours, cf. « Studies of the epithalamus », de Duane E. Haines et Thomas W. Jenkins (Journal of comparative neurology, vol. 132, p. 405-417, Mars 1968).
Mais en fait, la possibilité de reprise spontanée de l’activité cérébrale peut persister bien au-delà de quelques minutes (et même de la définition médicale de « mort cérébrale »). Une série d’expériences à base de traitements chimiques et d’opérations chirurgicales le montrent. Des singes adultes ont totalement repris conscience après un arrêt de 16 minutes de la circulation sanguine dans le cerveau (une situation appelée « ischémie » et qui bloque bien évidemment l’apport d’oxygène au cerveau), cf. « Thiopental therapy after 16 minutes of global brain ischemia in monkeys », de A. L. Bleyaert et al. (Critical care medicine, vol. 4, p. 130-131, mars-avril 1976). Des cerveaux de chats et de singes ont recouvré une activité électrique après une heure passée à température ambiante sans circulation sanguine, cf. « Reversibility of ischemic brain damage », de K.-A. Hossmann et Paul Kleihues (Archives of neurology, vol. 29, p. 375-84, décembre 1973). Le docteur Hossmann conclut que toutes les cellules nerveuses peuvent survivre à une heure d’arrêt circulatoire (lorsque le cur s’arrête, par exemple). Le problème n’est pas que les neurones meurent quand la circulation s’arrête, mais que des complications secondaires apparaissent (comme la légère dilatation du cerveau dans la boîte crânienne qui augmente la pression) et empêchent la circulation de reprendre correctement. Des cerveaux de chiens maintenus proches de leur point de congélation ont retrouvé leur activité électrique après 4 heures sans circulation (et ont même recouvré une activité métabolique après quinze jours) , cf. « Prolonged whole-brain refrigeration with electrical and metabolic recovery », de Robert J. White et al. (Nature, vol. 209, p. 1320-22, 26 mars 1966).
Les cellules nerveuses qui possèdent toujours une reviviscence spontanée de leur activité lors de la mise en biostase devraient être faciles à réparer. Puisque le succès de la biostase repose principalement sur la conservation des structures cellulaires, le délai avant le début des opérations est probablement d’au moins quelques heures après l’expiration, et peut être même plus. Les hôpitaux sont capables de procéder à de telles opérations en un temps bien plus court.
151 P.139 une telle fixation préserve les cellules : Pour des photographies en microscopie électronique montrant des détails moléculaires dans des cellules fixées par du glutaraldéhyde, cf. « The ground substance of the living cell », de Keith R. Porter et Jonathan B. Tucker (Scientific American, vol. 244, p. 56-68, mars 1981). La fixation seule ne semble pas être suffisante ; la stabilisation à long terme des structures biologiques nécessite probablement la congélation ou la vitrification, associées ou non à la fixation. La conservation dans l’azote liquide (à -196 degrés Celcius) peut préserver les structures tissulaires pendant plusieurs milliers d’années.
152 P.140 solidification sans congélation : Cf. « Vitrification as an approach to cryopreservation », de G. M. Fahy et al. (Cryobiology, vol. 21, p. 407-26, 1984).
153 P.140 Des embryons de souris : Cf. « Ice-free cryopreservation of mouse embryos at -196°C by vitrification », de W. F. Rall et G. M. Fahy (Nature, vol. 313, p. 573-75, 14 février 1985).
154 P.140 Robert Ettinger : Cf. The prospect of immortality (New York : Doubleday, 1964 ; une première version avait été publiée de manière privée en 1962).
155 P.140 de nombreuses cellules humaines se réveillent spontanément : Il est bien connu que les spermatozoïdes humains et les embryons peuvent survivre à la congélation et au stockage. Dans les deux cas, ces réussites ont été rapportées par les médias de masse. Nombre de résultats moins spectaculaires ont été obtenus sur d’autres types cellulaires (du sang congelé et décongelé est utilisé pour les transfusions sanguines). Il est aussi intéressant de noter que, après un traitement au glycérol et une congélation de 200 jours à -20°C, des cerveaux de chats ont recouvré une activité électrique spontanée, cf. « Viability of long term frozen cat brain in vitro », de I. Suda, K. Kito et C. Adachi (Nature, vol. 212, p. 268-70, 15 octobre 1966).
156 P.140 recherchent activement des techniques pour congeler et décongeler des organes vivants : Un groupe du laboratoire de cryogénie de la Croix rouge américaine (9312, Old Georgetown road, Bethesda, Md. 20814) fait des expériences sur la préservation des organes entiers pour constituer des banques d’organes à transplanter, cf. « Vitrification as an approach to cryopreservation » (note n°152).
157 P.140 réparation cellulaire est un thème récurrent : C’est ce dont je me suis aperçu quand la faisabilité de la réparation cellulaire m’est apparue clairement et que j’ai commencé à consulter la littérature cryogéniste. Le livre original de Robert Ettinger, par exemple (voir note n°154), décrit la fabrication éventuelle de « machines de chirurgie énormes », capables de réparer les tissus « cellule après cellule, ou même molécule par molécule pour les endroits critiques ». En 1969, Jerome B. White a publié un article : « Viral induced repair of damaged neurons with presentation of long term information content » dans lequel il imagine que des virus artificiels peuvent être dirigés pour réparer les cellules ; voir l’extrait cité dans Man into superman, de Robert C. W. Ettinger (New York : St Martin’s press, 1972, p. 298). Dans « The anabolocyte : a biological approach to repair cryoinjury » (Life extension magazine, p. 80-83, juillet-août 1977), Michael Darwin suppose qu’il est possible d’utiliser l’ingénierie génétique pour fabriquer des globules blancs spéciaux capables d’isoler et de réparer les cellules abîmées. Dans « Comment vont-ils nous ressusciter, dans 200 ans ? » (The Immortalist, vol. 12, p. 5-10, Mars 1981), Thomas Donaldson imagine que des systèmes de machines moléculaires (avec des appareils petits comme des virus et des agrégats de machines grands comme des immeubles) seront capables d’effectuer toutes sortes de réparations nécessaires sur les tissus congelés.
L’idée de réparation cellulaire est donc dans l’air du temps depuis de nombreuses années. Les concepts d’assembleurs et de nano-ordinateurs donnent maintenant une vision claire de la manière dont ces machines réparatrices peuvent être construites et contrôlées et de la possibilité de les faire tenir dans des cellules.
158 P.141 les animaux ne revenaient pas à la vie : Des hamsters ont toutefois été refroidis jusqu’à ce que la moitié de l’eau de leurs tissus (et de leur cerveau) soit congelée et ont recouvré toutes leurs facultés après décongélation, cf. « Biological effects of freezing and supercooling », de Audrey U. Smith (Baltimore : Williams & Wilkins, 1961).
159 P.141 Comme Robert Prehoda : Cf. Designing the future : the role of technological forecasting (Philadelphia : Chilton book comp., 1967).
160 P.141 empêchent la banalisation d’une technique de biostase : D’autres facteurs ont également été décourageants : principalement le coût et l’ignorance. Un patient doit payer 35 000 dollars (ou plus, suivant la procédure de conservation choisie) pour s’assurer une biostase perpétuelle dans de l’azote liquide. Ces frais sont souvent couverts en souscrivant une assurance-vie. Le coût de la biostase et l’incertitude concernant la manière dont les dégâts provoqués par la congélation seront réparés ont limité l’utilisation de la biostase à un petit nombre de patients parmi des millions. La faible demande, à son tour, n’a pas permis de procéder à des économies d’échelles et donc à une réduction du coût. Mais cela est peut être en train de changer : les associations de cryonistes rapportent une augmentation dans le nombre de contrats de biostase, vraisemblablement due à la progression des connaissances en biologie moléculaire et une meilleure compréhension des futures capacités de réparation cellulaire.
Trois groupes américains proposent actuellement des services de biostase. Les voici par ordre apparent de taille et de qualité de service :
The Alcor life extension foundation, 4030 Noth palm, n°304, Fullerton, Calif., 92635, (714)738-5569. (Alcor possède également une filiale en Floride).
Trans time Inc., 1507, 63rd street, Emeryville, Calif. 94707, (415)655-9734.
The cryonics institute, 24041, Stratford, Oak park, Mich., 48237, (313)967-3115.
Pour des raisons pratiques, ces sociétés ne procèdent à des biostases que lorsque les arrangements financiers et légaux ont été conclus à l’avance.
161 P.141 ceci préserve les structures neurales : La croissance des cristaux de glace peut déplacer les structures cellulaires de quelques microns, mais ne les détruit pas et n’introduit pas d’incertitudes quant à leur position antérieure. Une fois gelées, elles ne bougent plus. La réparation commence avant que le réchauffement ne leur permette de bouger.
162 P.142 en dégageant d’abord les gros vaisseaux : Les procédures de biostase actuelles vident la majeure partie du sang du patient ; les nanomachines répareront tous les globules rouges restants lorsqu’elles nettoieront le système vasculaire.
163 P.142 Ceci ouvre des voies d’accès à tous les organes : Sauf la cornée, par exemple, mais d’autres moyens peuvent être utilisés pour atteindre l’intérieur de tels tissus, s’ils ne sont pas tout simplement remplacés.
164 P.142 qui rentrent dans les cellules pour retirer le cryoprotectant : Les molécules de cryoprotectants sont liées entre elles par des liaisons si fragiles que l’agitation thermique à température ambiante les sépare. Même à basse température, les machines à retirer le cryoprotectant n’auront pas de mal à décrocher ces molécules des structures biologiques.
165 P.142 un échafaudage moléculaire provisoire : Celui-ci peut être construit avec des tiges d’un nanomètre de diamètre conçues pour s’accrocher ensemble. Les molécules peuvent être accrochées à l’échafaudage grâce à des attaches ressemblant à des doubles pinces-crocodiles.
166 P.142 elles sont marquées : Les étiquettes de marquage peuvent être faites de bandes polymères. Une bande de quelques nanomètres de long contient suffisamment d’informations pour indiquer un emplacement quelconque à l’intérieur d’un micron cube avec une précision d’un nanomètre.
167 P.143 indiquent à un ordinateur central placé à l’intérieur de la cellule : Un câble de la taille d’un doigt (avec des branches plus fines pour parcourir les capillaires), composé de fibres d’un nanomètre de diamètre conduisant des signaux, peut transmettre en moins d’une semaine une description complète de la structure moléculaire de toutes les cellules d’un patient à un ordinateur extérieur. Bien que cela ne semble pas nécessaire, l’utilisation d’ordinateurs à l’extérieur du corps permettrait de supprimer la majorité des contraintes de volume, de vitesse et de dissipation thermique affectant les calculs à exécuter pour planifier les procédures de réparation.
168 P.143 détermine les structures cellulaires en s’appuyant sur ces configurations moléculaires : Les cellules ont des structures stéréotypées. Chacune est construite avec des molécules standards assemblées de manière précise selon des programmes génétiques définis. Ceci simplifiera grandement les problèmes d’identification.
169 P.146 Richard Feynman avaient en partie prévu : Il évoqua la possibilité de construire des dispositifs dont les fils électriques auraient un diamètre de dix ou cent atomes, cf. « There’s plenty of room at the bottom », dans Miniaturization, édité par H. D. Gilbert (New York : Reinhold, 1961), p. 282-96.
170 P.147 un article écrit par l’ingénieur aérospatial Robert T. Jones : Cf. « The idea of progress » (Astronautics and aeronautics, p. 60, mai 1981).
171 P.147 le docteur Lewis Thomas écrit : Cf. « Basic medical research : a long-term investment » (Technology review, p. 46-47, mai-juin 1981)
172 P.148 Joseph Lister publia : Cf. Volume V, « Fine chemicals », dans A history of technology, édité par C. J. Singer et al. (Oxford : Clarendon press, 1958).
173 P.148 Sir Humphry Davy écrivit : Cf. A history of technology (note n°172).
© K. Eric Drexler. Traduction française © K. Eric Drexler et Marc Macé. Publié avec autorisation de l’auteur et du traducteur.