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Foyer à ciel ouvert de littérature contemporaine européenne

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Spitzberg

Jean Figerou

février 2006

Épilogue

Il n’y a pas deux heures qu’ils sont partis. Ils ont juste eu le temps d’engouffrer la passe et de se glisser dans la sortie de l’Adventfjorden, juste contourné l’aéroport. La mer forcit. Ils n’ont pas l’habitude de Fil-en-Six. Le patron n’aime pas prendre la responsabilité d’un bateau qu’il ne connaît pas. Mais comment faire autrement dans leur association ? tous les équipages tournent et l’on doit se résoudre à la ronde des chefs de bord si l’on veut faire naviguer tout le monde. Inévitable. Dommage. Ce serait plus marin si les équipages se chevauchaient, ainsi il n’y aurait jamais un équipage entièrement novice sur le bateau en même temps. Ce serait la sécurité.

La mer forcit encore. Histoire de les tester un peu et de s’amuser. Elle affûte ses lames par ironie bienveillante, pour se soulager et dégourdir ses eaux comme un dormeur s’étire après sa nuit. C’est dur d’être vierge d’un bateau. Cela fait bien un an qu’ils n’ont pas navigué et deux jours qu’ils stagnent à Longyearbyen. Ils n’ont eu le temps que de faire les courses et d’attendre la fin du dimanche et la matinée du lundi pour combler leurs achats. Maintenant c’est l’heure du grand large, mais ils n’ont pas encore le bateau en main. Le vent forcit toujours. Prendre un ris dans la grand-voile et quelques tours sur le yankee et la trinquette. La mer se fait espiègle et farceuse, le froid monte et les embruns pèlent les gens. La Baie de Glace est rageuse. Ils prennent le second ris mais ils devraient déjà être au troisième, avec tout ce vent, tout ce vent qui n’arrête pas de monter et de monter sans fin. C’est à sec de toile en fuite, oui, qu’ils devraient être. Le chef de bord s’inquiète. Il n’aurait pas dû partir si vite avec des gens si peu amarinés. Ils auraient dû s’entraîner avant. Rien, juste des ronds dans l’eau, histoire de faire le bateau à sa main et de voir venir. Il regrette. Il est trop tard. Il aurait dû jouer la prudence.

Le vent mugit. Une rafale cumule le grain. Le bateau couché dans l’eau pour ne pas dire vautré, le pavois gicle sous l’eau et même plus, il gîte jusqu’à l’hiloire. Ça sent le drame. Le vent redouble, il monte colère. Ils sont à la sortie de la baie sur Daudmannsodden, enfin pas sur mais en bout. Quoique ? Quoique ? Ils ne sont pas loin de l’épouser. Ça ne saurait tarder. La Pointe de l’Homme Mort les attire. Fatal présage. Le vent les hale dessus. Les cœurs battent. Ça hurle mauvais. Il y aura mort d’homme. Ils ne savent mais le pressentent. Le chef de bord se ronge le foie, il aurait dû prendre ce ris il y a une demi-heure, il a trop tardé. Quelle connerie ! Et ce ris qui n’en finit pas de finir. C’est long, c’est long. Quand auront-ils fini de le prendre ? Qu’est-ce qui ne va pas encore ? Ils s’empêtrent. Si ça continue, ils vont finir par se foutre à la côte. Misère ! Et ce bateau aussi il est préhistorique, j’ai jamais vu une prise de ris aussi compliquée avec des winchs qui ne vont même pas au bout de leur course, des goupilles qui se coincent à chaque instant, réas et fixations mal positionnés, des bosses absentes ou inutilisables et des bouts qui se multiplient à plaisir. Le vent est trop fort, je vais faire affaler l’artimon dès que le ris sera pris. Oui. Pourvu qu’il ne soit pas trop tard. On va tout casser. Rentrer le yankee, garder juste un petit torchon de trinquette. La mer gonfle maintenant, rageuse, elle crachouille, faudrait pas qu’elle déferle. On bouffe du sud-ouest plein la gueule, en outrance. Il nous dépale sur la côte. On n’arrivera jamais à sortir du fjord, se dégager et courir la haute mer, libéré. On va à la catastrophe sûr. La castagne est proche. Si seulement ils terminaient de prendre ce ris, on serait manœuvrant. Faudrait virer. On peut pas, faudrait virer quand même. Y aller.

Faire gaffe la pointe nord de l’Isfjord court sur deux milles en mer, ne pas venir s’y empaler. Oh la bande ! Ils n’arrivent plus à le contrôler à la barre. Il va finir par gîter à foutre le cockpit dans l’eau et les barres de flèche à labourer la flotte. Il… Aulofée à mort. Non l’artimon faseye. Ils n’ont pas assez choqué l’écoute de grand-voile. Crier pour le faire faire. Encore. Le vent emporte ma voix. Y aller. Trop tard. Ça y est. Il s’est couché. On a embarqué par le cockpit. Yaouh ! La bascule ! Eh bé mon vieux ! J’ai pas perdu d’équipier au moins ? Un, deux, trois et… Et… Et quatre. Ouf ! Ça va. Alors ce ris ? Et la côte qui arrive. On va se foutre au plein. Sûr. On va se foutre au plein. L’eau court sur la mer. Y a plus de pied dans l’eau. On va se coucher échoué et pourrir sur pied. Faudra pas trente secondes pour que la quille croche. On voit le fond. Ohiayllhe ! Je le touche avec les yeux. Vite, envoyer le moulin pour se dépaler. Vite, vite. Les gaz. La manette. Impossible à débrayer. Mais qu’est-ce que j’ai fait au bon Dieu pour avoir un bateau pareil ? Non, ne force pas, ça sert à rien, au contraire. En douceur. Tout doux, tout calme. Mais elle va se faire branler longtemps cette manette avant d’avoir la gentillesse de nous accorder l’honneur de nous faire la grâce de bien vouloir bouger. Non, c’est pas la peine d’insister, si je peux pas mettre les gaz à fond, débrayer, il ne partira pas. Appuyer à fond sur le moyeu, perpendiculaire au levier et… Non. Le tapoter ? Non plus. Recommencer. Attends. L’enfoncer. Le titiller en douceur. En douceur surtout c’est ça l’important. En douceur. Que dalle oui ! Le chahuter. Rien n’y fait. J’abandonne. Ou ? Le tourner légèrement d’un côté de l’autre, encore. Ouf, ça y est. Il a bien voulu débrayer.

Vite le contact. Le décompresseur à la cuisine. C’est une invention ça encore ! J’ai jamais vu un diesel partir ainsi. Faut avoir trois mains pour le démarrer ! Contact. Démarreur. Démarreur. Repousser le compresseur ? Rien ne vient. J’ai bien mis la masse ? Les batteries ? Oui. Reprendre tout et recommencer. Un peu de temps voilà. On recommence la manœuvre. Toujours rien. Le moulin refuse de partir, il ne manquait plus que ça ! Le compresseur peut-être qui n’arrive pas à se refermer ? Insister. Le repousser à fond. Pareil. Ça n’a rien changé. Veut pas partir, veut pas partir ! T’énerve pas. Recommence. Lentem…

Mais qu’est-ce que c’est ? Tout mouillé. Une lame qui vient de nous asperger. Sur le pont. Oh mais c’est que ! C’est que ! Faut absolument sortir de là. Ça déferle, ça déferle dru. On est à la côte. On va se faire rosser par les rouleaux. Ohyaille ! Bâbord amure, ça va pas, ça nous fout à la côte. Faut se désencaper. On a une petite chance de s’en sortir en virant tribord, tribord amure, vite ! Mais en urgence, vite, tout, tout de suite !

— Virez les gars ! Virez ! Ça fait rien. Virez ! Virez quand même. Sur l’autre bord ça nous éjaculerait dehors, vers le large peut-être même, suffirait de passer cette pointe.

Oui, mais comment ? De toute façon on n’a pas viré, on est toujours bâbord amure. On peut pas… C’est pire de seconde en seconde et on n’a pas pu virer, on n’est pas manœuvrant. Ayihhihihhie ! On est dans les rouleaux de grève. On va s’échouer. Sûr ! Inévitable ! Trop tard !

— Vite les gars, vite ! Virez en urgence. Merde ! Ce bruit ? On a talonné. Trop tard ! Vite, vite, les gars, on vire, on vire, pas le temps de réfléchir ou d’attendre, virez bordel de Dieu ! Virez ou on est au plein ! Le vent nous fout à la côte à mort, vous voyez pas ? On va se faire drosser. Oh ça y est, trop tard !

La lame nous enlève, nous porte, nous porte et nous pose échoué. Merde de merde de merde ! Comment s’en dégager ? Et le courant en plus qui nous porte à terre. Aye aye aye ! Y a plus rien à faire ! Qu’est-ce qu’on peut faire ?

Le bateau dans la mer en bord de grève posé sur le flanc. À racler et racler le fond à chaque vague qui le porte un peu plus haut sur la grève. Bruit assourdissant des cailloux qui roulent sous les rouleaux éclatés de rouleaux à vous éclater les tympans rongés de sel. Et le bateau tape et tape sur le fond. Il va casser, sûr, il va casser. Il pourra pas tenir il tosse trop sur les cailloux, ils vont le déchiqueter. Et le vent qui monte encore, en bourrasques de toupies et la mer mugit de rouleaux encore et encore à rouler Fil-en-Six et le porter toujours plus haut sur la côte, au glacis de caillasses, au nœud du courant. Elle le lève par la hanche et le crache sur la grève dans un nid de pierres rondes qui le dévorent et le douchent de coups. Pourvu que le safran ne porte pas ! Pourvu. Ou on est foutu. Si jamais il porte, il va se briser et là c’est la perdition de la perdition. Suffit qu’un caillou coince la charnière, qu’il se mette à contre en porte-à-faux et l’on est foutu, bouillu, perdu.

Quelle connerie ! Bâbord amure, on s’en serait peut-être sorti. Les lames nous auraient dépalés. Peut-être ? Enfin peut-être ? Rien n’est moins sûr. Faut bien se donner du courage. De toute façon c’est trop tard, on va pas revenir dessus sans fin, on va pas ressasser. Quelle connerie ! Si seulement j’avais pris ce ris un peu avant ! On attend toujours trop, toujours trop tard ! Surtout avec des gens non amarinés ! Qui connaissent pas le bateau en plus ! Ahlala ! Quelle connerie ! J’aurais pas dû.

Rouleaux sur rouleaux sur rouleaux. La mer charrie sa colère en folie, elle déferle à mort. Fil-en-Six massacré de vent en tourmente soulevé, chahuté à chaque lame, porté un peu plus loin sur la rive aux gros cailloux qui martèlent sa coque à l’exploser. Le temps hurle l’eau, le froid, la mer et le sel. Il se meurt.

La mer est cruelle. Elle fait ressac. Pulvérisée de vent, elle grumelle de rides écrêtées de vent qui aveuglent et asphyxient les bronches. Peut plus respirer. On est dans la marmite du diable en gros bouillons échevelés tout tourbillonnés d’aspergé. La mer en tourmente, en friselis acérés de courants revêches au vent qui lèvent la mer en petites lames jetées de triangles courts et courbes comme virgules, exacerbées de colère qui vous douchent à mort en permanence sans répit, infernales. Et le vent qui n’en finit pas de s’engouffrer dans ces lames perverses toutes troussées du courant de flot et vous inonde. Chaque rouleau gicle par-dessus le franc-bord et nous asperge à crever, le cockpit pulvérisé de mer. Ça rentre même par seaux à chaque coup de bélier par la descente.

— Vite, vite fermez la descente ! Fermez la descente ! Essayez au moins. On embarque.

J’ai déjà froid. On est trempé. Et Monique qui tremble comme feuille en détresse. Envoyer le sos ? Pas encore, attendre un peu. Si par miracle on était en bas du jusant, on aurait peut-être une chance de s’en sortir ? Tu parles ! Avec la mer qui n’arrête pas de nous monter sur la grève en ascenseur ! Si ça continue, elle va finir par nous hisser tout au sommet de la montagne à ce rythme. Quel bruit d’enfer ! Le bateau va casser, sûr ! Personne n’est blessé au moins ? Hein ? Non, ça pas l’air. Et Bertrand ? Où est Bertrand ? Et Nicole ? Ah le voilà !

— Hein ? Qu’est-ce que tu dis ? Dedans le chauffage commence à prendre feu ? Hein ? Le pétrole s’est répandu ? Vite, vite éteins-le ! Il manquait plus que ça ! Éteins-le, éteins-le, avec n’importe quoi mais éteins-le, je t’en supplie en toute urgence et toute priorité.

Il manquait plus que ça ! On est en détresse. C’est plus un bateau c’est un sous-marin, jouant l’épave. On est à terre définitivement, sûr ! On n’arrivera jamais à s’en décrocher. Ne perds pas courage, on ne sait jamais ! Ne sois pas idiot !

Aye ! Il vire sur sa quille ce con de barlu ! Il montre son cul à la lame l’imbécile, le dernier rouleau nous a versés dans le mauvais sens. Il nous a soulevé la voûte trois-quart arrière et nous a rejetés cul à lame. On va embarquer trois fois plus par l’arrière. On tiendra pas trois minutes à la vitesse où l’on remplit ? Qu’est-ce qu’on embarque ? Si seulement… Mais c’est un bateau en acier, ça coule plus dru qu’un fer à repasser.

Chaque vague capelle Fil-en-Six, qui n’en peut mais, l’assaille de cailloux qui le roulent et le monte un peu plus haut, toujours plus haut en sommet de grève. Fortune de mer sur la pointe de Daudmannsodden à la mâchoire supérieure de l’Isfjord à l’endroit où la baie porte canine. Fil-en-Six s’y incruste. Le bateau meurt de vagues comme le présage l’avait écrit tout irrité de pressentiment, l’humeur lourde d’orage. Couché sur le flanc, il tosse sans répit sur sa couche de cailloux qui le ragasse sans fin et lime sa coque. Chaque rouleau qui éclate sur la carène, le trempe, l’eau salée pulvérisée entre à l’intérieur et imbibe toute chose. Et le bateau n’en finit pas de tosser et de tosser et de racler le fond à s’éclater. Il va périr. Bruit assourdissant du ragage. Couché sur tribord à même le bouchain à vif qui ragougnasse d’arêtes. Il va s’ouvrir. Ainsi périt Fil-en-Six. Jamais plus il ne dira la mer. Jamais plus. Jamais plus il ne l’allongera de son étrave à la parcourir de frissons pour connaître le plaisir.

Attention ! Monique se casse la gueule. Elle s’est fait mal ? Non pas trop. Puisqu’elle crie à tue-tête qu’elle s’est blessée à mort c’est dire que ça va. Bertrand glisse à son tour. On peut plus tenir. La houle est si forte que l’on ne tient plus sur le pont et même dans la cabine sans s’accrocher arc-bouté à mort. C’est simple, on se croirait sur les montagnes russes éjecté de son corps à chaque secousse et les lames n’en finissent pas de nous projeter comme des balles à nous fracasser contre le vaigrage. On n’est plus que de la viande à pilon. On se gèle, trempés, littéralement imbibés de mer, à claquer des dents. L’onglée qui monte. Intenable. Et derrière les engelures. Oh yaillheyaille !

On tiendra pas cinq minutes de plus. On est en congère. Faut lancer un sos et évacuer le navire. Je voudrais pas perdre un homme et avec toutes ces secousses ça ne saurait tarder. C’est le froid surtout, le froid. Combien de temps peut-on tenir ainsi gelé, trempé, transi ? Ouh ! Déjà ça hurle dans mes mains. Descendre. Descendre. Ouvrir le capot. Et merde. Une lame en profite pour embarquer et tout saucer sans être invitée. Il s’ouvre oui ou crotte ce satané capot de… déroute. Ah voilà ! Allum… Ah ! Je me casse la gueule. Ouillhe ! Y a pas idée aussi de faire des coins aux angles des tables à cartes. Ouh mais quel coup de butoir ! Il va casser sûr, il va casser le bateau. Les faire rentrer au maximum. Tous oui ou presque. Non tous. C’est pas la peine qu’ils se les gèlent pour le plaisir. Ça serait idiot qu’ils se meurent gelés avant qu’on les sauve. Oh si jamais j’en perds un ! Si un seul meurt de froid, j’en serai malade à vie. Pauvre nougat, c’est pas un mort que tu auras, mais tous. On va tous y rester avec la mer qui nous congèle sur place. Je suis déjà mort de doigts. Vite. Allumer la vhf. Allumer. Le 16. C’est parti Comment dire ? Euh ? Allez ! C’est pas le moment de faire des manières. Oui Mayday. Mayday. Mayday. Fil-en-Six, Fil-en-Six lance un sos à tout navire.

Bon, allez bougre d’imbécile ! Au lieu de t’entraîner dans ta tête, tu ferais mieux d’y aller. C’est pas le temps de perdre du temps. Que tu n’en as plus beaucoup du temps. Vas-y pas de panique ! Ouh mais la position ! La position. Exact. Euh ! Où est la carte ? Merde où est la carte ? De toute façon…

Le point ! Vite ! Latitude ? Latitude ? Enfin le point à peu près. Pas la peine. Juste le lieu, le nommer, situer c’est tout. C’est ? C’est là. Oui. Canal 16. Le 16 est branché. Oui. Allez. Top. Go. Ouhiaillhe ! C’est la première fois que… Dépêche-toi ! Tu cogiteras après :

— Mayday. Mayday. Mayday de Fil-en-Six, de Fil-en-Six Nous sommes à Daudmannsodden à la pointe nord de la sortie de L’Isfjord en perdition. À la pointe nord de l’Isfjorden, à l’est de Daudmmansodden. À vous. Nous sommes échoués à la côte ou presque. Position. Est de Daudmannsodden. Mayday. Mayday…

Ça crachouille. Ça répond. Ça… Ouf !

— Ici l’aéroport. Avons entendu votre message de détresse. Le signalons à l’hélicoptère sur zone qui va rentrer en communication avec vous. Avez-vous des blessés à bord ?

— Non.

— OK !

— Ici l’hélicoptère de sécurité. Ai enregistré votre demande de secours. Donnez votre position exacte. Donnez votre position exacte.

— 78° 12’ 35’’ nord. 13° 02’ 79’’ est.

Merci gps.

— Je serai sur zone dans 10 minutes. 10 minutes sur zone, m’entendez-vous ?

— Oui. Je vous entends. Je vous entends.

— Ok ! Restez sur antenne !

Sur zone. L’hélicoptère de sécurité est sur zone. On ne devrait pas trop attendre. À quelque chose malheur est bon. Ouf ! il va nous sauver. Il était temps. On ne tiendra pas une demi-heure encore. Non. Quelle misère ! Ohlala ! Je n’aurais jamais dû prendre ce commandement Mais qu’est-ce qui m’a pris de prendre ce commandement ? Je n’aurais jamais dû, je le pressentais en plus. Ayaayae aye ! Enfin pourvu que tout cela se termine sans accident d’hommes. C’est tout ce que je demande. C’est le plus dangereux le sauvetage. C’est connu. Là où arrivent les catastrophes. Faire très prudent. Va pas tarder maintenant j’espère. C’est qu’une question de minutes.

La mer est écume. Le vent en rafales n’en finit pas de culbuter Fil-en-Six et de l’asperger d’eau pulvérisée arasée de sel. Ils gèlent littéralement sur place. Ils ont, autant que faire se peut, ferlé la grand voile et roulé le reste de bout de yankee. La bôme pend lamentablement sous le vent. Les drisses désaccordées chahutent au mât. Le bateau, lancé de cailloux, éjaculé de sa coque, oscille sur sa quille comme cheval à bascule et n’en finit pas de se répandre sur le flanc. Il se crache à chaque lame de récurer le fond de mer, lever caillasse et éructer de sable vaseux. Tout est boue, sel, eau et gel. Les corps pleurent de froid. Et la houle qui n’en finit pas rouleaux après rouleaux d’enfoncer Fil-en-Six en terre, de plus en plus en terre. Combien de temps va-t-il pouvoir ainsi tosser ? Combien de temps ? Oh celle-là ! Elle déferle sur plus de deux mètres et nous asperge de bas en haut, devant derrière devant, partout, inondés. Détrempés, on n’en finit pas de dégouliner dans le froid glacé. Elle s’est insinuée partout, elle coule, lentement, chemine, encore, encore dans mon dos, inonde le cou et descend, descend jusqu’aux lombaires. Ayaihe ! Frissons. Pourvu qu’il ne tarde pas ou l’on se retrouve tous à l’hôpital des grands gelés. Tous. La famille congelée glaçons morte de douches polaires répétées et juxtaposées à fréquences trop précipitées. Et ce vent ! Le vent n’en finit pas de monter et pulvérise la mer de vagues. L’air est si saturé d’eau qu’on ne peut plus pratiquement respirer. Suffit que le vent monte encore de cinq nœuds et l’on périrait noyés, les poumons gorgés de ces petites gouttelettes d’eau qui sursaturent l’air en orgie. C’est bête quand même de mourir noyé à cinquante mètres de la terre ferme. Y aller à la nage. Folie ! Avec ce froid, c’est la mort assurée dans les cinq minutes. On mourrait congelés, viande à ours. Le canot ? Mieux vaut attendre l’hélico.

Ouh ! Que j’en ai marre de me tenir à cheval sur la coque. À califourchon sous le grand galop des vagues qui précipitent le bateau chaque fois roulés de chute. On se croirait à dada sur le flanc du bateau tout chahuté de mer par à-coups fous. Une lame va finir par me balancer à l’eau. Oh ! La bascule ! Je tiens plus. Rentrer à l’intérieur avant de me faire enlever. Mais je surveille l’hélico. Ah le voilà ! Je ne le vois pas mais je l’entends. Ah si le voilà, plein sud ! Ouf ! Oh ! Ce bruit assourdissant ! À vous crever le tympan tout crissé d’épingles. Combien de temps va-t-il encore tenir sans se fracasser ? Comment ça résiste un bateau ? Il aurait été en plastique, y a longtemps qu’il aurait été déchiré, fétu de paille.

Heureusement qu’il n’y avait pas de glaces. On serait mort. À se faire drosser sur les glaces, charriés de growlers en béliers qui de frappes en frappes, auraient cabossé le bateau. Cabossé que dis-je ? Pulvérisé, écrabouillé, oui ! Anéanti ! Ohlala ! Si on s’était échoué au milieu des icebergs ou des bourguignons, acculé à la rive, entassé, écrasé sous les glaces qui seraient venues s’amasser sur le bateau. On aurait été broyé sous leur poids. Il aurait même été déchiqueté avant sous les arêtes des glaces, en charpie oui, aplati crêpe, tronçonné par leurs angles acérés, en lambeaux comme lanières de graisse et de chair découpées du ventre de la baleine, dépecés à même la grève. Recevoir des lames et des déferlantes, c’est dur, mais le bateau amortit, ça va encore. Il peut se défendre. Mais recevoir des vagues de glaces, des growlers de plusieurs tonnes, de plusieurs dizaines de tonnes même sur la coque, elle pète, elle éclate tout en cabosses. Et nous on aurait fait sandwich. C’est sûr, il peut pas tenir ! Ça doit être encore plus terrible des déferlantes de glace. À mourir congelé de peur oui ! Tout écorché vif de glaçons qui vous accumulent de fractures ouihiaillhe ! Ça fait comme une mer de roches jetées de mer, déferlante de graves aiguisées en lances et hallebardes. Mieux vaut ne pas y penser. Y en aurait eu des blessés et des morts écrasés, déchiquetés. Peut-être même pas un seul rescapé, ouhihaillhyaillhe !

Ah, l’hélicoptère ! Enfin. Tout le monde a sa brassière au moins ? S’en assurer. Oui, oui. Bien. Sauf moi Ah crotte ! J’y vais.

Bruit assourdissant des pales. Mer aplatie en cyclone tout autour du bateau. On ne s’entend plus. L’hélicoptère à l’aplomb du bateau. Bômes choquées à traîner dans l’eau pour gêner le moins possible la manœuvre. Le câble descend avec son poids et toutes ses sangles d’arrimage.

Quand je pense que l’on va se retrouver pendu à ce petit fil un à un. Mais il ne pourra pas tous nous porter d’un seul coup ? Il lui faudra deux vacations au moins ! Qui dans la première ? Ohè ! Celui qui reçoit la câble devant lui. On va pas se chamailler, ni se perdre en politesse en se passant le bout ad vitam aeternam.— Si, si, vas-y ! Et après Monique. Non ne nous fais pas perdre de temps, je t’en prie. C’est pas le moment.

J’aurais pas dû. Est-ce que je fais bien d’évacuer ? En mouillant une ancre et attendant le haut de la marée. Idiot ! T’es complètement à la côte, tu peux pas t’en sortir tout seul. Et puis attendre la marée à cheval sur le flanc de ton bateau. On serait tous morts congelés de mer. Il embarque trop. Il n’y aurait plus eu qu’à dresser neuf petites croix sur tombe sur la rive avec un petit cairn de pierre in memoriam. Non c’est la seule solution. Ç’aurait été complètement imprudent irresponsable. Si que y en avait un qui était mort, ouhlalla ! Ne pas y penser. J’en suis malade rien qu’à l’idée. Il va hélitreuiller tout le monde. Et l’on va être sauvé. C’est ça l’important Qui d’abord ? Le plus près du câble. Et puis ?

De toute façon jouons au capitaine jusqu’au bout, faisons-nous hélitreuiller le dernier. Ça fait grotesque et pourtant d’abord les femmes, les enfants, non idiot les enfants y en a pas, y en a pas vraiment, la plus jeune a 25 ans. On peut pas dire que ce soit une enfant. Germaine ne voudra jamais partir la première. L’exigerai. C’est ma femme mais c’est une femme, donc avant les hommes un point c’est tout y a pas à discuter. Un point c’est. tout C’est ridicule mais comment faire autrement ?

Oh mais ! J’ai oublié. Y aller. Tant qu’à faire. On sait jamais. Tout éteindre. Couper le jus. Éteindre la vhf. Le gps. Tous les instruments de navigation et couper les batteries. Fermer les vannes on sait jamais. Chiottes, moteur et cuisine. Et les manches à air voir si elles ne prennent pas trop la mer. Les retourner et bien fermer la cheminée du chauffage arrière. Aller retourner les manches à air avant, elles sont dans le mauvais sens. C’est idiot, mais c’est comme quand on part en vacances et qu’on ferme bien la maison, le gaz, l’eau et tout avant de partir. Par prudence. Ouh mais je vais finir par me foutre à l’eau à force de jouer au singe à vouloir retourner les manches à air !

J’ai bien fait d’évacuer le bateau. J’ai pas eu peur, paniqué ? Non. J’ai bien fait. On n’aurait pas pu tenir giclé d’eau en permanence. La mer était trop dure, on aurait versé, de toute façon on aurait gelé très vite, j’ai bien fait. Si. Oui C’était même la seule chose à faire. Hum !

C’est la première fois que je me fais hélitreuiller. Ça fait une drôle d’impression. C’est un peu comme retomber en enfance. Redevenir irresponsable, jeté en d’autres mains, comme à la foire dans les grands manèges en folie d’ascension. J’ai jamais fait de saut à l’élastique, je sais pas si j’aimerais, mais là c’est un saut à l’élastique où l’on monte au lieu de tomber, c’est pas pareil, y a pas la peur, juste l’appréhension.

— Déjà quatre de sauvés ! C’est toujours ça. Pourvu qu’il… Où vas-tu ? Hein ?

— Chercher mon portefeuille.

— Pas question. Trop tard.

— Je vais juste…

— Pas question. C’est trop dangereux.

— Mais…

— Non, j’ai dit non. C’est un ordre. C’est plus le moment de faire des bêtises. On a déjà fait assez de conneries comme ça.

— Mais j’aimerais…

— Tais-toi. De toute façon c’est ton tour. Allez. C’est ton tour. À toi de jouer.

Je suis le dernier, c’est la dernière rotation. Qu’ils sont drôles tous les cinq sur la rive emmitouflés de couvertures et couvés d’alu hi ! Déjà cinq de complètement sauvés, c’est déjà ça. J’ai rien oublié j’espère. De toute façon maintenant, ça n’a plus grande importance. De ma vie j’ai jamais été trempé comme ça. Je suis pas trempé mais imbibé de l’intérieur jusqu’au plus profond des tripes, des bronches, imprégné d’eau. J’aurais pas tenu une minute de plus. J’ai bien fait. Tu dis ça pour te persuader… Non j’ai bien fait, si alea jacta est.

Comment ça se met ça ? S’il faut mettre cinq minutes pour l’ajuster, on n’est pas sorti du goulot ! On a dix fois le temps de crever avant de saisir les secours ! Comment ça marche leur engin ? Ah si ! Ne sois pas idiot, c’est bête comme chou. Qu’est-ce qu’il me veut ? Il me fait signe. Qu’est-ce qu’il veut ce plongeur sous-marin en bibendum écarlate ? Il me dit qu’il semble qu’il n’y ait pas de voies d’eau ? Heureusement. Non, il me dit d’y aller, de me dépêcher, mais je ne demande que ça. Je fais ce que je peux. Empêtré. Ah oui ! Je passe la sangle et je descends la bague c’est tout. En effet c’est tout simple. Et me laisse enlevé. Bien.

Ouh ! C’est curieux. J’ai l’air malin pendu au bout de mon petit filin comme un asticot en bout d’hameçon. À Dieu vat ! Y a plus rien à faire que se laisser dorloter pour quelques minutes. Fil-en-Six est épave jetée solitaire sur la grève. Il fait mal et tout petit d’en haut, ainsi couché sur le flanc blessé à mort. C’est ma première fortune de mer, quelle bêtise !

La mer n’en finit pas de le projeter de cailloux, pendant que vautré sur son bouchain vif, il oscille sur sa quille et bascule de hanche à chaque vague déferlée qui le borde d’écume et le submerge, il tangue sans fin sur sa béquille de quille noire de balanes, râpeuse de crabans. La mer n’en finit pas de le branler à chaque rouleau. Elle l’arase et le balance à chaque coup, le jette et le rejette chaque fois un peu plus bosselé. Comme un coléoptère blessé, culbuté jambes en l’air, ailes noyées, élytres broyés, qui se serait englué dans un verre d’huile battant désespérément des pattes et s’enfonçant de plus en plus dans le gluant du gras à force de se débattre sans fin jusqu’à épuisement. Il fait jouet vu de l’hélicoptère qui n’en finit pas de monter au ciel et de nous porter à terre, à terre, à terre. C’est fini pour moi la mer. Fini. L’hélicoptère vire dans sa courbe et Fil-en-Six disparaît pour toujours, pour toujours.



Le sos courut sur la mer. Il ne resta pas innocent. Un Hollandais grippe-sou et tatillon du portefeuille comme beaucoup de Hollandais, vit là occasion de faire jolie prise de mer, un beau coup de fric. Il appareilla de Longyearbyen où habituellement il relâche pour attendre des touristes qu’il traîne dans de courtes croisières de deux ou trois jours faisant indéfiniment la navette entre Ny-Alesund et la capitale. Le splendide trois-mâts goélette, de plus de cent vingt-deux pieds de long, charter à toutous se précipita sur le lieu du naufrage. Il s’en frotte déjà les moustaches, une jolie petite prise de mer l’attend, hihi !

Pleins moteurs le Rembrandt Van Rijn, car tel est son nom, court sur la mer vers le lieu du sinistre. Bateau funeste que l’on avait admiré à l’aller non sans un certain frisson froid en un pressentiment de haine. Certains courent les mers pour les trousser, lui il court le fric, charognard d’épaves et taxi à touristes. Il y a toujours du vaisseau fantôme, bateau de très mauvais augure dans les navires hollandais, tout marin sain de cœur vous le dira. Wagner court toujours dans leur tête les nuits de grande houle.

Quelques heures ont passé, le temps est au froid mais la mer plus calme, le vent tombe. Le Hollandais croise sur le lieu du drame. Tribord, bâbord, tribord, retourne, vire. Couché sur tribord, les mâts vers le large, versé comme un cachalot harponné, le pauvre ! Tu parles d’un cétacé contusionné ce ketch à la carène couleur de deuil ! Va se briser. Non, ça a l’air d’une coque en acier cette barge. Le Rembrandt se donne le temps de penser. De toute façon y a le temps, la marée n’est pas favorable. Pas évident. Bel échouement. Va pas être facile à récupérer. Qu’est-ce qu’il est monté à terre !

Il ne peut s’approcher plus au risque de s’échouer à son tour. Il attend l’étale de pleine mer. L’épave est à deux cent mètres. Oh oui ! Une bonne encablure. C’est déjà beaucoup. Il est même trop près. Culer un peu. À peine treize pieds au sondeur. Trois heures après l’étale de basse mer. Si jamais il talonne, il pourra toujours s’en sortir moteurs à fond avec le flot qui le portera peu à peu. Mais c’est pas le moment d’essayer. Un bateau échoué, ça suffit. Il a presque trois heures pour parer l’opération. La mer s’est calmée déjà. Ça facilite drôlement le boulot. Il tourne encore. Rembrandt réfléchit, suppute, conjecture, soupèse, argumente dans sa tête et prospecte toutes les solutions possibles, les jaugent et les comparent, juge la meilleure et la retient. Les mâts sont tournés vers le large, vers le profond de la mer. Se tenir est sud-est. Non, sud sud-est. Oui. Capeler deux aussières sur les mâts avec le zodiac, tourner l’amarre au cabestan et virer à fond la caisse, moteurs pleins une heure avant pleine mer. Et c’est joué ? Ça devrait marcher.

En panne au large, le Rembrandt Van Rijn attend l’heure en cassant la croûte. Ça va être une bonne prise. Ils n’ont laissé personne à bord ces nénuphars de mare, pas même un chien. Le bateau est à nous, hi !

On va pas tarder à l’afflouer, on est venu pour ça. Encore des touristes, ils devaient pas savoir naviguer. Autrefois, y avait que des vrais marins à Svalbard, maintenant affluent les Marie-Chantal des mers et autres marins d’opérette, les plaisanciers, ces plaisantins des mers ouvragés touristes et les sinistres vont se multiplier, d’une certaine manière tant mieux, c’est notre aubaine, on va faire du fric.



L’heure passe dans l’attente du flot. La mer est de moins en moins dodue. Le vent est mort comme souvent à Svalbard, il s’éteint aussi vite qu’il a été soudain et fort, ne beuglant qu’une ou deux heures d’affilée à plein régime pour le plaisir, histoire de se faire la voix et engraisser ses vocalises. Maintenant la mer est calme et luisante comme dos de phoque. Juste un peu de ressac pour souligner le coup de vent et laver la grève. La mer joue les paisibles, la glace l’a fuie pour un bon bout de temps et de chemin. En bout de cap le soleil est rond, le fjord ouvre la mer. Ça va être le moment.

Raidir les élingues et y aller. Le zodiac au vent de l’épave en cas à surveiller la manœuvre. Il l’a bien portée. C’est pas tous les jours qu’on emploie une telle longueur de bout, mais c’est facile elle flotte. En câble de remorque elle est géniale. Tout est paré, on y va.

Les moulins à fond le Rembrandt ébroue la mer, plein gaz. L’aussière se tend, Fil-en-Six vient au bout de sa longe en travers, à fendre la mer en barrage. Il la laboure. Puis il hochette, hoquette, se relève revêche, dresse ses mâts, reprend de la gîte, se redresse et tient. Ça y est. Il est en pleine eau. Sauvé. Encore un peu. Il a pas trop souffert ? L’écarter. Et venir avec le zodiac porter l’aussière sur la bitte d’étrave pour ne pas le tirer par le travers et engager dans les haubans ou ailleurs et encore péter du matériel. Beau barlu, mais a vraiment une gueule d’épave ouih ! Le bord tribord tout hachuré couturé de bobos. Ben mon vieux ! Hi ! Je me fais l’effet d’un corsaire. Hi ! On va toucher plein de pognon, plein aux as, j’aime, j’adore me border au fric. Ce n’est que chose due, j’ai affloué l’épave à moi tout seul. Mais ces bougres de plaisanciers semblent s’être affolés un peu trop vite, ils ont quitté le navire trop tôt, je pense en panique. Tant mieux pour la galette, je la palpe déjà.

Et le Rembrandt Van Rijn rentre au port de Longyearbyen triomphant, le ketch en remorque. Il fait enregistrer sa prise de mer par les autorités compétentes. Fil-en-Six en bout de laisse, gueule d’épave délabrée, les hauts de mâts fracturés pendants, ballants et le flanc tout cabossé et enfoncé sur bien vingt centimètres de profondeur par endroit sur le vif du bouchain dans des crêtes d’arêtes aiguës dentelées de pointes abrasées. Vingt centimètres ? Oh oui, au moins, au moins ! Il a le flanc massacré. Deux mois plus tard quand on ramènera le bateau en France, il fera un nœud de moins quand il s’épaulera sur sa hanche tribord, courant bâbord amure.

300.000 francs de caution pour le libérer demande ce vilain truand de Hollandais. L’impudent coquin ! Il se touche ou quoi ? Sur le marché Fil-en-Six n’en vaut même pas la moitié. Dur de vivre charognard et de la misère des autres. Parfois le matin dans le miroir on doit lire son portrait tout noir.
Aujourd’hui le débat entre les assurances dans un cocktail infini de juristes enrichi d’une tresse d’avocats de tous pays et tous bords se poursuit. Entre référés, tribunaux, appel et cour suprême s’ouvrent des siècles de procès ourlés de procédures pour Fil-en-Six. C’est toujours triste pour un bateau de finir entre les mains de la justice, il se vit délinquant.



(Jeudi 13 octobre 1994,
jour de grande chance,
à l’heure du berger.
Pour la saint Géraud,
qui connaît ce saint barbare ?
La lune était, il y a deux jours,
à son premier quartier,
elle pare l’hiver.)

Notes

1. Mot esquimau désignant les sommets nus émergeant des glaciers.

2. Le « o » ne devrait pas connaître le tréma mais être barré, comme dans la plupart des cas.

3. Ainsi s’appellent les Esquimaux.

4. Svalbard est censé recevoir seulement de 200 à 300 millimètres d’eau par an, autant dire un désert froid.

5. Cette théorie se révélera fausse. Il devait bien s’agir d’anomalies magnétiques dues à la proximité du pôle. Lorsque deux mois plus tard nous ramenâmes le bateau en France avec un autre équipage la courbe de déviation rejoignit ses incartades habituelles et reprit ses ébats connus à mesure que nous nous éloignâmes du pôle.

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Grand poème païen euphorique, journal de bord stylé d’un « voyage en Hyperborée » (après ceux de Stephane Ilinski publiés par Hache en 1999), au nord du nord du nord de l’Europe, dans l’archipel de Svalbard, autour de la banquise, « immense de corps et d’échos ».

Ceux qui aimeraient s’y retrouver géographiquement peuvent suivre le parcours du bateau sur cette carte, avec les points de passages : Norvège (pas sur la carte), île aux Ours (pas sur la carte), cap Sörk, Hornsund, Bellsund, Van Mijenfjord, Longyearbyen, terre du Prince Charles, dépassement du 80e parallèle, Verlegenhuken.

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Paysage 876 : Corse (2009)