Pierre Igot, mars 1996
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Éditions Hache : http://editions-hache.com/
Ai-je la chance de survivre
Ou le malheur d’exister
Et de perdre mon temps
(Ce précieux temps qu’il me faut perdre)
A me poser
L’éternelle question ?
L’éternelle question
Qui ne se posera plus
Quand quelqu’un voudra bien enfin consacrer
Le temps qu’il faudra
A la réduire au plus infect tas de merde
Qu’ait jamais produit la littérature
La littérature-produit
La littérature productive
Celle dont on attend encore un résultat
Avec impatience
Comme à l’arrivée des courses
Or les courses n’arrivent plus
Car au départ il y a désormais
Un coureur qui ne court pas
Un coureur qui ne sait pas courir
Un coureur qui n’a même jamais entendu parler de courses
Qui ne se sent pas coupable
De se trouver là
Au départ
A ne pas courir
Et qui parle
De ne pas courir
Comme si c’était l’état naturel de son être
De toute beauté
Car il est beau
L’être
Qui ne court pas
Qui n’attend pas
De courir
Et qui survit déjà
A la course qui va tout tuer
Alors il faut quelqu’un
Qui consacre
Le temps nécessaire pour trouver quelqu’un
Qui consacre
Le temps nécessaire
A mettre un point final et bien appuyé
A cent siècles d’un malentendu nerveux
Cent siècles d’une histoire de traumatisme qui ne guérit pas
Cent phrases d’une progression toujours plus lente
En direction d’un trou toujours plus noir
Qui à force d’avoir fait parler de son absence de lumière
A finalement atteint le résultat approximatif
De n’exister plus
Sans que ça se sache
Alors il faut quelqu’un
En face du coureur qui a déjà commencé de survivre
Pour lui dire
Dans ce langage qu’il ne comprend déjà plus
Avec ce regard qu’il ne voit déjà plus
Dans un dernier réflexe honteux de barbare inutilement apprivoisé :
MERCI
A la fin des reproductions.