Interprétation par LL de Mars enregistrée le 23 octobre 2002. Paroles ci-dessous.
Sous ma main droite
le livre de mon père qui
m’attire dans la bouche de ses morts qui
se partagent les plis de ma peau
coupée très droite comme des curs de tissus
Moi qui ne suis vivant
— je dis ça debout, sur une cloche renversée
que la terre couvre un peu —
moi qui ne suis vivant
que pour compter les morts.
J’ai voulu faire le compte
de toutes les choses qui me tiennent,
et voilà ce qui est arrivé :
j’ai commencé par renoncer à l’alcool
À tous ces vins de Bordeaux
dont je n’aurais jamais pu me passer.
Et je suis bien vivant, tu vois, puis
j’ai cessé de fumer ces quarante cigarettes
chaque jour sans lesquelles la vie n’avait plus aucun goût…
Et regarde-moi, je survis,
puis j’ai cessé de lire, nécessité impérative
pour me tenir, et regarde :
je suis bien vivant.
Puis j’ai renoncé à la musique, j’ai survécu sans peine, pas même une brûlure.
Puis j’ai renoncé à la peinture, aux restaurants,
au poisson, à la volaille, à la prière, à la conversation
à mes amis, et tous
en s’enfuyant me laissaient bien vivant.
Je peux te chasser Dieu
Je peux te congédier mon amour,
je peux me couper les mains
et je n’aurai pas plus de peine
qu’hier je n’avais de plaisir.
Je serai toujours vivant
et je compterai les morts.
Hier la bouche des morts
chantait : la liste des choses qui ne me retenaient pas
et il ne restait rien, et ils ont chanté mon nom
et j’ai disparu sans souffrir comme une goutte d’eau sur un morceau de sucre.
Chanson ni gaie ni triste, chanson de l’étonnement de continuer à vivre dans une vie pour laquelle on ne se sent pas tellement fait, et de survivre à la perte du peu qui semblait nous y attacher.