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Foyer à ciel ouvert de littérature contemporaine européenne

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Le Royaume de la paix

Frédéric Moitel

mai 2004

(chapitres 5 à 11)

5. On continue

Et l’homme continue sa journée, quittant d’un pas allègre, ou d’un pas lourd, son petit appartement .

Celui-ci est orienté plein ouest. Ainsi lorsqu’il rentre le soir — vers 17h30 car il refuse de tuer sa vie au travail — le soleil brûlant de juillet l’accueille dans les fenêtres ouvertes. Il y a bien sûr trop d’immeubles autour de lui — de son corps, à proprement parler, de son appartement et donc de son espace vital — pour qu’il puisse réellement voir le soleil et sentir sa chaleur sur sa peau.

Ici aujourd’hui en janvier la lumière du matin est cachée par les façades et les nuages. Une pâle clarté pénètre néanmoins. Aucune clarté ne vient épanouir le ciel et son esprit. Ce matin, l’homme est seul et tranquille. Il respire et sait qu’il doit partir.

Il met son blouson, ferme la fermeture Eclair et met ses gants de cuir. Avant de tourner les verrous et de prendre la poignée de la porte pour l’ouvrir, sortir puis la fermer à clé, il fait un dernier tour d’inspection de son appartement. Il vérifie qu’il n’a pas oublié d’éteindre une cafetière, de mettre à zéro le bouton d’une plaque chauffante ou d’éteindre une lampe. Il fait toujours attention à ce genre de choses avant de partir. Il est très maniaque car il ne veut pas rentrer chez lui le soir et découvrir un appartement en flammes. Il ne veut pas qu’une stupide négligence lui gâche la vie à jamais. Il veut bien, en revanche, qu’à la place d’un appartement ravagé par le démon du feu, on lui donne en guise de dédommagement substantiel, éternel, le corps et l’esprit d’un jeune et beau pompier : dans sa tenue de feu, le corps en feu, les yeux de feu pour anéantir son désir sous les coups de sa lance à eau. Mais les pompiers sont souvent hétérosexuels et l’heure avance : il faut qu’il parte au travail et range ses fantasmes matinaux dans la boîte à chaussures prévue à cet effet : sous le lavabo avec les autres détergents de son appartement.


Il soupire et se dirige vers la porte. Il ouvre les verrous et la porte. Il sort et contemple du seuil son logis si petit. Les murs qu’il regarde sont couverts de souvenirs de voyages — congés payés passés au loin, seul, à contempler les vagues qui embrassent les plages. Sur les murs, des paysages photographiés, des objets traditionnels ; sur la commode, des fétiches africains et des reproductions de temples mayas ; sur le bureau, un vase décoré façon Ming, un candélabre découvert à Tel-Aviv. Il possède bien d’autres choses qu’il est inutile de citer parce que ces choses volées à l’inconnu lointain sont inutiles et le resteront.

Il convient peut-être de parler de la décoration de son appartement, mais d’un point de vue purement esthétique, en remarquant par exemple la prédominance des tons bleus sur le reste de l’éventail chromatique. Les rideaux de coton lourd sont d’une couleur bleu-roi qu’il affectionne pour ses vertus apaisantes. Si les murs sont blancs, les draps défaits sont bleu clair et le linoléum est bleu ciel. La nappe qui recouvre la table lorsqu’il a des invités est d’un bleu quadrillé de lignes jaune paille. Les habits qu’il porte aujourd’hui et le décorent pour la journée prennent aussi leur naissance dans le bleu et ses déclinaisons subtiles : acier, roi, clair, ciel, gris. Oui, cet homme homosexuel a beaucoup de goût et cela n’a rien à voir avec le fait qu’il est homosexuel. Cet homme a le droit de donner à son appartement les formes et les ombres de sa personnalité. Il a le droit d’aimer les meubles en bois exotique, les tapis d’orient et la verrerie bon marché. Il a le droit de prendre soin de son lieu de vie comme de son corps, autre lieu de vie essentiel. Il a le droit de donner autant d’importance au rangement de l’espace qu’il occupe qu’à la vitalité de ses pensées. Et d’ailleurs, le soin qu’il met à s’entourer d’objets qui lui font du bien se retrouve dans les gestes qu’il porte vers l’homme qu’il veut aimer : le soir, lumières éteintes des lampes, toutes bougies du lieu du plaisir à venir allumées, il prend la main de son ami et celle de la douceur pour les joindre dans une première étreinte. Ces débuts de peaux s’apprivoisent en cherchant à donner de l’amour. Puis les bouches se collent et la tendresse apparaît dans les cœurs : elle parvient à entrer dans le corps des hommes grâce à la chaleur. Dès cet instant, le regard de l’homme s’occupe de la peau et du regard de l’homme dans ses bras. Les caresses et les baisers envahissent les champs visuel et tactile qui ont éclos sur leurs corps. Il sent qu’il prend soin de son bonheur. Il sent qu’il prend soin de son bonheur.

Il veut aimer cet homme mais cet homme n’existe pas c’est pourquoi il ferme la porte à clé et part tranquillement travailler.

6. Dans la rue

Qu’il soit homosexuel ou hétérosexuel, célibataire ou en couple, il est 8h30 lorsqu’il quitte son appartement.


Il retire de la serrure la clé avec laquelle il a fermé la porte. Il lève les yeux et ceux-ci se fixent sur une tache blanche : c’est un peu de peinture qu’on a appliqué sur la peinture rouge de la porte pour masquer un défaut. On aurait pu corriger avec de la peinture de la même couleur, se dit-il. On aurait pu laver la porte et la repeindre convenablement. On aurait pu aussi refaire les murs des couloirs et de l’escalier : des morceaux de peinture se détachent et tombent sur le sol, laissant apparaître des coulées d’humidité jaunâtres. Les plaques de peinture craquent sous les pieds quand on descend l’escalier. On aurait pu ravaler l’immeuble entier, dont la façade est noircie par la pollution automobile. Toutes les façades de la rue sont d’ailleurs recouvertes d’un uniforme dépôt noir de particules rejetées par les voitures qui passent dans la rue. Toutes les façades dans toutes les rues du quartier sont sales. Toutes les rues du quartier sont sales : les trottoirs sont jonchés de poubelles pleines à ras bord, de crottes de chien plus ou moins molles, étalées et puantes, et de voitures mal garées qui empêchent jusqu’au passage des piétons. Le matin lorsqu’il pleut, il doit éviter de marcher sur les crottes de chien qui commencent à se répandre dans les flaques d’eau. Le matin, qu’il fasse beau ou qu’il pleuve, on lui inflige le hurlement des voitures embouteillées et pressées d’aller travailler. Lui aussi est pressé et louvoie entre les passants tous aussi pressés que lui.


C’est l’hiver, il pleut et le bruit dès le matin le démoralise. C’est l’été, le soleil brille, il s’apprête à sourire mais glisse sur une crotte de chien.


Il retire la clé de la serrure et contemple la tache. Il lui semble qu’elle a grossi depuis tout à l’heure ou il croit qu’elle a toujours été là, avec la porte, l’immeuble, le quartier, tous présents dans leurs puanteurs respectives.


Il fait une pause, écoutant sa respiration qui se mêle aux bruits extérieurs : portes qui claquent, musiques des radios, voix qu’on écoute, voitures qui roulent, s’arrêtent et klaxonnent, cris, paroles enchevêtrées, bruit de la pluie sur le trottoir. Il aimerait marcher sur de la moquette épaisse mais il marche sur des miettes de peinture blanche. Il regarde ses pieds et ses chaussures cirées. Elles seront bientôt mouillées et crottées.


Il descend les escaliers et quitte l’immeuble en appuyant sur le bouton « porte » qui ouvre la sécurité de la porte de l’immeuble. Il ouvre la porte de la main gauche et sort sous la pluie. Il a oublié son parapluie. Il sera trempé, crotté et souillé avant d’entrer dans le Métropolitain.

7. Dans le Métropolitain

Le Métropolitain est un endroit curieux où se retrouvent les gens pour lire dans le silence et bouger sous la terre. Parfois ils ont froid alors leurs corps se serrent. C’est souvent lorsqu’il pleut que la chaleur est la plus forte dans le Métropolitain, et que le nombre de voyageurs est élevé. Alors les hommes se serrent contre les hommes, les femmes se serrent contre les femmes, les hommes aussi se serrent contre les femmes, et les corps réchauffés en sueur sous l’étoffe se frottent la chair contre les corps, les portes des trains, et les barres verticales que les mains tiennent à la manière d’un sexe : les sexes se tendent, les lèvres s’ouvrent, les tissus se déchirent, les sexes sortent et les glands partout se dressent. L’univers des femmes s’ouvre par le bas mais celles-ci se penchent en avant ou en arrière pour recevoir les doigts, les mains, les bouches et les sexes que des mains déjà tiennent. Alors les trains s’arrêtent au milieu des tunnels et les lumières s’éteignent : certaines personnes, les plus faibles, les plus petites, meurent étouffées sous la pression des corps qui se cherchent et se trouvent et se défoncent, mais dans leur grande majorité, les gens ont lâché leur livre pour sucer le plaisir à la moelle.

Parfois les gens qui conduisent les trains souterrains, au lieu de se masturber comme à l’habitude, se mettent en grève sous le prétexte qu’il leur manque une journée pour se finir le soir en rentrant se coucher. Alors les usagers hurlent au scandale mais en harmonie, et se déversent dans la rue pour livrer au Ciel les obscénités que celui-ci voulait cacher.

Ainsi va la vie dans le Métropolitain, animal s’émoussant dans l’ennui du jouir et du lire sans bouger. Les gens nourris au sein des vers sortent du ventre de la terre, fiers et confiants dans leur souhait de baiser la journée.


Il descend l’escalier qui le mène sous terre. Il déteste le métro, mais l’emprunte tout de même parce qu’il n’a pas d’autres moyens de transport à sa disposition, et prendre le bus augmenterait son temps de trajet.

« Nation, Voltaire, République, Grands Boulevards, Opéra »

Il prend la ligne de métro qui l’emmène dans le quartier où il travaille depuis 5 ans. C’est une ligne bondée le matin comme toutes les autres aux heures de pointe, et il faut qu’il parte pendant les heures de pointe pour arriver à l’heure à son travail. Alors il entre dans le souterrain éclairé où se bousculent les gens. Il regarde les gens passer devant lui sans dire « Pardon, excusez-moi », et glisser dans la fente un ticket de métro ou un coupon de carte orange qu’ils ont retiré de leurs poches ou de leurs sacs à main. Les personnes silencieuses poussent le tourniquet de leur abdomen et de leur bras ou de leur coude la petite porte en métal qui ne s’ouvre que lorsque le tourniquet a pivoté.

Il les imite. Il descend l’escalier qui le mène au quai et remarque au passage les nombreuses affiches publicitaires, petites ou grandes, vitrées ou non, qui vont ponctuer comme tous les jours sa trajectoire ordinaire. Ce flux incessant d’informations inutiles dans l’immédiat pénètre profondément et tous les matins comme tous les soirs les zones d’ombre et d’inconscience de son cerveau — thalamus ou cortex, il n’a jamais bien su — pour venir s’y loger durant plusieurs jours, plusieurs semaines, et ainsi influencer en toutes occasions son comportement de consommateur intéressé et donc malsain, jeune, enthousiaste devant l’objet et sa promotion. Les mille éclats de sens et de non-sens, de verbe et d’image colorée, se dispersent dans l’esprit troublé du malade, du client, du consommateur, de l’usager du Métropolitain :

  • les fautes de français cautionnées par leur publicité,
  • les codes familiaux élevés en préceptes universels par leur publicité,
  • les associations d’idées qui vident les valeurs morales de leur contenu au profit du discours de consommation,
  • le luxe des couleurs et la profusion des messages émis.

Et la bêtise saisit le spectateur de ces spectacles immobiles car :

  • il s’y reconnaît,
  • cela l’étonne,
  • d’autres personnes s’y sont arrêtées,
  • il appartient donc à un groupe,
  • la solitude semble définitivement du passé,
  • il pourra faire une affaire (c’est indiqué sur l’affiche),
  • la bêtise du slogan le fait rire et donc le distrait,
  • il y a une fille nue sur une voiture sur l’affiche.

Il remarquera aussi diverses affiches mettant à mal la place de l’homme dans son environnement quotidien (« Vous vivez dans une ville sale et polluée : passez donc vos vacances en Corse »), la place de la femme dans la société (« Vous vous croyez libérée mais vous n’êtes qu’un objet de désir et vous acceptez malgré vous ce statut »), le rapport du salarié à son travail (« Regardez comme ce surfer s’éclate au Club Med mais pour être à sa place il va falloir bosser »), etc. Les gens assis à ses côtés contemplent aussi les affiches du métro. On dirait que l’ennui les écrase ou que la passivité est devenue le moteur de leur comportement.

Il aimerait ne plus voir ces affiches, mais il n’y arrive pas, car celles-ci se succèdent devant lui à un rythme régulier. Les murs parlent à tous les voyageurs et sans cesse. Les messages sont inscrits, les choses sont dites. Le silence est rompu, les pensées sont parasitées. Le regard est occupé, pris, capturé.

Il prend l’habitude, chaque matin, de les regarder. Il ne fait même plus attention. Tout occupé dans ses pensées qui tournent sur elles-mêmes, tout occupé dans son silence, il enregistre inconsciemment les messages transmis par les affiches.

Leur nombre sans cesse augmente. Ces affiches brutales sont faites, tous les matins, tous les soirs, chaque jour, pour flatter et abaisser. Le monde est en relâche devant elles.

C’est un divertissement. Nous restons devant les affiches. Elles émettent un discours inconscient, parallèle à celui des pensées. Elles occupent la place du monde. Partout : métro, train, rue, ville, campagne, bord de mer, aéroports.

Il continue de voyager sous terre, de bouger devant les affiches. Il est immobile devant elles. Il regarde les affiches. Il regarde les gens qui regardent les affiches. Il regarde, le temps passe. Il pense que c’est bien que le temps passe ainsi.

Sinon les déchirer, les noircir ou regarder ses pieds. Il en voit des dizaines avant de prendre un escalier roulant pour sortir du métro.


Dans le métro, il y a des affiches et des mendiants. Les mendiants ne sont pas les produits des agences de publicité. Les gens ne les regardent pas. Ils lisent. Ils les ignorent. Il doit y avoir autant de poubelles que de mendiants dans le métro. Mais beaucoup moins que d’affiches. Elles établissent entre lui et le monde un discours perpétuel dont le premier mot est regardez, écoutez ou achetez — des ordres essentiellement, pour régir son comportement quotidien. En regardant les affiches, il se demande s’il les oublie ou si son cerveau les stocke quelque part pour le nourrir ou le gaver plus tard. Il ne s’en fait pas, il tente d’oublier tout cela.

Les mendiants qui parcourent les couloirs et les rames du métro ont compris avant lui l’absurdité de son comportement. Mais la pauvreté leur a lié les mains, la langue, et la lucidité.

Lorsqu’il lit assis dans le métro et qu’un mendiant entre dans le wagon, alors commence en lui le malaise. Ce malaise est commun à tous les gens du métro qui n’osent pas regarder cet homme. Qui ne veulent pas lui donner quelque chose pour qu’il puisse manger le midi. En général, il ne regarde pas et il n’aime pas regarder les mendiants. Il y a trop de violence et de souffrance. Il lui semble alors que ces sensations émanent de lui. Les sentiments enfouis dans son corps arrivent à la surface dans le visage du mendiant.

Il ne sait pas pourquoi il n’est pas avec eux. Ils ne regardent pas les affiches. Ils vivent ailleurs, on ne sait pas comment. On ne veut pas savoir.


« Bonjour messieurs dames vous n’auriez pas une pièce ou deux pour manger ? »

Cette phrase résonne dans sa tête et dans le silence du wagon qui bouge sous la terre. L’homme qui a prononcé cette phrase est le seul être vivant de l’endroit. Il agit pour son bonheur et nous faisons celui qui ne l’a pas vu. Nous lisons le livre que nous tenons, mais ses phrases n’ont plus d’importance ni de poids. Seule l’unique parole prononcée dans ce monde de silence a le poids qu’il faut pour nous écraser de tout notre égoïsme.

La pauvreté dans notre société s’affiche à côté des affiches qui représentent la richesse de notre société. La pauvreté nous gêne, mais pas la richesse inculte des affiches. La pauvreté des mendiants nous renseigne sur la mort qui nous regarde. La richesse des affiches nous renseigne sur la mort qui se moque de nous. Un vernis occulte la vérité.

Avant de quitter le wagon, il dit au mendiant :

« Il faut que tu comprennes que nous n’avons pas les moyens de t’aider durablement. »

8. Dans la voiture

Dans le métro ou la voiture, il partage son espace avec les affiches publicitaires ou les messages radiophoniques qui entretiennent sa passivité. Il partage ses pensées avec le silence des annonces ; il offre son cerveau aux réclames qui déclenchent en lui des pensées négatives. Il mène sa réflexion sous les auspices des marques publicitaires. Celles-ci soutiennent l’architecture de sa pensée, lui soumettant des interrogations et des sentiments de honte. Il s’arc-boute pourtant contre toute manipulation. Il ne comprend pas que toute tentative de résistance par la réflexion (la déconstruction des messages) confirme le succès de cette manipulation.


L’espace que constitue sa voiture est sans cesse mis en mouvement par un moteur dont le principe pollue. Les fenêtres des façades d’immeubles sont progressivement noircies par les particules infimes que dégagent les pots d’échappement — dont le sien. Son espace est encastré dans un espace de liberté qui n’en est pas un, puisqu’il fait partie d’une chaîne immense et infinie de véhicules dont le principe est de rouler de la maison au bureau, du bureau à la maison. La boucle ainsi formée se referme chaque matin et chaque soir. Elle met en branle des machines humaines qu’on pourrait appeler individus, s’ils n’avaient pas tous le même comportement. On rencontre aussi cette espèce sous la terre.


Dans sa voiture, chaque individu possède un espace soumis aux lois de la consommation. La radio, le disque, les affiches qu’il peut apercevoir ou même lire en cas d’arrêt de la boucle, les magasins qui déjà, brillent comme des temples habités : voici la liste des objets que manipule l’homme avec ses mains ou son cerveau pour s’intégrer dans le schème humain de la société du matin ou du soir.


Dans ses relations avec les autres il n’est pas totalement isolé : un dernier réflexe de survie l’oblige à rouler en accord avec ses congénères. Une réaction en chaîne s’est établie dans le moteur de la voiture comme dans le cerveau de l’homme. Bien souvent cette réaction fait appel à la violence — dont l’étendard est alors la vitesse — ainsi qu’à la bêtise, pour contrarier le réflexe de survie et le broyer contre un arbre en bord de nationale — contre un pylône ou contre une autre voiture en ville. Alors, les morts se comptent par centaines, mensuellement.

Il est en accord avec les gens qui conduisent derrière et devant lui. Il sait qu’ils doivent, comme lui, aller au bureau et revenir à la maison pour baiser leur femme ou regarder la télé. Les occupations à la maison sont au moins aussi passionnantes que le travail au bureau. Dans la voiture, il faut comprendre que l’homme s’éclate. D’ailleurs, il s’éclate, contre les arbres.

Alors il continue à rouler en écoutant la radio. Les réclames entrecoupent les informations. Ces deux manifestations de la réalité établissent avec lui un lien uniforme d’actualité. Les choses sont ce qu’elles sont : des informations dont le contenu est commercial ou politique. Ces événements qui n’en sont pas passent vite et s’oublient, au profit d’événements qui n’en sont pas non plus. Ces choses se transforment en information stockée dans le cerveau de l’homme. Elles deviennent des souvenirs qui interfèrent avec la sensation. Elles échafaudent une structure qui est la base même de la réflexion humaine. Par ce biais, elles manipulent l’homme sans que celui-ci remette en question le message qu’il a inconsciemment intégré. La manipulation par l’information est un processus interne, que l’homme ne peut contrôler.

Les réclames entrecoupent les informations. Ces deux manifestations se substituent aux pensées créatrices de l’homme qui les reçoit. Aussi perd-il tout point de vue critique immédiat. Là est l’effet de l’accumulation d’information dans le cerveau humain.

Les événements réels ne l’atteignent pas, puisqu’ils n’appartiennent pas à sa sphère privée. Il les reçoit comme des messages sans enveloppes réelles. Il se dit qu’il n’est pas nécessaire de connaître et partager les sentiments des gens qu’il aperçoit sur son écran.


Il y aurait une certaine honte à écouter ses informations sans réagir. D’ailleurs, il ne réagit pas.


La voiture qu’il conduit maintenant et dont il dispose chaque jour — il n’a pas de femme ou de mari à qui prêter la voiture — est une MonteCassino 200-10 DTI. Deux places, trois portes, deux airbags, freins ABS, peinture garantie deux ans contre la corrosion, vermillon, pneus larges, lecteur de disques laser, air climatisé, vitres électriques, (dé)verrouillage automatique des portes, sièges en cuir, habitacle plastique imitation acajou, tableau de bord en acajou, navigateur électronique incorporé, toit escamotable, alarme intégrée.

Il a acheté cette voiture parce qu’il a deviné qu’elle lui conviendrait. Et en effet, il n’a pas été déçu : cette voiture lui va comme un gant. Elle épouse la forme de son corps et de sa personnalité. Elle atteint une perfection qu’il n’a pas. Elle est l’apparence qui lui permet d’être vu comme un homme parfait ou presque. Le marketing a atteint ses objectifs. La voiture est la seconde maison de l’homme : il y a ses marques, il y installe et développe son intimité. Il y jouit du plaisir de conduire comme on jouit du plaisir sexuel. C’est une furie intérieure, un univers de bonheur qui s’ouvre un peu plus à chaque virage, et explose en gerbes dans les reins à chaque accélération.

L’homme démarre sa voiture. Il tient la clé de contact comme il titille un clitoris : du bout des doigts. Les premiers gémissements du moteur résonnent dans le parking souterrain. Il allume les phares. Il part en marche arrière. Il s’arrête. Il part en marche avant, et dans la pénombre du parking, il cherche son chemin vers la sortie. Dehors, les gens dans leurs voitures jouissent en chœur : on les entend, ils sont nombreux. On devine facilement qu’ils ont choisi leur automobile avec le même soin que cet homme. Ils sont entrés dans leurs segments de marché en souriant et en tendant un chèque au monsieur. Certains d’entre eux, transis d’amour, se sont même endettés.


L’homme a démarré et a roulé longtemps dans les embouteillages. La radio est l’égout qui lui déverse dans la bouche toutes les mauvaises nouvelles du monde du matin. Il ouvre la fenêtre de sa voiture et crache ce qu’il a entendu à chaque feu rouge. Ainsi Paris pollue l’air et les esprits.

Pourquoi Paris ? Parce que dans cette ville immonde, se pressent les gens qui libèrent leur inhumanité. Il y pleut trop souvent, il y a trop de crottes de chiens sur les trottoirs et pas assez dans le caniveau. Il y a trop de monde dans le métro ou sur la route le matin et le soir. Et il faut travailler chaque jour. Il faut croiser ces visages fermés et lisant (métro) ou mauvais et grossiers (voiture), tous les jours avant d’aller affronter ses collègues et son travail. L’air de Paris est trop pollué et depuis qu’il y vit, il a des angines à répétition. L’air est infesté de microbes et de particules nocives à la santé (O3, CO2, CO, NO2, etc.). Il le sait, mais est obligé de s’en accommoder. L’air est infesté de miasmes rejetés par les gens. Les gens sales, pauvres, les SDF. Les gens riches et trop parfumés. Les filles trop bien coiffées. Tous rejettent des miasmes et des regards nocifs à son état de santé. Ils sont indifférents, brutaux, égoïstes et nerveux. Il émane d’eux une violence qu’il comprend mais dont il ignore l’origine.


Un jour, un homme l’a agressé, et c’est étrange, cela ne l’a pas étonné. Ce petit événement n’en était plus un à ses yeux. Cela faisait partie des choses auxquelles il s’attendait. Heureusement pour lui, l’homme ne l’a pas blessé, il l’a juste frappé sur le dos avec le plat de la main. Il l’a juste insulté en hurlant : fils de pute, sale bourgeois, sale pédé, etc.


Aujourd’hui il est difficile ou il n’est pas difficile de rouler dans les rues qu’il emprunte chaque jour pour se rendre au bureau. La circulation dans la rue Saint-Gilles, l’avenue, le boulevard à sens unique ou double sens est très fluide ou ne l’est pas, ce qui lui permet d’atteindre son lieu de travail en moins d’une demi-heure ou en un peu plus d’une heure. Ça n’a pas d’importance, il a le temps ou non d’observer les boutiques qui se succèdent et s’illuminent, à un rythme régulier. Il sent la présence de son corps dans la voiture, il sait la présence de sa voiture sur la chaussée, il comprend la disposition des rues et des immeubles, il accepte le nombre incroyable de boutiques, commerces, cafés, restaurants, grands magasins, qui jalonnent son parcours tous les jours. Il accepte mais ne comprend pas pourquoi ces lieux dominent la cité.


Par endroits dans la ville, la radio de sa voiture capte mal la fréquence des stations. Ainsi pour la première fois de la journée interviennent les coupures, celles qui perturbent le flux d’actualités et la qualité de la conduite de la voiture. Ces petites interférences commencent à l’énerver. Il sent la frustration prendre de l’importance dans sa tête, et un malaise grandissant le saisit. Il sent le manque prendre le pas sur ses idées, et troubler la concentration dont il a besoin pour conduire. Les coupures interrompent les mots des journalistes et des publicités.

Il aurait bien aimé s’arrêter le long d’un trottoir mais il y a trop de circulation aujourd’hui, et trop de voitures sont en stationnement aussi. Il sent le sang qui bat dans ses tempes qui commencent à lui faire mal, alors que la radio grésille, éructe, vomit des morceaux inaudibles de politique et de promotion. Il se demande pourquoi son organisme réagit si violemment à un phénomène aussi banal. Il entrevoit dans un éclair un enfant qui joue à la corde. Le désert glacé semble fondre autour de lui. Il n’est pas étonné par cette vision. Il sait qu’elle intervient au bon moment, mais il ne pourrait pas dire pourquoi. Il s’est arrêté à un feu rouge. Le feu passe au vert. Il accélère, et constate qu’il n’a plus le sang à la tête.


Le flux de la radio se rétablit quand il engouffre sa voiture, et son corps à l’intérieur, dans la rue Chaussée d’Antin. Son esprit regarde la rue dont la perspective s’écrase sur l’église de la Trinité. Il suit la file des voitures rapides. Il ne réfléchit pas.


Il ne sert à rien d’indiquer, par des adjectifs ou des adverbes, la qualité, la taille, la beauté de l’environnement de l’homme : décrire l’église, la rue, les gens et les voitures ; parler de la chaleur ou du vent ; évoquer l’histoire de Paris. Ils n’ont pas l’importance qu’on leur prête, ils ne reflètent en rien le caractère inhabituel et pourtant si commun de cet homme.


Il n’a pas pu réfléchir en écoutant la radio et ne le pourra pas plus en travaillant. Il n’a pas pu exercer son esprit critique sur l’information, sa forme et son contenu. Il n’a pas pu discerner le mensonge de la vérité, l’apparence de la réalité. Les univers se sont entrechoqués violemment dans sa tête, l’effet certain était la fin de toute compréhension.

Il n’a pas le temps de se lamenter, dans la voiture ou chez lui en écoutant la radio, devant les catastrophes, les inondations, les grèves, les attentats, les marées noires, les sommets internationaux. Il semble avoir perdu le rythme de sa propre conscience, il ne réagit plus aux événements qui auraient pu vraisemblablement le toucher. Il semble qu’une parole ou un acte, un sentiment ou une sensation, ait bousculé en lui l’ordre régulier des choses et des idées. Un flux de larmes pourrait couler ou un cri de colère pourrait retentir, l’entrée des informations dans sa tête n’en serait pas moins perturbée.

Un blocage apparaît brutalement, l’homme semble perdre le contrôle de son esprit. Le flux d’actualités ne veut plus rentrer ou plutôt, le cerveau ne semble plus vouloir faire entrer le flux d’actualités. Le refus semble vouloir durer et s’étendre à ses réactions face aux événements extérieurs. Ainsi les yeux se ferment, la bouche se crispe, les mains serrent beaucoup trop fortement le volant de la voiture. Il sent son corps entier se raidir sur le siège, épouser plus difficilement sa forme et son confort. Ses os, dont son crâne, se mettent à craquer. Celui-ci pourrait, comme dans ces films abominables mais si populaires, exploser soudain, sous le coup d’une trop grande pression intérieure ; mais il ne le fera pas. L’homme ne sait pas quand il mourra, c’est pour bientôt certes, mais pas pour maintenant. La douleur est forte, le bruit de la radio et des klaxons des voitures se mêle au bruit du sang dans sa tête. S’il était chez lui, il pourrait essayer de toucher le plafond, et effacer ses vertiges. Mais il est dans sa voiture, son environnement quotidien, stressé par ces gens qui ne comprennent pas pourquoi il ne démarre pas au vert, et dans l’incapacité de lutter contre le vertige.


Heureusement, il n’a qu’à accélérer un peu, tourner à gauche et puis à droite, pour entrer dans le parking privé de sa société.


Il a beaucoup de chance car son vertige cesse soudainement. Il se ressaisit, passe la première, appuie sur l’accélérateur, tout en maintenant le pied gauche sur la pédale d’embrayage. Il tente de faire abstraction de la radio qu’il n’a pas eu le réflexe ni le temps d’éteindre, mais il n’y arrive pas. Il tourne à gauche, puis à droite, et débloque ainsi la circulation dans la rue Chaussée d’Antin en direction de la Trinité. Il regarde la rue dans laquelle il vient d’entrer, et dont la perspective s’écrase encore sur une église. Il entre dans le parking privé de sa société.

9. Réflexion sur un objet quotidien

Au cours du trajet, l’homme a croisé des voitures qui contenaient des hommes et des femmes, des hommes, des femmes, des femmes et des enfants, des hommes et des enfants ; ainsi que de la musique et du bruit des actualités. L’univers de cette ville au cœur même de la société moderne ne correspond pas à un univers de femmes, d’hommes et d’enfants mais à un univers de bruit et de mouvements croisés, de formes corporelles et d’intensité de voix nues. Au cours du trajet, dans ces lignes enchevêtrées, les corps se sont bousculés et haïs, mus par le désir d’aller vite, rapidement se rendre au travail, et ne pas laisser celui-ci ou celle-là passer devant, faire une queue de poisson, un ou deux tonneaux, et mourir en même temps. Les vieux ont ralenti les jeunes, les motards se sont faufilés entre les voitures et se sont faits décapiter. Les corps ont bougé dans leur intérêt personnel et n’ont pas pris conscience de la nécessaire solidarité de leurs mouvements, dont seule une cohérence serait compréhensible. À l’intérieur de leurs voitures, protégés dans leurs cocons, ils adoptent le comportement de l’individu isolé et dénué de toute volonté de compréhension. L’univers de cette ville au cœur même de la société moderne correspond à l’univers des instincts dont les hommes et les femmes sont porteurs en tant qu’êtres immoraux.

10. L’arrivée

Il se gare dans le parking (il a une place réservée), et éteint le moteur. La radio s’arrête également. Il a fermé les yeux. Il respire lentement. Il tente de retrouver sa vie et sa vitalité ; le sourire qui l’a mécaniquement quitté au cours du trajet. Il prend la décision d’enlever dès ce soir la radio.

Il rouvre les yeux. Il sort de la voiture. Il appuie deux fois sur son porte-clés. La voiture émet un « bip-bip » très rapide et ses feux arrière clignotent.

Comme chaque matin, il doit emprunter l’ascenseur qui le mènera au 4e étage de l’immeuble. Il le prendra et rencontrera à l’intérieur un de ses collègues, un bel homme de 32 ans, hétérosexuel et marié, un enfant.

Dès son entrée dans la société, il avait remarqué cet homme au visage si doux et si souriant. Il avait cru pouvoir le draguer, mais avait vite compris, au vu d’un anneau et d’un certain type de comportement à son égard, qu’aucune issue en ce sens n’était envisageable.

Il rencontre à l’intérieur son collègue Stéphane.

— Stéphane !

— Salut !

— Comment va ?

— Bien, bien… et toi ?


Ainsi commence la conversation entre deux hommes de race blanche, de ce côté-ci du pays, le lundi. Stéphane en aucun cas ne se doute du désir de son collègue, et le regarde sereinement.


Stéphane mesure 1m82, pèse 74 kg, a les cheveux bruns, courts, secs et épais. Il possède un visage harmonieux et un sourire franc. C’est un homme sportif, qui pratique le judo, l’escalade et la voile. Sa femme Valérie est très belle. Valérie a déjà pris le sexe de son mari dans ses mains, et l’a mesuré après l’avoir un peu manipulé pour qu’il grossisse. Si Valérie pouvait parler, elle dirait que Stéphane possède aussi un très beau sexe, qui en érection atteint 19,5 cm. Ce n’est pas que Valérie soit muette, c’est qu’elle n’a aucune importance.


Tandis que l’ascenseur monte vers le 4e étage, Stéphane parle des travaux qu’il a réalisés ce week-end dans sa maison. Il continue de le regarder. Il observe ses yeux, son visage puis laisse errer son regard sur son corps entier. Puis il revient sur son visage, un sourire aux lèvres et un début d’érection dans le slip :

— Tu devrais pas passer tes week-ends à bosser…

— J’en ai bientôt terminé avec ça…

— Et ta femme, ça la gêne pas trop tous ces travaux ?

— Valérie ? T’inquiète. Elle a vu mon gros pinceau samedi soir, elle est contente !

Et ce connard éclate rire. Moi aussi j’aimerais bien le voir ton gros pinceau dégouttant, triple con.

Evidemment son érection retombe. Il ne peut pas regarder plus longtemps cette buse machiste s’esclaffer de sa bonne blague.


Les choses seraient plus simples pour lui s’il était hétérosexuel.


Il est hétérosexuel.

11. Exercice de sympathie

— Tu devrais pas passer tes week-ends à bosser…

— J’en ai bientôt terminé avec ça…

— Et ta femme, ça la gêne pas trop tous ces travaux ?

— Valérie ? T’inquiète. Elle a vu mon gros pinceau samedi soir, elle est contente !

Rires.

— Alors raconte, elle se débrouille bien dans le maniement de la bête ?

— Une experte !

— Tant mieux. Faut en prendre soin de ces petites choses…

— Petites ? Parle pour toi ! 19,5 cm dans le slibard mon pote.

— Ben je voudrais bien voir ça !

Rires. Les deux hommes se font des chatouilles. Stéphane commence à lui toucher l’entrejambe. Il fait de même. Rires. Leurs corps se rapprochent. Il sent dans sa main le sexe de Stéphane durcir.


Les portes de l’ascenseur s’ouvrent. Les deux hommes sont au 4e. Ils croisent dans le couloir la secrétaire du directeur.

— Bonjour Lucie !

— Bonjour Messieurs…

Les deux enfoirés rient sous cape. Ils se font un clin d’œil.

— Alors mon vieux, tu lui mets quand tes 20 cm à cette dinde ?

— Ca va pas tarder crois-moi ! J’ai la bête qui se réveille !

— J’ai vu ça…

— La tienne la prochaine fois…

— No problemo, rendez-vous aux toilettes dans 10 minutes…


Les deux pédés se séparent et entrent dans leurs bureaux. Les choses sont simples : ils correspondent tout à fait au mâle dominateur et ridicule qui perdure dans ces environnements. Ils ne subissent pas de violences morales. Ils n’enferment pas leurs personnalités dans le silence ou ne l’abritent pas derrière le mensonge. Aucune barrière, sinon celle de la bienséance, ne leur est imposée. Ils peuvent tout à fait être misogynes et le montrer. Pas un autre homme ne viendra contester leurs idées et condamner leur comportement. Il n’est pas difficile pour eux d’exhiber leur paire de testicules. Ils marquent leur territoire de leur lâcheté et dans leur suivisme ils jubilent.

Stéphane et lui pourront tout à l’heure aller dans une cabine des toilettes du 4e étage, mettre leurs pantalons sur leurs chevilles, sortir leurs sexes et comparer leurs tailles — peut-être même se masturber. Tant qu’aucun des deux hommes ne se montre homosexuel, ils n’y voient rien d’anormal.


Ils pourront le faire, ils le feront, ils pourront pratiquer et se donner du plaisir : ils agissent, à l’aube de la trentaine, comme de sauvages adolescents incapables de parler des femmes sans les insulter. Une double excitation les maintient en l’état de domination naturelle. Ils usent de la morale du monde comme de leur sexe, ils rejettent toute idée de raison et avancent vers la guerre.


Au cours de la journée, ils auront l’occasion d’exhiber leurs téléphones portables, exprimant leurs instincts au moyen d’une technologie inutile qu’ils révèrent. Ils veilleront à le montrer plus longtemps que ne l’a fait leur collègue de travail.


Ils pourront rire, éclater de rire, être jeunes, beaux et puissants, dans leurs paroles comme dans leurs comportements. Autour du point d’eau — fontaine, machine à café — ils joueront les petits maîtres et s’en contenteront.


Il faut voir l’obscurité de la pièce où ils se sont masturbés, le silence entrecoupé de respirations essoufflées, et ces hommes satisfaits de leur condition. Dès cet instant, effacer les images, revenir à des bases saines, et mensongères.


Fermer les yeux et se retrouver dans une voiture.

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Dans sa première partie, ce texte évoque la journée d’un personnage paradigmatique, dans ce qu’elle a de plus concret en même temps que dans ses tenants et aboutissants socio-existentiels. La deuxième partie, rompant avec ce fil, est analytique et lyrique. Simplicité, pureté, sensibilité, hauteur.

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Paysage 77 : Tessin, Suisse (2006)