(chapitres 5 à 7) 5.Je suis l’individu dont la sphère est composée de morceaux quotidiens plus ou moins assemblés : le travail est présent dans mon corps et mes gestes abandonnés à l’habitude de travailler. Mon travail est la somme de toutes mes frustrations comme celle de toutes mes réussites. Mon cur est gorgé d’amour et de haine pour le travail qui me fait souffrir et dont je ne peux me passer. Je suis obligé de me nourrir tous les jours pour vivre ; je suis obligé de dormir toutes les nuits. Je dois respirer pour ne pas asphyxier seul dans ma sphère : je dois m’aérer auprès des autres pour rire ou pleurer. Mon quotidien est un obstacle que je dois franchir tous les jours. Mon quotidien est un obstacle parce que je travaille dans son corps et que je lui fais mal. Je suis le chirurgien de ma vie et je n’arrive pas à me sauver. Mon quotidien est une suite d’actions que ma sphère supporte en fléchissant : elle roule dans la fange et s’y enfonce petit à petit. L’énergie que je déploie dans l’action quotidienne se dissipe comme le coup d’épée dans l’eau stagnante. L’environnement sali de ma sphère tremble et fléchit sous le poids croissant de mes interrogations. Les pressions que je subis me font perdre du poids. La monotonie qui m’afflige rend l’avenir sans issue. La violence quotidienne accentue ma méfiance et ma peur à l’égard des autres sphères individuelles. L’argent que je manipule brûle mes mains et aveugle mes yeux. Les pensées et les actions qui décomposent mon quotidien en une suite d’événements individuellement logiques ne réussissent pas, lorsque mes souvenirs les recollent, à former un ensemble solide que l’on puisse admirer. Le jour s’éteint, je ne trouve pas le sommeil quotidien. On m’a forcé à entrer dans la vie quotidienne, et tout ce que j’observe, est l’univers loin de moi. Les situations de ma vie quotidiennes sont nombreuses et se ressemblent. Je rencontre des gens dans toutes les positions, toutes les situations de ma vie quotidienne. Je travaille et dans d’autres situations je suis joyeux. J’ai des amis mais je les vois si peu. J’ai le cur élevé dans la position de l’amour ; j’ai un amant, une maîtresse, j’ai des amis disparus. J’ai le regard tourné vers le passé de mon cur. J’ai le regard blessé par mon présent radieux. Je travaille et l’argent s’écoule de mes mains sur mon corps ; je suis caressé. L’argent accomplit en moi le travail du bonheur, même si cela ne dure pas. Ma sphère laisse entrer l’air et les regards pour respirer, mais elle se dégonfle en même temps. J’ai de moins en moins d’espace pour moi-même au fur et à mesure que le monde investit ma sphère. Je ne suis pas certain de survivre à cet investissement. Je ne sais pas où mon corps pourrait vivre sans avoir à subir les douleurs physiques et morales infligées par l’acte quotidien de travailler pour survivre. Je ne sais pas si l’amour est assez fort pour m’élever au-dessus des contingences quotidiennes. Je ne sais pas si ma sphère saura sentir la chaleur des autres sphères. J’élabore des rapports au monde si fragiles que je les brise au moindre souffle de ma respiration. Je ne suis pas né avec l’obligation de consommer des êtres humains lorsque je crée des relations. Je vis dans la société qui consomme chacun des hommes, femmes, villes ou pays pour entretenir ses routes et retarder sa fin. Je ne suis qu’un corps doué d’un esprit placé dans le monde à l’endroit exact où la consommation par le regard, la poignée de main, le baiser ou la pénétration remplace la relation. Je ne suis qu’un individu dont le miroir technique s’interpose entre lui et le monde chaque fois que je veux faire l’amour ou parler à quelqu’un. J’élabore des sens pour ma vie aussi facilement que j’en consomme lorsque l’échec s’interpose entre mon amour et le monde. Mon quotidien est un obstacle à la résolution de mon amour pour le monde. Mon quotidien est un corps qui exhibe ses coupures. Je suis au chevet de ma vie et je ne peux pas la soigner. Les plaies saignent les unes après les autres, je pleure en même temps. Je parle à mon corps étalé de l’aube au crépuscule et je sais que je ne lui suis d’aucun secours. Sur mon corps glissent les peurs glacées de l’absence d’amour et de l’absence d’argent. Je caresse mon corps si fragile, je frotte vigoureusement sa peau pour qu’il se réchauffe. J’embellis les rêves de mon quotidien avec des pensées positives. Pour lui prouver que je l’aime, je lui chante une chanson. Je le divertis des malheurs comme je peux : je vais au cinéma, je regarde les spectacles de la télévision ; nous nous baladons dans la ville. Le pays est vaste et magnifique : nous partons en voyage, nous découvrons le monde et les hommes qu’il abrite. Nous cessons de penser à l’avenir en concentrant notre attention sur les beautés du présent. Rien n’y fait. Il ne s’épanouit pas au soleil, ni aux sourires des gens. Mon quotidien n’est pas dupe des distractions que la société consommatrice de son argent lui impose. Il comprend vite qu’aller au cinéma n’a aucune importance. Il sait qu’observer le monde sans le comprendre est fatigant pour les yeux. Son cur n’en est jamais récompensé. Mon quotidien est glacé par la pluie des soucis et le vent des mauvaises nouvelles. Il se bat pour moi, et l’assouvissement de mes besoins. Il est souvent fatigué de lutter, je ne lui suis d’aucun secours. Je regarde le monde sans le comprendre ; je suis dépassé par tous ses événements. Je fais dormir mon quotidien sur un matelas d’argent. Il ne fait que de mauvais rêves, pleins de remords envers les pauvres qu’il croise dans la rue. Il voit le quotidien d’un homme sur le sol, il est réduit à mendier les poussières d’argent que les gens déplacent lorsqu’ils passent devant lui. Il voit le quotidien d’un homme à l’agonie. L’amour n’existe pas sans l’argent qui l’abrite. Mon travail fabrique un nid douillet pour mon amour. La société dans laquelle vit l’homme, la femme, la ville ou le pays que je suis raréfie le travail indispensable à la survie de mon amour. Sans travail, bientôt sans argent, je serai exclu de toute forme de relation d’amour ou d’amitié. L’absence de l’argent pèse sur mes mains qui se brisent ; je ne peux plus travailler pour faire vivre mon amour. Les situations de ma vie quotidienne endurent toutes sortes de pressions sociales. La société qui a la charge de protéger mon intégrité physique et morale m’oblige à me battre pour ma survie, et me pousse à accepter l’indifférence envers la souffrance des autres. La société répond à la survie de chacun mais organise notre mort collective. Je suis pris dans le piège du travail. Ses dents d’argent pénètrent ma chair et je n’en jouis pas. Mon quotidien malade me regarde me débattre. Je suis soumis au stress de mon quotidien qui agonise. Il traverse les rails, les routes, les tunnels. Il s’engouffre dans la foule malade. Il court pour achever ses actions, m’abandonnant dans le désert affectif de la rue et du jour. Il emprunte les corridors, les escaliers, les ascenseurs ; il traverse les parkings souterrains, les squares et les jardins. Je le suis à la trace, comme un chien errant à la recherche d’un maître, je veux soumettre mes faiblesses au seul mépris du jour et de la nuit, et je veux qu’on me tue. Mais mon quotidien n’a plus la force de me tuer. Je meurs sous les coups de la monotonie et du désengagement de ma vie. Je meurs sous les coups de la violence morale et physique que je subis. Mais je ne meurs pas ; je m’adapte à l’environnement difficile que la société aménage malgré elle. J’accepte les précarités nouvelles ; je ne pose aucune question à ceux qui conduisent les hommes, les femmes, les villes et le pays de la solitude nouvelle : je me débarrasse des haillons de ma vie sensée. Je suis pris dans le piège de l’entreprise capitaliste. Ma sphère individuelle s’est vendue pour survivre. Ma survie passe par la consommation de mon corps, de mon cerveau, de mes heures ; elle s’exprime par la consommation de produits que l’entreprise fabrique. L’entreprise capitaliste est le bras armé de la technique. Prisonnière, ma sphère individuelle doit s’adapter aux évolutions de la technique ou mourir. Puissante, l’entreprise capitaliste soumet la société à sa volonté de consommation d’hommes, de femmes, de villes et de pays. Elle est le lieu du règlement social de ma vie. Elle est le lieu du massacre quotidien de mon indépendance physique et de ma liberté. L’entreprise capitaliste est le gage de mon indépendance financière, et le lieu de ma ruine intellectuelle. L’entreprise capitaliste transforme ma valeur humaine en potentiel professionnel ; elle me soumet à ses règles, se sert de mes capacités pour fabriquer ses produits, et partant, me transforme en objet qu’elle peut jeter, une fois utilisé. Ma sphère individuelle est entièrement phagocytée par les sphères financières et techniques qui gouvernent la société. 6.Je suis un homme, une femme, une ville ou un pays que l’on drogue à longueur de journée. Je suis un homme incapable de résister à l’appel du journal télévisé ; du réveil le matin. Je ne puis résister au spectacle de mon quotidien écrit sur tous les murs avec mon sang ; je ne conçois cela que comme une culture nouvellement appropriée, la forme du vide apparaissant au-dessus de mon propre effacement. J’ignore tout de la réalité. Les plus beaux paysages me sont cachés. Les plus belles âmes ne m’apparaissent jamais. Je suis seul dans mon lit le soir quand je pense à l’amour. Mon cerveau a besoin de cette drogue ; mon corps ne peut pas s’en passer. Toute idée de révolte m’abandonne face aux habitudes du désir. Je suis abandonné sur une croix, je manque au destin de mon corps d’homme. Je rate souvent le train. Je manque des rendez-vous, je saute des repas. Je travaille trop. Les plus beaux paysages ne m’apparaissent jamais, par la fenêtre de mon bureau. Les anges s’éloignent lorsque je parle. Je ne suis qu’un homme, vil et fragile, apeuré. Je ne suis qu’une somme de valeurs dont je ne connais pas tout à fait le montant. Je suis la totalité d’un espace existant entre moi et ma peau, la somme conjuguée de mes amours, de mes échecs ; le désespoir d’avoir les mains liées et les yeux écarquillés, malgré ma volonté de ne rien voir. J’assiste à tous les spectacles de ma vie : les opéras, les soirées entre amis, les réunions de travail. Je plie mon corps et mon esprit aux conventions ; ma sphère est transpercée de part en part par les flèches iniques de la communication. Ces flèches sont commandées par la main de l’argent aux doigts agiles ; la main de l’amitié aux doigts fragiles ; la main de la précarité aux nerfs d’acier. Je suis les événements de ma sphère, je subis les habitudes de ma vie incertaine, je communique par la vérité de l’argent, de l’amitié, et par le sourire commercial du mensonge. Je suis une sphère dont l’opacité répond mal à la parole ambiguë des autres sphères individuelles : le dialogue que j’entreprends faillit lorsque mes mots, leurs paroles, se dotent d’armes aiguës. La violence des mots instaure les ratés de nos communications, que sont l’incompréhension, les insultes, les discriminations, les déclarations de guerre. Ma sphère est dotée d’une langue que j’use pour parler argent et amitié ; j’use de tous les mots que je connais pour m’exprimer. Les mots sont la faveur que ma sphère me fait pour élaborer mon opinion libre dans la société. Les mots servent à élaborer mon opinion personnelle sur un ensemble de sujets d’actualité promulgués par les entreprises médiatiques. L’opinion que je me forge à partir des informations délivrées par les entreprises médiatiques est intégrée, avec les opinions de toutes les autres sphères individuelles, dans le corps abstrait de l’Opinion Publique. L’Opinion Publique est la réponse aux stimuli envoyés par les entreprises médiatiques sur le corps concret de nos vies d’hommes, de femmes, de villes et de pays. L’Opinion Publique ne reflète rien que l’idéologie et la logique des entreprises médiatiques. L’Opinion Publique est le résultat de la manipulation de ma langue par les instances dominantes du discours public. L’Opinion Publique est la parole délivrée sans les mots de nos individualités. L’existence de l’Opinion Publique est la preuve de la domination des sphères individuelles par la sphère médiatique imbriquée à la sphère financière, elle-même dépendante de la sphère de la technique. Je suis un homme, une femme, une ville, un pays drogué à l’Opinion Publique. C’est un divertissement de mes propres idées ; c’est une image déformée de la réalité. L’Opinion Publique est la voix irréelle que l’État écoute pour se forger une opinion avant l’action. L’État n’entend que ma voix déformée par les entreprises médiatiques. Les idées de ma sphère individuelle sont naturellement l’image de ma culture et la représentation de ma richesse intérieure. Le corps de ma sphère est formé des sédiments agrégés de mes idées ; il est la somme de mes mensonges et de mes illusions ; il est le visage de ma lucidité, le message écrit de tous mes faux-semblants. Les idées de ma sphère sont naturellement hors de la portée du regard de l’État. Mes idées sont peu à peu effacées par la diffusion télévisuelle, cinématographique, et informatique de l’information. L’absence d’idées est le miroir que l’entreprise médiatique me tend à longueur de journée. L’absence d’idées se reflète dans le visage de l’Opinion Publique que j’ai en partie réalisée. Je suis un homme, une femme, une ville, un pays qui n’est pas entendu. 7.Je suis un homme, une femme, une ville, un pays dont la sphère individuelle est née au sein d’une famille. Une famille est composée d’éléments humains qui disposent de leurs propres sphères individuelles. Les sphères individuelles se pénètrent pour créer le feu d’amour qui fait vivre la famille et donne à chacune d’elles son énergie fondatrice. Les êtres qui vivent sous le même toit se portent un amour sans bornes. Les parents aiment leurs enfants, ceux-ci leur rendent de l’amour. Ma famille est la source première de ma joie, et demeure pour quelque temps encore le centre de ma vie. Je suis petit et j’élabore dans mon cerveau des recettes qui me serviront plus tard, lorsque je serai grand. Je suis un enfant qui apprend. Je regarde le monde les yeux écarquillés. Je suis au bout du monde et j’y apprends son gouffre. Mes parents m’enseignent les choses utiles. Parmi elles, les premiers préceptes de mon éducation à la société dans laquelle vit et souffre ma famille. Ma sphère commence à prendre de l’importance, mes sens s’ouvrent sur l’extérieur. À travers les souffrances de ma famille, je devine le monde tel qu’il est. J’ai suivi l’éducation que mes parents m’ont donnée. J’y ai trouvé le goût du travail et le plaisir d’être récompensé. Je suis un enfant qui apprend. Je suis un être moral. J’ai développé, au cur de ma famille, la moralité qui me porte tout le jour. J’ai élaboré une conscience morale véritable. Je ne limite pas mon savoir à la politesse, aux manières de me tenir à table ; j’apprends à nager dans l’eau et l’amour de mes parents. Je suis inconscient de mon existence et je regarde le sang couler le long de mon bras ; le couteau est tombé. Je tombe dans les bras de ma mère. Ma mère me semble un repère éternel. Plus l’enfance s’efface, plus la solitude me fait face. La morale grandit en moi comme un ballon rempli d’air qui ne sert pas à jouer. Je prends conscience de ma personne comme du respect que je dois à celle d’autrui. Plus je suis grand, plus ma sphère individuelle s’étire dans toutes les directions ; elle atteint avec moi des rivages hors du commun, elle me dévoile des sensations étrangères : je fais l’amour à une personne de mon sexe, à une personne de mon sexe opposé. Je découvre l’usine à poisons qui travaille dans mon cur lorsque je souffre d’amour. Je suis adulte, je confronte mes valeurs morales à celles de mes parents : je m’éloigne peu à peu pour retrouver ma génération améliorée. J’ai l’espoir que la génération à laquelle ma sphère individuelle appartient, a une moralité plus affirmée que celle qui a précédé. Je suis adulte et je fais face à la violence qui gouverne l’essentiel de nos humeurs, engendrant toutes nos humiliations. Ma famille était le lieu de la tendresse et de la conciliation. Le sourire nous était commun, les difficultés étaient extérieures ; nous nous unissions contre elles. La mort était lointaine. Le monde où ma sphère se déploie est le désert sans ombre ni accommodements. Le désert est à l’image de toutes les inhibitions que je découvre ; je suis au seuil de ma timidité, j’emprunte toutes les portes de ma peur, l’une après l’autre. Je retombe à genoux dans le désert. Ma fatigue m’enracine. La soif assiège toutes mes pensées. Je suis seul aux portes d’une solitude nouvelle. Je comprends l’insuffisance de mes valeurs morales. Ma famille était le lieu de l’élaboration de ma culture première : je portais dans mon cerveau les embryons de ma vie intellectuelle. J’y ai bâti le socle de ma lucidité, j’y ai dressé les piliers de mon éducation ; et j’ai fondé au sein du monde le temple de mon esprit, un abri essentiel pour ma sphère et la vitalité de ma raison. Je rappelle la forme de chacun de mes éléments fondateurs : l’amour, l’autre, le regard d’amour vers l’autre, inconnu ; la volonté de vivre et bâtir mon bonheur ; la peur de la mort. Je suis gouverné par la solitude et les difficultés de vivre. Je suis lié à la peur comme le soleil au ciel. Je crains pour ma vie qui s’échappe ; je crains la pauvreté et la douleur ; je crains la pire des souffrances, la mort de ma famille. La mort de mon amour. Les valeurs morales qui me portent sont nées au cur de l’amour ; celui-ci les fait vivre. Je dirige toutes mes pensées vers l’optimisme, et la bonté de mon cur. La peur me ramène à la solitude, la peur de soi. Je suis encore l’enfant qui s’émerveille et qui craint. Je suis l’apprenti de chacune de mes douleurs. Je ne me connais pas mais espère mon intégrité comme ma constance. Ma lucidité m’aide à combattre moi-même à travers la solitude et tous les autres désastres ; elle sait aussi parfois ouvrir les gouffres sous mes pas assurés et trompés. Je sais, grâce à elle, embrasser le monde et toutes les immondices. Mes valeurs morales ne sauraient survivre sans le socle de ma vie : l’argent. Je suis un homme, une femme, une ville, un pays qui a soumis sa morale à la présence de l’argent : le soleil financier darde sur nous ses rayons brûlants. Mon corps piégé dans sa sollicitude subira un jour son abandon ; ma solitude s’étirera à l’ombre du soleil de l’argent. Dans ce retrait, la solitude éveille la violence et ses pertes : la mise à l’écart de ma sphère engendre la frustration, la ruine du corps appelle celle de la raison ; je ne sais que m’armer de violences abjectes, et je manque de respect, à moi et aux autres qui me regardent sans raison. Je, je suis une sphère transformée en boulet sur la terre. Je creuse ma tombe à même le corps, et je meurs, je meurs, je meurs de ne pouvoir me réaliser. J’ai parfois des défauts, comme des trous dans ma sphère, dont je ne suis pas conscient. J’ai parfois des qualités, et j’aime le sourire que l’on me donne lorsqu’elles rayonnent, bien malgré moi. La lumière que je reçois traverse ma sphère par les trous de mes défauts ; je me sens ravivé, et je vois la bonté de mon âme dans la bonté des autres. Je suis identique aux idées que je forme. Je suis identique à la sphère qui transporte mon corps ; je suis le même sous les pleurs et les rires, dans les bras d’un ami, dans le corps d’un amant. Comme je suis identique à la vie que je mène, je serai identique à la mort de ma sphère. L’individu qui porte le bonheur dans ses mains aux doigts écartés et tendus, avance, à la rencontre des centres chauds des sphères individuelles. Je suis l’individu au toucher développé par l’amour qui le porte, et qui va, malgré sa soumission, embrasser une sphère au soleil. Et mon corps obligé de se fendre suit son sang dans un mouvement vers la terre. Je retrouverai le lieu de ma famille, et le passé, les souvenirs, mes meilleures années, la jeunesse et la beauté, dans un seul et unique mouvement. Les choses utiles se déplacent de l’intérieur de ma sphère vers l’extérieur et s’y perdent. Ma connaissance du monde doit s’étendre aux obligations ; ma raison doit choisir la vie que mon corps et mon esprit peuvent mener. Les choses belles se déplacent de l’extérieur vers l’intérieur de ma sphère, où je les retrouve prisonnières des souvenirs et des rêves. |
du même auteur chez Hache: Dans sa première partie, ce texte évoque la journée d’un personnage paradigmatique, dans ce qu’elle a de plus concret en même temps que dans ses tenants et aboutissants socio-existentiels. La deuxième partie, rompant avec ce fil, est analytique et lyrique. Simplicité, pureté, sensibilité, hauteur. |
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