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Foyer à ciel ouvert de littérature contemporaine européenne

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Beaver et l’Américain

Bernard Saulnier

mars 2005

Je suis surpris par sa façon rapide et urgente d’entreprendre la conversation. Je passe pas à la télé. Je traîne les caisses des artistes. Beaver ! Beaver ! Édenté et recousu tu ressembles à un vieux vêtement raccommodé, t’es pas beau mais chaud. Je me démène avec les escaliers les caisses et mon souffle court. Rappelle-toi Beaver, tous ces titres de romans, tu n’écris jamais rien et aujourd’hui tu transportes des caisses pour quelques dollars. Beaver ! La digue de ton cœur est brisée tout fuit. Téléphone pour les caisses deux transports aller-retour l’épuisement et les dollars. J’ai de la difficulté à rester honnête. Beaver ! Si seulement t’avais pris la peine de me téléphoner on était que des enfants ignorants. Je te vois encore autour du bassin surveillant les petits. Je suis adolescent. Beaver ! T’es un maniaque sans éducation. Beaver ! Tu te lèves tôt pour mieux te préparer à bosser. Beaver ! Je veux pas savoir ton enfance sois honnête écris sur aujourd’hui. J’ai monté les caisses dans une salle de réception, elles sont lourdes, moi, à bout de souffle je fais mon effort. Je remarque les limousines la salle dans un grand apparat une bouteille sur chaque table, les chaises habillées de robes. Quand je vais chercher les caisses à la fin du party je les laisserai vides. Beaver ! T’es toujours aussi idiot. De retour des transports le chauffeur américain enfermerait tous ceux qui pissent dehors un red neck qui rêve d’argent, de Floride et d’armes. Beaver ! Je te parle d’aussi loin que tu te rappelles. Maintenant pour être honnête j’ai les courbatures des caisses c’est pire aujourd’hui et la paye qui arrive pas, quand on me paye pas subito presto c’est comme si j’avais fait mal. Je laisse glisser une caisse et le chauffeur qui monte avec moi se déchire un muscle se l’étire. Beaver ! Va te coucher ! T’es un bum Beaver ! Quelqu’un frappe le cadre de porte avec une caisse, le vernis part une éclisse aussi. Le chef d’orchestre paye pas le transporteur, voilà pourquoi j’attends. Beaver ! Tu penses pas m’embrasser de la à coucher à salir les draps c’est impensable. Tu m’attires pas. Je veux pas être seule. Les courbatures sont disparues. Face de castor tu ronges tu ronges.

Le transporteur a des obligations financières ça retarde la paye. Castor ! Tu entres à la brasserie l’automne t’en ressors pas. Il retient peut-être la paye parce que je descends assis dans l’escalier en retenant la caisse. Beaver ! Combien t’en as raté sans même commencer. Beaver ! Tu y crois pas tu restes seul et saoul. Toujours pas de paye, j’attends soixante dollars. Demain deux déménagements. Ben voyons Beaver ! Travailler ça chasse tes souvenirs, tu m’oublies, je suis pas dans tes rêves. J’y ai jamais été. Tu crois apercevoir ma fille dans le métro c’est pas moi Beaver ! C’est pas ma fille ! Jamais mais jamais je me suis fait chier comme ça c’est dans mes poches que je la veux la paye pas ailleurs. Ce type là c’est un foutu plein de marde incapable de prendre vingt minutes pour moi, me remettre ce foutu argent. Je parle trop y’a d’autres caisses dans la nuit de samedi à dimanche. Beaver ! Écoute y’a rien à faire jamais tu me reverras.

Encore des caisses ce soir faut les prendre dans l’Est, dans une cour que je prévois sinistre, pour les ramener à l’ouest dans un hôtel chic. Quand je travaille j’oublie mes belles idées communautaires je mets ça de côté, l’argent n’a pas d’odeur. La paye je l’ai eue, lundi y’en aura une autre et je m’endors sur mes belles idées de gauche. Beaver ! Ta vie s’en va et tu penses encore à moi. J’étais une petite fille toi un petit gars et on changera rien à ça.

Voilà mon Américain chauffeur de truck, je suis helper. On part à une heure j’ai un peu peur. Ça me rappelle mes vingt ans mes heures de fou. Une Italienne me parle des Juifs qui ramassent les sous pour devenir millionnaires. Je suis revenu du voyage l’Américain traite les gouvernements de sans dessein, y’a pas eu d’accident ni de grosse maladresse. Y’avait une rose blanche sur une caisse. Je téléphone au patron j’ai eu la paye sans attendre.

Salut Beaver ! Tu sens la merde t’as jamais appris à te torcher, t’es incapable de pisser comme un homme. Je me retiens on frappe pas une loque à terre. C’est pas honnête le cash ça me fait autant souffrir de le prendre que de monter les caisses. Beaver ! Tant que je serai présente dans ta tête ça va faire mal. Get a life Beaver ! Ta hutte va s’écrouler. T’es pas un génie t’es un idiot. J’attends des nouvelles des caisses c’est un week-end de trois jours. Beaver ! Je suis pas Sainte Marie Mère de Dieu. J’ai écarté les jambes pour d’autres, toi, je sais que tu lèves pas. Beaver ! Dans ta vie de rat pourquoi tu penses encore à moi. Je cherche toujours pourquoi tu bécotais les gars tu dansais avec eux et tous ces frotti-frotta.

J’y arriverai même contre les nonnes bigotes mais dignes. Je m’appliquerai comme elles montraient aux enfants avant. Beaver ! J’en ai rien à faire de tes histoires de religieuses elles rient elles prient voilà. Beaver ! Reste dans ta merde urbaine tes amitiés perdues on l’était si peu c’est fou ce qu’une soirée d’enfant t’a fait. Beaver ! Beaver ! Ça commence comme ça avec la peur des voisins. Tu m’entends à la sortie du métro Beaver ! Beaver ! C’est comme ça que ma vie a commencé un castor sur une fleur-de-lysée. Beaver ! Beaver ! Trois jobs t’en as pas encore assez. Tu peux ben te faire rembourser des pots de café la caissière te considère trou du cul. Je travaille cette nuit, en plus des ateliers de croissance personnelle y’a une femme rassurée de me voir là. J’ai plus l’âge de transporter des caisses mes poumons brûlent en plus des courbatures. La nuit je vois les anarchistes alcooliques qui pissent dehors. Honnête ! Honnête ! Mais comment Beaver. J’ai mal aux cuisses la sueur me pique le dos. Beaver ! Ta gueule pour ce soir.

Encore plus courbaturé ce matin. Beaver t’es pas un cave garde ça pour toé cette belle sensibilité. Les caisses me font sortir comme une pute sur appel. Les ateliers c’est pas ma place de peur de commencer une chose qui finirait mal. Encore Beaver ! Tu te prends pour un autre ! Parle moé des caisses Beaver des caisses au noir qui passent près de t’échapper, te laissent les jambes flageolantes pendant trois jours. L’Américain a dit que si je travaillais pour la compagnie on se reverrait. Je cherche le sens de compagnie. Tu sais Beaver y’a moyen d’être honnête tu fais de ton mieux après ça t’appartient plus. Écoute Beaver ! Tes dents elles sont plus là, les filles qui te plaisaient non plus t’es seul à essayer de cueillir l’huître éventrée. L’argent des caisses je vais le perdre, les voitures dans la nuit c’est un contrôle. J’ai pas de nouvelles du ministère de la solidarité. Ça augure mal ils sont à monter un dossier. Beaver ! T’as raté ça joue trop dur Beaver ! Je suis pas tough je joue eux ils veulent ma peau. Y’a cette bullshit qui veut que plus on fait d’efforts physiques plus ça devient facile. J’attends le téléphone. Beaver ! T’es pas fait pour la sellette. Beaver on était pas faits pour être ensemble. T’es bêta Beaver ! C’est drôle de te voir. Tu passes près du pick-up Ford quarante, tu lis sur le vert whizzer motorbike. Beaver ! Beaver ! Mêle toé pas de t’ça. Mêle moé pas à ça. De toute façon t’as peur des relations, je veux pas d’angoissé chronique. Tes désirs d’écrivain à queue plate ça importe à personne. Beaver ! Tu te crois si important ta voix porte pas plus loin qu’un coin de rue. Je cesse d’être communiste comme un vire capot je me tourne vers Dieu. Tiens je te laisse la parole. Beaver ! Y’a pas de recette pour le bonheur c’est essai erreur et tu recommences. Tais-toé ! Tais-toé ! Y’a cette jolie femme aux ateliers ça clique pas au premier regard mais j’adore son sourire ses yeux pétillants. Beaver ! Beaver ! Tu sais pas ce que ça veut dire appréhender le réel. Mais non je crains la réalité.

Je veux juste travailler sur les caisses même quand c’est lourd maintenir la tension la douleur dans les muscles. Beaver ! T’es rien qu’un ramassis de souvenirs. Je t’ai oublié Beaver ! Toi et ta misère tes lunettes de fer j’en avais rien à faire. Je veux pas crever quitte à me rappeler toi et ta beauté. Je suis qu’une oreille qui écoute délirer un camionneur américain. Beaver ! Je suis une inconnue. J’ai plus envie de me rendre au meeting. Je sens la haine je la ressens y’a des raisons que je connais pas. Faut tenir malgré tout malgré la haine. N’être qu’une mode c’est affreux question de valeurs. Beaver ! J’avais besoin d’un garçon qui tournait rond. À l’atelier j’ai exprimé un vieil amour d’homme un homme que j’ai appris à oublier. Beaver ! Je te vois dans son jeep tu le préférais aux jeunes filles. Cette semaine pas d’atelier. Beaver ! Beaver ! Tu reviens à moi, je t’ai dit de m’oublier. Je téléphone chez FedEx le gars me dit qu’ils ont livré à la pine dorée. Pas de truckeur en vue cette semaine. La vieille a pissé drè là à l’arrêt d’autobus accroupie les pantalons sur les genoux. L’urine dégoulinait. Un voyage de caisses au Windsor c’est surtout pour les risers, veille mon Beaver ! Veille ! Devant la bouteille de Southern Comfort. J’attends. J’irai ? J’irai pas ? Ça dépend du matériel à transporter. Ils ont pas eu besoin de mes services. Ils ont préparé la scène sans moi. Beaver ! Pense pas à moi je te hais pour ce que t’étais pour ce que t’es devenu. Beaver ! On fait pas la biographie d’un castor. Tu vieillis Beaver ! À l’atelier je crois que les femmes comprennent que je suis homo. Beaver ! Tu pars, tu pars comme un porc dans le parc. Tu parles et moi je fonce j’accepte la contrainte je me défais des mirages c’est plus de mon âge. C’est terrible de penser à elle, elle si loin, les ponts cassés. Beaver ! Beaver ! Tu remonteras jamais à la source parfois tu crois que c’est moi l’ancienne jeune fille qui cause ça, quand même tes vieilles douleurs te rattrapent et c’est bien. J’ai eu des nouvelles des caisses six voyages j’espère en faire quelques uns. À l’atelier je révèle mon amour pour un homme un amour filial qui m’a fait mal c’est il y a longtemps. Beaver ! T’as même oublié à quoi je ressemble comment tu ferais mon portrait tu te souviens de rien tu cherches la magie sans prendre les outils. Enfin lâche-moé tranquille.

Y’a des caisses demain avec l’Américain, au matin et dans la nuit. J’espère faire le boulot comme il faut sans me blesser. Parfois je prie à genoux. Beaver ! Fais pas ton curé. Cesse donc de me donner ce surnom qu’est-ce que tu crois, que je vais rester là assis dans la berceuse avec ma prestation d’invalide. Faut que je vive je fais des transports. Non ! Je crie Beaver ! T’es un idiot qui veux grandir c’est des illusions. Beaver ! T’es un sale castor de ceux trouvés sur les nickels pas même bon à acheter des sucreries. À matin va falloir forcer une heure tout au plus. Le transport se fait avec l’Américain on roule en admirant les pick-up Dodge Ram. Pour forcer on force les caisses sont montées dans l’escalier, on les redescend cette nuit. Beaver ! Ta job de dessous de table c’est pas assez pour m’entretenir. Beaver ! Pauvre mec, pauvre mec, pauvre mec. J’attends le téléphone, il va me cueillir et on descendra les caisses la dernière fois le band nous a fait attendre, ce soir, cette nuit, j’espère que tout ira bien. Deux heures trente y se passe rien le téléphone sonne pas, ça me mène à six heures à moins qu’ils aient décidé de me laisser là à cause d’un mécontent. Ai téléphoné à l’Américain y’aura pas de transport cette nuit pour moé on s’est faitte crisser dehors. Les faittes c’est que je suis pas assez fort. Tout un ostie de chiard l’Américain veut sauter le transport de cette nuit ça prend un autre chauffeur. Fin des voyages de caisses sans l’Américain. Livraison à l’hôtel Windsor, un mariage les robes à froufrous, les complets noirs, le rabbi dans la cuisine. Des robes de bal voilà ce qu’elles portaient. Dans le fond je vis dans la crosse le système D. J’attends la paye demain. J’ai téléphoné au boss pour la paye je me sens trou du cul j’y vais toujours à coup de merci et de s’il vous plaît. J’attends qu’il me rappelle. L’Américain veut pas se faire écœurer par mes problèmes de paye. Il dit qu’en temps normal la paye c’est le mardi. Je me laisse acheter avec de l’argent cash. L’Américain a dit d’oublier ça. Oublie ça mon trou d’cul ! Oublie ça !

Beaver ! On s’en crisse comme de l’an quarante. Je sais pas pourquoi je t’écoute comme ça. Je t’ai perdu de vue y’a longtemps. Je prie pour que Bush soit défait. Dieu n’est pas de son bord. Au supermarché le gérant et un employé me suivent dans les allées. Les caissières croient que l’aide sociale est déposée. Un transport demain je dois me rendre à l’entrepôt pour neuf heures quart on entre le stock. Les femmes avancent d’un petit pas pressé surtout la mariée qui transporte aucune caisse, les belles robes restent propres et c’est tant mieux. Beaver ! T’es un crosseur je t’engueule même si t’en vaux pas la peine. Retour de livraison l’Américain me dépose en disant « salut grosse poche » pendant le transport on discutait des vertus de certaines synagogues pour la livraison avec un dock ou sans, plain-pied ou surélevé. L’Américain me prend à huit heures dix demain. Livraisons dans deux synagogues un responsable s’est moqué de moi en m’indiquant où sont les toilettes. Je me souviens plus, il a dit à gauche plutôt qu’à droite enfin… semble que l’argent vient des Juifs. Je vais peut-être cueillir les caisses demain mardi c’est la paye. L’Américain était tout silence. On s’est tapé des kilomètres dans les rues usées de Montréal. Beaver ! T’arrives presque à m’oublier. Douces courbatures qui se résument au temps présent. Y a-t-il un Juif assez pauvre pour travailler le jour du sabbat. Le rabbin il a dit de tourner à droite ou à gauche, c’est pas important de toute façon j’ai trouvé. L’Américain boit mon café le sien pas plus sucré que le mien. J’ai sali la synagogue par ma présence. Je crie au Christ ! J’y retourne demain j’ai quand même peur de me faire pogner. On a fait le pick-up à Snowdown. Discuté football pas grand chose, j’ai fait de mon mieux. J’ai terminé ma visite des synagogues pour cette semaine, c’est assez pour me rendre suspect dans la profanation de cimetières juifs. Beaver ! Beaver ! Tu coules dans la déraison t’es un Jean-Guy mon beaver un pauvre type qui se prend pour un Kafka goy, gentil. Depuis que je travaille au noir mes activités s’effritent. C’est pas un travail officiel un jour les caisses tomberont sur moi. Ces voix que j’entends, ces chuchotements qui me dénigrent, ostie de sans dessein y’a des années que j’entends ça. J’espère ne pas perdre ma santé mentale. Beaver ! Beaver ! T’as toujours été fou. Les dollars sont sur la table, malhonnête et endetté je me fais haïr. L’Américain dans son grand rêve aspire toujours à plus, plus grand, plus gros, plus riche. L’Américain va me « booker » pour le week-end. Ce soir il mange la route jusqu’à La Malbaie, un transport, un motel et le casino. Il dit pour rigoler qu’il va jouer sa paye et se suicider. Il joue à la roulette russe et prie Dieu. J’attends l’appel, l’appel des boîtes à roulettes, des caisses, un transport. Peut-être que le boss a pas apprécié mes remerciements pour l’ouvrage. Ils en ont trouvé un autre moins imbécile que moi, un qui sait tenir sa langue Dieu faites que l’Américain téléphone, travailler ça tue parfois mes angoisses. Je veux me voir assis dans le truck pendant un transport. Me faire brasser le cul sur le siège du helper. Y’a du boulot demain deux transports dans Saint-Léonard chez les Italiens. L’Américain est resté pris dans une tempête de neige entre Québec et La Malbaie. La première chose qu’il a dit « il manque une caisse ». C’est une erreur au déchargement y’en a une de trop pour les Italiens on attend que l’entrée se dégage au Windsor, ai mangé quelques biscuits du buffet. L’Américain veut savoir si je suis disponible cette nuit, le boss a besoin de deux équipes. L’Américain a toujours raison admet jamais ses erreurs, un plein de marde qui laisserait les caisses m’écraser. Je vais faire la job avec le boss il a dit on s’en va faire la job et ça finit là, pour moé y m’engagera pus. J’arrive de chez les Italiens ils m’appellent Hell César. Le boss rejoint pas l’Américain. Je vais peut-être démonter le matériel. Je suis pas sûr de moé. L’Américain a toute l’assurance qu’il veut. Je crois qu’il est fâché mais non il dort. Voyage chez les Juifs des enfants préparent une chorégraphie sur de la musique klezmer. L’Américain démonte la scène avec moi, on dit que des banalités. En revenant de l’entrepôt une voiture noire s’est stationnée près de moi j’ai eu peur elle est partie lentement. Croisé un gars je sais pas ce qu’il a dit « thank you » ou « tant’un’peu »… Beaver ! Beaver ! Tu vois où ça mène d’être malhonnête t’es une petite crapule Beaver ! Et les petits on varge dessus. L’Américain fait les choses à l’américaine, grosses, grasses, vulgaires. Beaver ! Pour qui tu te prends. Écoute ma petite voix c’est terrible la conscience. Chez moi on viole mon intimité. Beaver ! Ton intimité serait bonne si tu payais tes dettes si t’arrêtais de frauder si tu bossais pour vrai. Estie de malavenant ! Y’a ce dix dollars que l’Américain m’a donné pour un transport, c’est une preuve il peut témoigner et dire que j’ai de l’argent. Il croit qu’il m’en doit mais le boss m’a payé. Je suis confus cent dix ou cent quarante en tout cas… Ce week-end il fait les transports sans moi, je serai loin du rock de truckeur. Beaver ! Oui kess tu veux. C’est un beau prénom ça sonne amérindien. Beaver ! Beaver ! Lâche-moé avec tes histoires de contrebandiers.

Je me suis vu ce matin dékalissé en tabarnak je boite des plaies plein le visage, c’est moi à l’époque où ça me prenait un thrill pour vivre, une sorte de frisson. Je parle à l’Américain je lui dis que j’ai du shopping à faire comme on dit faire des courses ou des commissions. Ça me choque ça me met en colère d’avoir à choisir ses mots d’Américain. Devant le parc y’a une limousine ça épate l’Américain. Beaver ! Beaver ! Veux-tu ben me sacrer patience j’ai ma vie la tienne je m’en contrecrisse. Je veux ben lâcher prise mais les vieux résistants quand les nazis étaient chez eux je sais pas… Un rescapé de l’holocauste déclare que Dieu n’existe pas. L’Américain adore les trucks, son truck, il l’appelle baby, faut pas y toucher, en prendre soin et surtout pas renverser de café. Estie de pute ! Pute à cause de quoi ? À cause des caisses, des transports faits au noir. Elle m’en veut. Beaver ! Je te parle Beaver mon Beaver dékoncrissé. Je te parle de la douleur. Dieu tu me bardasses autant que le truck de l’Américain. Beaver !… Beaver !… T’es pas kasher Beaver ! Faux jeton !

Je veux fuir dans les badlands avec l’Américain. J’ai encore un peu de cash pour le tabac, le lait, le pain. Mon surmoi est difficile. L’Américain se perd dans les bars près des lignes, de la frontière, de la douane. Il est chez lui glisse un billet dans un string. Il couche au motel. L’alcool et les truckeurs des speed parfois pour faire disparaître la fatigue un éveil artificiel… Y’a rien de vrai dans tout ça l’Américain est clean plus clean que ça tu meurs. Beaver ! Beaver ! Attends j’ai encore des choses à te dire ça fait pas mal de se faire sauter le cerveau. Je suis pas un héros juste helper sur un truck wake up man ! Beaver je te parle encore ma voix s’effacera pas je te joue la même rengaine c’est pour te harceler. Pas de téléphone pas de gig pas de truck à soère pas d’arrière-salle noère pas d’escalier défuntisé. L’Américain m’a barré je suis plus sur sa liste. Pour la paye je suis un gros sarf. Maudit sarf ! Tu prends l’argent sans penser aux autres. Les Arabes veulent me casser la mâchoire pour installer un appareil orthopédique. Y’a elle qui se rappelle de mon surnom Beaver ! Et plus tard Bernard devenu l’ermite bien engoncé dans sa coquille. Beaver ! L’ermite ! Un castor ermite c’est voué à la mort sous la glace. Je vas-tu la laisser là la crisse de folle. Je porte toujours ma veste de striker. L’Américain gémit dans les toilettes ça me fait peur. Beaver ! Mon verrat de Beaver ! Il faut vivre malgré l’Américain malgré les caisses. Il faut vivre se réjouir de pain de tomates fraîches. Je déteste l’Américain on a pas la même mentalité lui et les S.U.V. moi et… Je peux pas réduire mon âme à la psychologie. Beaver ! T’es qui toé pour dire ça. Y’aura pas de pick-up en fin de semaine le boss manque d’ouvrage pour les trucks. L’Américain mange sa dinde c’est congé de thanksgiving. T’es lette Beaver ! Lette comme tes grimaces quand tu viens dans tes culottes. Malavenant ! L’Américain veut stériliser les malades mentaux au nom de l’économie de marché. Beaver ! Ton boss sera pas fier ta paye sera pas là, plus de caisses, plus de transport, la misère noère. L’Américain dit Dieu est dans ma vie. Il croit pouvoir surmonter toutes les épreuves. Moi Dieu je sais pas. Estie que j’m’haïs ! Beaver ! Haïs-toé pauvre carcasse. Ciboère que c’est toffe à soère. Je déteste l’Américain qui réchauffe sa voiture. Y’a un problème avec les caisses le boss peut pas me slaquer j’ai jamais été engagé. Je rêve de route dans mon cagibi. Beaver ! Avale trente grammes de tabac tu vas crever mon ostie de plein de marde. L’Américain est inconscient saoul sans le savoir. À l’horizon de la nuit rien de nouveau une saoulerie entre deux transports et le gars qui se fait sucer dans la ruelle. L’Américain me demande « Do you know what working means ? » « Qu’est ce que tu veux qu’on faise. » Je suis un prospect à clancher. Beaver ! Je te tiens je te lâche pas avant que tu disparaisses que tu claires la terre de ton corps mort. Mon monde éclate comme un monde de Juifs des caisses un monde d’Italiens des orchestres. Beaver ! Beaver ! Tu me rassures pas jamais t’e’t bon qu’à tirer qu’à lever qu’à pousser. J’ai toujours eu besoin d’un macho, d’un facho même, pauvre lavasse ! Je suis dans le truck l’Américain croit que sky is the limit moi je crois que les routes les transports les trucks sont mon destin ma vie. Aujourd’hui moi et l’Américain on mange la route jusqu’à Trois-Rivières. Au centre-ville on rencontre une femme de la Petite-Pologne. Dans la vitrine d’un café les gens se moquent de ceux qui passent. L’Américain dort dans le truck. Je prends un café près d’Odanak on est restés pris dans un enclos la clôture s’est fermée emprisonnés un bout de temps pour sortir tout contents. Sur la route les freins moteur « Jacob » sont interdits. L’Américain intarissable quand il parle de truck. L’Américain jure par son beau grand maudit pays rempli d’affamés. Je pense à l’argent des caisses à l’argent des transports des trucks du cash qui vient je ne sais d’où. L’Américain et sa foi d’essieu de dix tonnes, l’usine Paccard ces énormes camions qui le rendent fou. Des machines à dévorer la chaussée, à faire damner la marée chaussée. Je suis qu’un roadie de coin de rue. Beaver ! Beaver ! On l’sait tes niaiseries valent pas une crotte de mouche. La cuisse te fait mal c’est douloureux crois rien, crois rien grand chien ! Jamais l’Américain admettra God on his side. Ai traversé la Rhodésie Westmount pis ses boîtes à journaux suis passé devant l’archevêché, le grand séminaire, un centre communautaire juif, y’a un parfum de cuisine familiale c’est doux au nez.

Je suis un véreux, vinyeux, tant qu’il y aura des caisses j’irai les transporter pour des Italiens et des Juifs. À Trois-Rivières y’a des ronds-points giratoires comme en France. Si on garde la gauche on tourne en rond. L’Américain a jamais vu ça. Sa vie c’est la route et les hamburgers steak dans les trucks stop. Pour l’instant stallé à Montréal il accepte de faire les caisses en attendant le highway. J’écoute, j’écoute elle parle quand elle veut je la mène pas. Elle danse et moi je suis habillé en chienne à Jacques. Beaver ! Mon p’tit sarment ! L’Américain un chat au volant de son truck. Quarante-neuvième hiver et toujours ce vieil oncle qui me déteste. Il veut ma mort j’en sais trop. L’Américain s’en chargera. V’là l’achalante qui r’soud. Beaver ! Beaver ! Ça te mène à rien tu me perds. Je te lâche pas je fais comme Rivest je règle la pression des grinders pour te faire vibrer le cerveau à en devenir fou. Ça me quitte pas ce bourdon cette empoigne entre les deux parties de mon cerveau. L’Américain avance plus, la visibilité est trop faible. Christ ! Y’é temps que j’arrive en Amérique que je rêve des routes de fortune. Beaver ! T’es incapable de me faire paraître sous mon beau profil le nez arqué d’une déesse amérindienne qui ensorcelle l’Américain. Le monseigneur m’appelle cuirette. J’en suis à la morve et aux crottes de nez sur les murs. Ben voyons mon con ! Mon con de Beaver ! Mon ermite à marde ! L’américain est disparu le truck remisé les transports arrêtés. Y’a ma blessure une croûte sur le cuir chevelu, une croûte que j’arrache et qui saigne. Beaver ! Beaver ! T’es ridicule la tête dans la main ta tête vide dans ta main. L’Américain jure que Dieu se manifeste par les être humains, dans ce qui me reste d’amérindien Dieu se manifeste par les animaux, la nature. L’Américain préfère être ordinaire chez les médiocres que trou du cul chez les grands. J’ai pas fini avec toi ma chienne de sans foi, ma chienne d’incroyante, tu vas croire, veux veux pas. Pour l’Américain parler d’indépendance c’est négatif, au Québec on a l’humilité facile enfin l’Américain ment son Dieu est pas pour moi. Je refuse tout le shebang. L’Américain et moi on fait cadeau d’un loto au boss. Je lui donne dix dollars, il dit regretter l’élection de Bush. J’ai évité un accident. Je pense à papa à maman à toute la famille. Maintenant Bernard Beaver l’ermite est fou il se débat avec la circulation… Le fils de l’Américain est dépressif. Je comprends ses sentiments de père qui veut le mieux. L’Américain dit que je suis un artiste quoi lui répondre ? Rien d’autre qu’un rire. Je lui lis un poème. Maintenant je l’attends il casse la glace au pic et à la pelle et rêve de Floride. Un petit break des caisses pour l’hiver, j’espère que Dieu me protège. Beaver ! Beaver ! T’as plus grand temps à perdre quant à moi je me tairai. Je me zigne et je gigue. Chu’t’écœuré de me crosser j’ai envie de peau, la peau d’une autre. L’Américain est loin Dieu ne fait pas pour moi ce que je ne peux faire par moi-même. L’Américain me dit de faire des meetings. Je récite le Notre Père sans savoir à quoi ça sert ça calme parfois mes angoisses. Chez nous on s’en crisse du fils prodigue, qu’il nage, qu’il coule, qu’il cale. Mon père disait que si c’était à refaire il ferait autre chose. Maintenant il est vieux je comprends qu’il ait eu des désirs des envies aujourd’hui il regrette il est trop tard. C’est le jour de l’an la Saint-Sylvestre. Enfant je recevais des cadeaux on accrochait nos bas dans le salon, le matin on y trouvait des fruits, des bandes dessinées, Vaillant, Tintin, Pilote, Spirou, de l’argent aussi. Ce sont les cadeaux du père qui nous bénissait. J’ai un moment l’envie de tomber dans la dépression. L’Américain a trop de foi moi parfois je crois pas. J’ai un voyage un déménagement cinq à six heures d’après le boss. Il croit que c’est une job que je peux faire. Je vais faire de mon mieux. Je revois l’Américain, lui souhaite bonne année. J’ai été mal circoncis à l’âge de quatre ans. Je suis allé dans un magasin de musique avec l’Américain j’ai fait quelques accords de guitare. C’est terrible cette histoire de circoncision une vraie charcuterie. J’arrive pas à demander à mon père. Je suis un coco, y’é chum avec coco, on veut infiltrer les cocos. Je travaille avec l’Américain il est de bonne humeur on déménage un quatre et demie, quatre heures et la paye qui rentre vite. J’ai peur pour l’enveloppe je fraude. Je suis fatigué, j’ai mal aux avant-bras. L’Américain est calme et travaille fort. La paye la paye y’a toujours einémite. L’Américain veut se servir des courroies. Je sais pas m’en servir on transporte à bras. Courbatures et l’autre qui s’impose. Beaver ! Beaver ! Je crie pas assez fort ça entre pas dans ta tête de cochon. L’Américain travaille comme dans un entraînement. Je remplirai pas ma vie à transporter des caisses à déménager des lave-vaisselles. C’est l’anniversaire de mon père et la fête des Rois. L’Américain me traîne dans une pawn shop il cherche un lecteur DVD. Mon cuir chevelu guérit. Le commis fait brûler de l’encens. Quatre jeunes blacks bloquent le trottoir ils avancent deux par deux sans laisser le passage. L’Américain sortirait son flingue moi je passe près d’eux avec l’envie de me battre de les engueuler je mangerais une volée. Je ressemble parfois à l’Américain avec sa morale à cinq cennes. L’Américain force, souffre à courir après des rêves empruntés. Il se fait comprendre à coup de shit ! de motherfucker ! et de fuck. Ma tuque sèche mon cuir chevelu ça fait des croûtes des gales que j’arrache c’est plus fort que moi j’aime cette petite douleur. L’Américain veut plus jamais souffrir juste s’enrichir. Ce soir j’écoute l’Américain parler de sa réhabilitation et de Dieu. Mon père a quatre-vingts ans. Je gagne beaucoup plus que permis avec l’Américain. Comment décrire la démarche de l’Américain, bien droit le menton haut les épaules qui roulent, un paon ! un paon ! cet Américain. Les transports sont off jusqu’en mars. Le boss est en vacances. L’Américain veut connaître le montant de ma paye, je lui dis rien. L’Américain est à pied. Je crois pas aux ateliers de croissance. J’ai beau reculer pour mieux sauter le gouffre reste infranchissable. L’Américain est là pour me déstabiliser trouver la faille dans ma défense. Mon père il lui manque trois doigts à la main gauche je l’ai toujours trouvée menaçante. Deux vieux assassinés par le fils fou d’avoir trop parlé trop dit. Je lui cracherais une « clam » dans la bouche à l’Américain. Le courrier du cœur propose au préposé de fast-food de voir un psychologue. Les psychologues ça nettoie pas la marde, ça soulage pas les gens épuisés. L’Américain a raison de m’en vouloir. J’ai un point dans le dos je fume trop. L’Américain va au salon de l’auto je le trahis quand je l’écris comme ça. Il travaille. Beaver ! Beaver ! Cesse-ça tu suite ! Les apologistes on s’en crisse. Shut your mouth you son of a bitch ! Y’a une odeur de pisse les patates bouillent dans l’urine. À la vérité j’ai un système de pensée unique mais mal fait je veux que chacun y adhère en sachant très bien que les valeurs sont variables. Je suis un Franco du bas de la ville. Je veux pas me faire couper les doigts en opérant une presse. Un appel du gouvernement du Québec c’est les impôts. Auschwitz le plus grand mal. Parfois je veux enlever ma peau comme une vieille gale je veux mettre mon squelette mes entrailles à l’air. L’Américain arrive… on parle de char monté, écoute une schizophrène qui s’ignore. Mon frère a fait un infarctus ils ont débloqué l’artère j’ai tout de suite pensé mon petit frère pourtant c’est un costaud c’est la personne avec qui j’ai partagé une chambre longtemps. Mon compagnon de chambre pendant dix ans. J’ai pas compris que je devais lui laisser cette chambre. On place pas deux jeunes étalons dans le même box. C’est jour de paye on trime dur toute la semaine et le soir on se saoule. Beaver ! Beaver ! Te ruine pas le cœur tu préfères ça à ma compagnie.

L’Américain a une fille elle m’a invité à souper chez elle c’est chez lui. Ça lui plaît pas l’Américain. Il me demande si je suis circoncis. L’aimant de la figurine de mouton collé sur le frigo s’est cassé, ça veut dire que je suis plus un mouton ? Au moins une escousse. Paranoïaque d’avoir fondé une aile du Bloc Québécois dans un comté reculé du Québec. L’Américain en rit moi je trouve ça triste. Il s’est acheté une guitare. J’ai apostrophé une fille qui lisait Mon combat dans l’autobus on est à la guerre d’Irak ça excuse pas de lire cette saloperie. Ici comme chez les nazis les gens sont indifférents. Elle peut lire autre chose pour exercer son sens critique. Bientôt y’a de l’ouvrage. Dans le bus Ontario personne connaît Mon combat mais comment discuter avec une lectrice homicide. Beaver ! Beaver ! Tu te prends pour qui !? Aux ateliers je me crois dans une version hard-core d’Appelez-moi Stéphane. L’Américain est passé je l’ai dépanné en lui donnant l’argent pour un passage dans l’autobus. Du truck au bus méchante droppe sociale. Pour m’encourager j’écoute les rescapés des camps de concentration nazis. On mange la route jusqu’à Sainte-Anne-de-la-Pérade il fait zéro j’hallucine comme… comme quoi au juste un être pris dans un terrible cauchemar éveillé, Trois-Rivières La porte de la Mauricie. Je perds mon crayon sur la glace de la rivière Batiscan, à côté il se paye la gueule des gens il souffre en inconscient. Les poissons viennent de Rivière-Ouelle on est en fin de saison. Je me perds l’Américain me cherche dans le village. Y’a de la bière qui circule. J’ai droit à quelques jokes grasses, fromage entre les doigts de pied et craque de fesse. Voilà un transport rien de particulier l’Américain dit toujours autant de niaiseries. On fait le pick-up dans la nuit. Il veut que je me taise toujours le même p’tit boss des bécosses. Beaver ! Beaver ! Mon vieux mésadapté ma vieille charogne agitée tu riais de mes pieds-de-nez maintenant t’es tout seul à te le décrotter. Parfois j’ai des déjà-vu, je reste helper sur le camion pas question de conduire. Je me rends chez l’Américain on fait le pick-up à deux heures du mat. J’aime la musique country comme un truckeur pas de truck. On a fait la gig comme dit l’Américain il porte des gants de caprin. J’ai pas manqué de souffle, les waiters m’ont reconnu y’en a même un qui a dit c’est Saulnier. Le gérant a prononcé alternative rock. Je crois que j’étais de trop. J’ai ramassé la paye chez le boss y’avait une femme devant chez lui j’ai eu peur de me faire pogner avec du cash. Je songe à consulter un médecin pour savoir si je suis bien circoncis. J’ai du chagrin ça sert à rien de le dire à l’Américain. L’Américain comprend rien à la télévision moi aussi. Je cherche le bonheur tout autour de moi est décati. Beaver ! Beaver ! You are downtown Montréal wake up ! Soirée culturelle avec l’Américain première station, marchand de musique réparations d’un ampli, magnifiques vieilles Gibson, deuxième station resto asiatique on mange en silence troisième station librairie. Y’a toujours des patchés qui renient leurs couleurs pour celle de Dieu. Beaver ! Beaver ! J’ai jamais oublié que t’étais à pied à faire le striker sur la moto d’un autre. L’Américain reste dans le silence pas de nouvelles pas de transport. Pas, pas, mon papa qui me dit rien mais que j’aime un peu quand même. J’angoisse le téléphone est occupé chez mes parents. J’appelle mon frère pour savoir son état. Je veux qu’il vérifie chez mes parents. Une nouvelle des personnes âgées ont tenté de se suicider Merci mon Dieu c’est pas eux. J’ai eu peur.

Lexique (ordre alphabétique)

à soère : ce soir
achalant : fatigant, ennuyeux
bardasser : secouer
bas : chaussettes
beaver : castor
brasser : secouer
bum : type qui traîne
bécosses : toilettes (anglais back-house) ; des bécosses : péjoratif
clairer : dégager (anglais clear)
clam : huître, moule ; désigne ici un crachat
compagnie : entreprise (anglais company)
criss : juron (Christ)
crisser (s’en) : s’en foutre
crosser (se) : se masturber
cuirette : mauvais cuir (ici, faux dur)
droppe : descente (anglais drop)
défuntisé : foutu
dékalissé : mal en point
dékoncrissé : mal en point
einémite : une limite
escousse : un certain temps
fleur-de-lysée : emblème du Québec
grinders : outil qui sert à polir des soudures
grosse poche : médiocre
helper : assistant
malavenant : importun
marde : merde
moé : moi
nickel : pièce de 5 sous canadienne (sur laquelle figure un castor)
ostie : juron
patché : désigne celui qui porte l’insigne d’une bande
pogner : prendre
r’soudre : revenir
sans dessein : imbécile
sarf : égoïste
shebang (tout le) : toute l’affaire, tout le tremblement
slaquer : mettre à la porte
S.U.V. : véhicule utilitaire
stallé : calé (anglais stall)
tant’un’peu : attends un peu
toffe : difficile (anglais tough)
tough : dur
truck : camion
tuque : bonnet
varger : frapper
vinyeux : vingt dieux (juron)
zigner (se) : se masturber

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Le narrateur, bénéficiaire de l’aide sociale, s’essaie au travail : il porte des caisses, tandis que son collègue, américain, conduit la camionnette. Il raconte, songe, se plaint, se reprend, synthétise : « Je suis qu’une oreille qui écoute délirer un camionneur américain. » Une voix l’apostrophe (« Beaver ! Beaver ! ») et le défie, c’est une jeune femme dont il se souvient : « Attends j’ai encore des choses à te dire ça fait pas mal de se faire sauter le cerveau. »

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Paysage 216 : Haute-Savoie (2007)