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La Société industrielle et son avenir

Theodore Kaczynski

décembre 2002
(création : septembre 1995)

Traduit de l’anglais américain par Jean-Charles Vidal.

Le texte original anglais est présent sur ce site, et des liens sont établis, paragraphe par paragraphe, entre les deux versions.

TABLE DES MATIÈRES



INTRODUCTION

1. (en) La révolution industrielle et ses conséquences ont été un désastre pour la race humaine. Elle a accru la durée de vie dans les pays « avancés », mais a déstabilisé la société, a rendu la vie aliénante, a soumis les êtres humains a des humiliations, a permis l’extension de la souffrance mentale (et de la souffrance physique dans les pays du Tiers-Monde) et a infligé des dommages terribles à la biosphère. Le développement constant de la Technologie ne fera qu’aggraver la situation. Ce qu’auront à subir les hommes et la biosphère sera de pire en pire ; le chaos social et les souffrances mentales s’accroîtront, et il est possible qu’il en aille de même pour les souffrances physiques, y compris dans les pays « avancés ».

2. (en) Le système techno-industriel peut survivre ou s’effondrer. S’il survit, il PEUT éventuellement parvenir à assurer un faible niveau de souffrances mentales et physiques, mais seulement après être passé par une longue et douloureuse période d’ajustements, et après avoir réduit les êtres humains et toutes les créatures vivantes à de simples rouages, des produits calibrés de la machine sociale.

En outre, si le système perdure, les conséquences sont inéluctables : Il n’y a aucun moyen de réformer ou modifier le système de façon à l’empêcher de dépouiller les hommes de leur dignité et de leur autonomie.

3. (en) Si le système s’effondre, les conséquences seront dramatiques. Mais plus le système se développera, plus désastreux seront les effets de sa destruction, et donc il vaut mieux qu’il s’effondre au plus vite.

4. (en) Par conséquent, nous préconisons une révolution contre le système industriel. Cette révolution peut user de violence ou pas ; elle peut-être brève et radicale ou s’étaler sur plusieurs décades en tant que processus graduel. Nous ne pouvons le prédire. Mais nous pouvons présenter de manière générale les mesures que ceux qui haïssent la société industrielle devront prendre pour s’engager sur le chemin de la révolution contre cette forme de société. Il ne s’agit pas d’une révolution POLITIQUE. Son objectif n’est pas de se débarrasser des gouvernements, mais de la base techno-économique de la société actuelle.

5. (en) Dans ce qui va suivre, nous porterons notre attention sur certains aspects négatifs générés par le système techno-industriel. Certains autres aspects ne seront que brièvement abordés, voire ignorés. Cela ne signifie pas que ces autres aspects ne soient pas importants. Pour des raisons pratiques, nous avons restreint nos propos à des domaines qui ne sont pas bien connus du grand public ou pour lesquels nous présentons du neuf. Par exemple, bien que les mouvements écologistes soient bien implantés, nous avons peu écrit à propos de la dégradation de l’environnement et de la destruction de la biosphère, même si nous considérons cela comme de la plus haute importance.

PSYCHOLOGIE DE LA GAUCHE MODERNE

6. (en) Pratiquement tout le monde s’accorde à reconnaître que nous vivons dans un monde chaotique. Une des manifestations les plus répandues de la folie de notre monde en est le « gauchisme » [leftism] ; une discussion sur le « gauchisme » peut servir d’introduction à une discussion des problèmes de la société moderne en général.

7. (en) Mais qu’est ce que le « gauchisme » ? Durant la première moitié du 20e siècle, le « gauchisme » pouvait grosso modo être identifié au socialisme. Aujourd’hui le mouvement est plus diffus, et il est plus difficile de discerner ce qu’est un « gauchiste ». Quand nous parlons de « gauchistes » dans ce texte, nous pensons principalement aux socialistes, collectivistes, adeptes du « politiquement correct », féministes, homosexuels, défenseurs des droits des animaux et ainsi de suite. Mais tous ceux qui sont affiliés à ces mouvements ne sont pas nécessairement des « gauchistes ». Nous allons essayer de montrer que le « gauchisme » n’est pas tant un mouvement ou une idéologie que la manifestation d’un type psychologique, ou plutôt de différents types. Ainsi, ce que nous appelons « gauchisme » apparaîtra plus clairement au cours de notre exposé sur la psychologie « gauchiste » (voir aussi paragraphes 227-230).

8. (en) Même ainsi, notre conception du « gauchisme » apparaîtra bien moins claire que nous ne l’aurions souhaité, mais il ne semble pas qu’il puisse en être autrement. Tout ce que nous allons tenter de faire sera d’exposer en gros et approximativement les deux tendances psychologiques que nous croyons être les lignes de force principales du « gauchisme » moderne. Nous n’avons pas la prétention d’expliquer tout ce qui fait la psychologie « gauchiste ». Ainsi nous nous limiterons seulement au « gauchisme » moderne. Nous laisserons de côté ce qui pourrait s’appliquer aux « gauchistes » du 19e et du début du 20e siècle.

9. (en) Les deux tendances psychologiques qui sous tendent le « gauchisme » moderne sont le « sentiment d’infériorité » et la « sur-socialisation ». Le « sentiment d’infériorité » s’applique au « gauchisme » moderne dans son ensemble, tandis que la « sur-socialisation » se s’applique qu’à une partie du « gauchisme » moderne, mais cette partie est la plus influente.

LE SENTIMENT D’INFÉRIORITÉ

10. (en) Par « sentiment d’infériorité » nous ne pensons pas seulement au sentiment d’infériorité dans le sens strict du terme, mais à tout un faisceau de traits apparentés : faible estime de soi, sentiment de faiblesse, tendances dépressives, défaitisme, culpabilité, haine de soi, etc. Nous prétendons que les « gauchistes » modernes sont habités par ces sentiments (plus ou moins marqués) et que ces sentiments sont fondamentaux pour la détermination du « gauchisme » moderne.

11. (en) Quand quelqu’un prend comme une offense personnelle pratiquement tout ce qui peut être dit à propos de lui (ou des groupes auxquels il s’identifie), nous en concluons qu’il souffre d’un sentiment d’infériorité ou d’une faible estime de soi. Cette tendance est prononcée chez les défenseurs des droits des minorités, qu’ils appartiennent ou non aux dites minorités. Ils sont hypersensibles quant aux mots utilisés pour désigner ces minorités. Les termes « noir », « jaune », « handicapé » ou « nana » pour un africain, un asiatique, une personne souffrant de troubles invalidants, ou une femme n’ont pas à l’origine une connotation péjorative. « Gonzesse » et « nana » sont simplement les équivalents féminins de « mec », « type » ou « gars ». Les connotations péjoratives ont été attachées à ces termes par les activistes eux-mêmes. Certains défenseurs des animaux vont jusqu’à rejeter le vocable de pet [animal de compagnie ; pas d’équivalent français] pour celui d’« animal de compagnie ». Les anthropologues « gauchistes » font de grands efforts pour essayer de dissimuler ce qui pourrait être interprété comme négatif chez les peuplades primitives. Ils voudraient remplacer le terme « primitif » par « nonliterate » [qui ne sont pas parvenus au stade de l’écriture]. On arrive à une attitude paranoïaque envers tout ce qui pourrait suggérer qu’une culture primitive puisse être inférieure à la notre (nous ne voulons pas dire que les cultures primitives SONT inférieures à la notre ; nous voulons simplement montrer l’hypersensibilité des anthropologues « gauchistes »).

12. (en) Ceux qui sont le plus sensible au « politiquement correct » ne sont pas des habitants des ghettos noirs, ni des immigrants asiatiques, des femmes battues ou des handicapés, mais une minorité d’activistes, la plupart d’entre eux ne venant d’aucun des groupes « opprimés », mais bien plutôt des couches privilégiées de la société. La forteresse du « politiquement correct » abrite essentiellement des professeurs d’université, qui ont la sécurité de l’emploi avec de confortables salaires, et la majorité d’entre eux sont des blancs hétérosexuels de la classe moyenne.

13. (en) Beaucoup de « gauchistes » s’identifient avec les groupes qui ont une image d’êtres faibles (femmes), de vaincus (Amérindiens), de victimes d’ostracisme (homosexuels) ou de toute forme d’infériorité en général. Les « gauchistes » ont eux-mêmes le sentiment que ces groupes sont inférieurs. Ils ne se l’admettront jamais, mais c’est précisément parce qu’ils ressentent ces groupes comme inférieurs qu’ils s’identifient à leurs problèmes (nous ne voulons pas dire que les femmes, les indiens, etc., SONT inférieurs ; nous élucidons la psychologie « gauchiste » quant à ce point).

14. (en) Les féministes sont obsédées par l’idée de prouver que les femmes sont aussi fortes et aussi capables que les hommes. Il est évident qu’elles sont angoissées par le fait qu’une femme puisse ne PAS être aussi forte et aussi capable qu’un homme.

15. (en) Les « gauchistes » ont tendance à haïr tous ceux qui donnent une image de personnes fortes, bonnes et qui réussissent. Ils haïssent les USA, la civilisation occidentale, ils haïssent les hommes blancs, ils haïssent le rationalisme. Les raisons qu’invoquent les « gauchistes » pour haïr l’Occident, etc., ne correspondent évidemment pas avec leur motivations réelles. Ils DISENT qu’ils haïssent l’Occident car il est belligène, impérialiste, sexiste, ethnocentrique, et ainsi de suite, mais lorsque ces même tares apparaissent dans les pays socialistes ou dans les cultures primitives, les « gauchistes » leur trouvent des excuses, ou au mieux admettent A CONTRE CŒUR qu’elles existent ; alors qu’ils soulignent AVEC ENTHOUSIASME ces mêmes tares dans la civilisation occidentale. Ainsi, il est clair que ces tares ne sont pas le motif réel des « gauchistes » pour haïr les USA et l’Occident. Ils haïssent les USA et l’Occident parce qu’ils sont forts et puissants.

16. (en) Des termes tels que « confiance en soi », « initiative », « entreprise », « optimisme », etc., jouent peu de rôle dans le vocabulaire libéral [progressiste] et « gauchiste ». Le « gauchiste » est anti-individualiste, pro-collectiviste. Il veut que la société règle les problèmes de tout un chacun et prenne soin de lui. Il n’a a pas l’esprit d’une personne ayant une profonde confiance en elle-même, dans sa capacité à résoudre ses problèmes et à satisfaire ses besoins. Le « gauchiste » est opposé au concept de compétition car au fond de lui, il a une mentalité de perdant.

17. (en) Les formes d’art qui séduisent les intellectuels « gauchistes » modernes se polarisent sur le sordide, l’échec et le désespoir, ou bien se complaisent dans un mode orgiaque, rejetant le rationalisme comme s’il n’y avait aucun espoir d’accomplir quelque chose grâce à la pensée rationnelle, et que tout ce qui restait était de se plonger dans les sensations du moment.

18. (en) Les philosophes « gauchistes » modernes ont tendance à repousser raison, science, réalité objective et à préférer le relativisme culturel. Il est vrai que l’on peut se poser de sérieuses questions sur les fondements du savoir scientifique, et comment, finalement, le concept de réalité objective peut être défini. Mais il est évident que les philosophes « gauchistes » modernes ne sont pas simplement de froids logiciens analysant systématiquement les fondements du savoir. Ils sont profondément impliqués au niveau émotionnel dans leurs attaques contre la vérité et la réalité. Ils attaquent ces concepts en fonction de leurs besoins psychologiques. D’une part leur attaque canalise leur hostilité, et, pour autant qu’elle soit accomplie avec succès, elle satisfait le besoin de pouvoir. Plus important, les « gauchistes » haïssent les sciences et le rationalisme car ces derniers classifient certaines attitudes mentales comme bonnes (c.-à-d. : le succès, la supériorité) et d’autres comme mauvaises (c.-à-d. : l’échec, l’infériorité). Le sentiment d’infériorité du « gauchiste » est tel qu’il ne peut supporter cette classification entre supérieur et inférieur. Ceci sous-tend le rejet de nombreux « gauchistes » du concept de maladie mentale et de l’utilité des tests QI. Les « gauchistes » sont opposés aux thèses génétiques sur les capacités et comportements humains du fait que ces théories font apparaître certaines personnes comme supérieures et d’autres comme inférieures. Les « gauchistes » préfèrent laisser la responsabilité à la société de la capacité ou de l’incapacité d’un individu. Ainsi, si une personne est « inférieure », ce n’est pas de sa faute, mais celle de la société qui ne lui a pas permis de se réaliser.

19. (en) Typiquement, le « gauchiste » n’est pas le genre de personne dont le sentiment d’infériorité fera de lui un vantard, un égotiste, une brute, un mégalomane ou un compétiteur impitoyable. Ce genre de personnes n’ont pas tout à fait perdu confiance en elles-mêmes. Elles estiment mal leur propre valeur et leur pouvoir, mais ont encore la capacité de se concevoir comme fortes, et leurs efforts pour arriver à ce résultat explique leur comportement déplaisant. [1] Mais le « gauchiste » est bien au-delà de tout cela. Son sentiment d’infériorité est tel qu’il lui est impossible de s’imaginer comme quelqu’un de fort et de valable. Ce qui explique le collectivisme du « gauchiste ». Il ne peut se sentir fort que comme membre d’une grande organisation ou d’un mouvement de masse avec lequel il puisse s’identifier.

20. (en) Remarquons les tendances masochistes des tactiques « gauchistes ». Les « gauchistes » protestent en s’allongeant devant des véhicules, ils provoquent intentionnellement la police ou les racistes pour qu’ils les agressent, etc. Ces tactiques peuvent parfois obtenir des résultats, mais beaucoup de « gauchistes » ne les utilisent pas comme des moyens correspondant à une fin, mais parce qu’ils PRÉFÈRENT les tactiques masochistes. La haine de soi est une caractéristique « gauchiste ».

21. (en) Les « gauchistes » peuvent bien clamer que leur activisme est motivé par la compassion ou un principe moral (et le principe moral ne joue aucun rôle pour les « gauchistes » du type « sur-socialisés »). Mais la compassion et la morale ne peuvent être les motivations principales de l’activisme « gauchiste ». L’hostilité est une composante bien trop importante de la mentalité « gauchiste » ; c’est en fait elle qui mène la barque. De surcroît, le comportement de beaucoup de « gauchistes » n’est pas rationnel quand il s’agit d’agir de façon bénéfique envers les personnes auxquelles ils disent venir en aide. Par exemple, si l’on estime que l’affirmative action [discrimination positive, ndlé] est bonne pour les noirs, est-ce que cela a un sens de la faire dans des termes hostiles ou dogmatiques ? Il est évident qu’il serait plus rentable d’avoir une approche plus diplomatique et plus conciliatrice, en faisant au moins des concessions verbales ou symboliques aux blancs qui pensent que l’affirmative action [discrimination positive, ndlé] est discriminatoire pour eux. Mais les « gauchistes » n’ont pas ce genre d’approche car elle ne satisferait pas leurs penchants psychologiques. L’aide aux noirs n’est pas leur véritable but. En fait, le problème racial est une excuse pour exprimer leur propre hostilité et leur besoin frustré de pouvoir. Ce faisant, ils vont à l’encontre des aspirations des noirs, car leur attitude hostile envers la majorité blanche a tendance à intensifier la haine raciale.

22. (en) Si notre société n’avait pas le moindre problème, les « gauchistes » INVENTERAIENT des problèmes pour justifier leur agitation.

23. (en) Il est évident que ce qui précède ne prétend pas être une description précise de quiconque peut-être considéré comme un « gauchiste ». Il ne s’agit que d’une indication générale des tendances du « gauchisme ».

LA SUR-SOCIALISATION

24. (en) Les psychologues utilisent le terme de « socialisation » pour désigner le processus par lequel les enfants apprennent à agir et à penser en fonction des demandes de la société. Une personne est dite bien socialisée si elle croit et obéit au code moral de cette société et s’y insère. Cela semble ne pas tomber sous le sens de dire que beaucoup de « gauchistes » sont sur-socialisés du fait qu’ils sont perçus comme des rebelles. En fait cette proposition est tout à fait défendable. De nombreux « gauchistes » ne sont pas les rebelles qu’ils semblent être.

25. (en) Le code moral de notre société est tellement astreignant que personne ne peut penser, sentir et agir de manière totalement morale. Par exemple, nous sommes censés ne haïr personne, bien que tout le monde ait haï quelqu’un à un moment ou à un autre, que ce fait soit admit ou non. Certaines personnes sont tellement socialisées que le devoir de penser, sentir et agir de manière morale leur impose un pénible fardeau. Pour éviter des sentiments de culpabilité, elles doivent sans cesse se leurrer quant à leurs motivations et trouver des explications morales pour des sentiments et actions qui, en réalité, n’ont pas d’origine morale. Nous utilisons le terme de « sur-socialisés » pour désigner de pareilles personnes. [2]

26. (en) La sur-socialisation conduit à une piètre estime de soi, un sentiment de faiblesse, de défaitisme, de culpabilité, etc. Un des moyens les plus importants par lequel notre société socialise les enfants est de leur faire honte lorsque leurs comportements ou discours est contraire à ce que cette société attend d’eux. S’il y a exagération dans ce sens, ou si un enfant est particulièrement réceptif à ce genre de sentiments, il finit par être honteux de LUI-MÊME. La pensée et le comportement d’une personne sur-socialisée sont bien plus aliénées que celles d’une autre modérément socialisée. La majorité des gens possèdent de larges franges de comportements antisociaux. Ils mentent, commettent de menus larcins, enfreignent le code de la route, tirent au flanc, haïssent, cancanent, ou utilisent des moyens déloyaux pour arriver à leurs fins. Une personne sur-socialisée ne peut pas faire ce genre de choses, ou si elle le fait, cela provoque un sentiment de honte et de haine de soi. La personne sur-socialisée ne peut même pas avoir une expérience, sans culpabilité, de pensées ou sentiments qui soient contraires à la morale en place ; elle ne peut avoir de « mauvaises » pensées. Et la socialisation n’est pas juste une question de morale ; nous sommes socialisés pour nous adapter à de nombreuses normes qui n’ont rien à voir avec la morale proprement dite. Ainsi, la personne sur-socialisée est maintenue en laisse et sa vie avance sur les rails que la société a construit pour elle. Pour beaucoup de personnes sur-socialisées, cela se traduit par un sentiment de contrainte et de faiblesse qui peut être un terrible handicap. Nous affirmons que la sur-socialisation est parmi les pires choses qu’un être humain peut infliger à un autre.

27. (en) Nous pensons qu’une très grande et très influente partie de la gauche moderne est sur-socialisée et que cette sur-socialisation est d’une grande importance dans la constitution du « gauchisme » moderne. Les « gauchistes » sur-socialisés sont en général des intellectuels ou des membres de la classe moyenne supérieure. Notons que les universitaires [3] constituent la portion la plus sur-socialisée de notre société, ainsi que la plus à gauche.

28. (en) Le « gauchiste » sur-socialisé essaie de se débarrasser de sa laisse mentale et affirme son autonomie en se rebellant. Mais il n’est pas généralement assez fort pour se rebeller contre les plus élémentaires valeurs de la société. En fait, les buts des « gauchistes » actuels n’entrent PAS en conflit avec la morale courante. Au contraire, la gauche s’approprie un principe moral reconnu, l’adopte comme étant le sien, puis accuse le gros de la société de violer le dit principe. Par exemple : égalité des races, des sexes, aide aux pauvres, pacifisme, non-violence en général, liberté d’expression, bonté envers les animaux. Plus fondamentalement, les devoirs des individus envers la société, et ceux de la société vis à vis des individus. Toutes ces valeurs sont profondément enracinées dans notre société (ou au moins dans les couches sociales supérieures [4] ) depuis longtemps. Ces valeurs sont explicitement ou implicitement formulées par les mass-média ou le système éducatif. Les « gauchistes », surtout sur-socialisés, ne se rebellent pas contre ces valeurs mais justifient leur hostilité à la société en prétendant (avec une certaine raison) que la dite société vit en contradiction avec ces valeurs.

29. (en) Voici une illustration qui montre combien les « gauchistes » sur-socialisés sont attachés aux attitudes conventionnelles de notre société tout en prétendant se rebeller contre elle. Beaucoup de « gauchistes » se remue pour l’affirmative action, pour promouvoir les noirs à des métiers gratifiants, pour améliorer le niveau dans les écoles noires, ainsi qu’une augmentation du budget pour ces écoles ; pour eux la « sous-vie » des noirs est une tare sociale. Ils veulent intégrer les noirs dans le système, en faire des hommes d’affaire, des juristes, des scientifiques, comme c’est le cas des blancs des classes aisées. Les « gauchistes » répondront que la dernière chose qu’ils veulent est de faire d’un noir une copie d’un blanc ; En fait, ils veulent préserver la culture afro-américaine. Mais en quoi consiste cette préservation ? Cela se résume à manger de la cuisine noire, écouter de la musique noire, se vêtir de vêtements pour noirs, et aller dans des églises noires ou dans des mosquées. Sur le fond, il ne s’agit que de quelque chose de totalement superficiel. Sur L’ESSENTIEL, les « gauchistes » sur-socialisés veulent rendre le noir conforme aux idéaux blancs de la classe moyenne. Ils veulent que ce dernier étudie des matières scientifiques, devienne un cadre ou un scientifique, passe sa vie à grimper les échelons pour prouver que les noirs valent les blancs. Ils veulent que les pères noirs soient « responsables », que les gangs deviennent non-violents, etc. Mais ce sont exactement les valeurs du système techno-industriel. Le système se moque de savoir ce que vous écoutez comme musique, ce avec quoi vous vous habillez, la religion en laquelle vous croyez, tant que vous étudiez à l’école, dégottiez un travail respectable, soyez un parent « responsable », un individu non-violent, et ainsi de suite. En effet, quoi que puissent être ses dénégations, le « gauchiste » sur-socialisé veut intégrer le noir dans le système et lui en faire adopter les valeurs.

30. (en) Nous ne prétendrons certainement pas que les « gauchistes », même « sur-socialisés », ne se rebellent JAMAIS contre les valeurs fondamentales de notre société. Bien sur, il arrive qu’ils le fassent. Certains gauchistes sur-socialisés sont allés si loin dans la rébellion contre notre société moderne qu’ils se sont engagés dans l’action violente. Selon leurs propres dires, la violence est pour eux une forme de « libération ». En d’autres termes, en devenant violents, ils brisent les contraintes morales qu’ils ont en eux. Du fait de leur sur-socialisation, ces contraintes sont plus enfouies chez eux ; d’où le besoin impérieux de s’en défaire. Mais ils justifient ordinairement leur rébellion au nom de valeurs reconnues. S’ils s’engagent dans l’action violente, ils affirmeront qu’ils combattent le racisme ou quelque chose du même acabit.

31. (en) Nous sommes conscients que de nombreuses objections peuvent être émises contre l’exposé rapide qui précède concernant la psychologie « gauchiste ». La situation réelle est complexe, et une description exhaustive prendrait plusieurs volumes quant bien même toute la documentation serait disponible. Nous affirmons simplement avoir donné des pistes concernant les deux principales tendances de la psychologie du « gauchisme » moderne.

32. (en) Les problèmes du « gauchisme » sont ceux de notre société dans son ensemble. Faible estime de soi, tendances dépressives et défaitisme ne sont pas l’apanage de la gauche. Bien qu’ils soient particulièrement prononcés dans les rangs de la gauche, ils sont omniprésent dans notre société. Et la société actuelle essaie de nous socialiser à un degré jamais atteint par les sociétés précédentes. Nous sommes même conseillés par des experts pour manger, pour nous maintenir en forme, pour faire l’amour, pour élever nos enfants et ainsi de suite.

LE PROCESSUS DE POUVOIR

33. (en) Les êtres humains ont un besoin (probablement d’ordre biologique) pour quelque chose que nous appellerons le « processus de pouvoir ». Il est apparenté au besoin de pouvoir (qui est bien connu) mais qui n’est pas exactement la même chose. le processus de pouvoir comprend 4 éléments. Parmi les 3 les plus facilement identifiables, nous citerons le but, l’effort et la réalisation du but (tout le monde a besoin de buts dont la réalisation demande des efforts et a besoin de réaliser au moins quelques uns de ces buts). Le quatrième élément est plus difficile à définir et n’est pas nécessaire à tout le monde. Nous appellerons l’autonomie et nous en discuterons plus loin (paragraphes 42-44).

34. (en) Prenons comme hypothèse le cas d’un homme qui obtiendrait tout ce qu’il veut simplement en le désirant. Cet homme a du pouvoir, mais il va aussi avoir de sérieux problèmes psychologiques. Au début, cela l’amusera beaucoup, mais au fur et à mesure, il finira par s’ennuyer et par être démoralisé. Eventuellement, il peut devenir dépressif, au sens clinique du terme. L’histoire nous montre que les aristocraties sybarites ont fini par devenir décadentes. Ce n’est pas vrai pour les aristocraties combatives qui avaient à se battre pour conserver leur pouvoir. Mais les aristocraties indolentes et bien installées qui n’avaient pas besoin de défendre leurs prérogatives sont souvent devenues blasées, hédonistes, et démoralisées, quant bien même elles détenaient le pouvoir. Ceci montre que le pouvoir n’est pas tout. On doit avoir des buts permettant d’exercer ce pouvoir.

35. (en) Tout le monde a des buts ; au moins acquérir le minimum vital : nourriture, eau, de quoi se vêtir et s’abriter. Mais l’aristocratie désœuvrée obtient tout cela sans effort. D’où son ennui et sa démoralisation.

36. (en) L’échec à réaliser des buts importants amène à la mort s’ils concernent des besoins vitaux, et à la frustration s’ils ne mettent pas en danger la vie du sujet. Des échecs graves pour parvenir aux buts d’une vie conduisent au défaitisme, à la faible estime de soi, et à la dépression.

37. (en) Ainsi, pour éviter de graves problèmes psychologiques, un être humain a besoin de buts qui nécessitent un effort, et il doit avoir une chance raisonnable d’aboutir à ses fins.

LES ACTIVITÉS COMPENSATRICES

38. (en) Mais toutes les aristocraties désœuvrées ne succombent pas à l’ennui et à la démoralisation. Par exemple, l’empereur Hirohito, au lieu de sombrer dans un hédonisme décadent, s’occupa de biologie marine, domaine dans lequel il devint un expert. Quand les gens n’ont pas à se débrouiller pour satisfaire leurs besoins primaires, ils se créent des buts artificiels. Dans la majorité des cas, ils poursuivent ces buts avec la même énergie et le même enthousiasme que s’il s’agissait d’assouvir un besoin naturel. Ainsi, les aristocrates de l’empire romain avaient des prétentions littéraires ; de nombreux nobles européens d’ il y a quelques siècles dépensaient un temps et une énergie folle à la chasse, bien qu’ils n’aient eu nul besoin de la viande ; d’autres sont entrés en compétition pour leur rang par un étalage de richesses ; et quelques uns, comme Hirohito, se sont tournés vers la science.

39. (en) Nous avons utilisé le terme de « activités compensatrices » pour désigner une activité dirigée vers un but artificiel qu’une personne s’est inventé pour simplement avoir quelque chose vers lequel tendre et œuvrer, ou selon ses dires pour la satisfaction personnelle qu’elle tire de cette activité. Ceci est une règle d’or pour identifier une activité compensatrice. En présence d’une personne qui passe le plus clair de son temps à la poursuite d’un but X, demandez-vous : si elle employait tout son temps et son énergie à satisfaire des besoins vitaux, et si cet effort nécessitait de sa part l’emploi de toutes ses facultés intellectuelles ou physiques de manière variée et intéressante, serait-elle vraiment frustrée de ne pouvoir atteindre le but X ? Si la réponse est non, alors cette personne s’adonne à une activité compensatrice. Les études de Hirohito sur la biologie marine constituent clairement une activité compensatrice, puisqu’il est presque certain que s’il avait eu à occuper son temps à d’intéressantes activités non-scientifiques pour assurer sa subsistance, il n’aurait pas été frustré de ne pas tout connaître de l’anatomie et de la vie des animaux marins. D’un autre côté, la recherche d’amour ou de sexe (par exemple) n’est pas une activité compensatrice, car la majorité des gens, même si leur existence est par ailleurs satisfaisante, seraient extrêmement frustrés s’il n’avaient de leur vie aucune relation avec un membre du sexe opposé (toutefois, une frénésie de sexe peut-être considérée comme une activité compensatrice).

40. (en) Dans la société industrielle moderne, un effort minimal est nécessaire pour subvenir aux besoins vitaux. Il suffit de suivre un programme approprié pour acquérir une minable compétence technique, puis d’aller travailler et de déployer un effort des plus modestes pour conserver le job. Les seules qualités requises sont une intelligence raisonnable, et surtout de OBÉISSANCE. Si vous possédez tout cela, la société prendra soin de vous du berceau jusqu’à la tombe (bien entendu, il y a une « sous-classe » sociale qui ne peut tenir la satisfaction des besoins primordiaux comme acquise, mais nous parlons ici de la majorité de la société). Ainsi il n’est pas surprenant que la société moderne soit pleine d’activités compensatrices. Par exemple : les travaux scientifiques, le sport, les activités humanitaires, la création artistique, grimper les échelons de votre entreprise, acquérir de l’argent et des biens matériels bien au-delà du point où cela vous apporte une réelle satisfaction, et l’activisme social quand l’activiste s’occupe de choses qui ne le concernent pas personnellement, comme les activistes blancs préoccupés par les droits des minorités. Il n’y a pas toujours d’activités purement compensatrices, car de nombreuses personnes sont motivés en partie pour des raisons autres que simplement avoir un but à atteindre. Le travail scientifique peut être motivé par un besoin de prestige, la création artistique pour exprimer ses sentiments, le militantisme social par hostilité. Néanmoins, en général, ces activités sont essentiellement compensatrices. Par exemple, la majorité des scientifique admettra probablement que la satisfaction qu’ils retirent de leur travail est plus importante que l’argent ou le prestige.

41. (en) Pour beaucoup, si ce n’est la majorité des gens, les activités compensatrices sont moins satisfaisantes que la poursuite de buts réels (ce sont des buts que des gens voudrait atteindre même si leur besoin de processus de pouvoir était déjà satisfait). Un bon indicateur de cette tendance en est, que dans la quasi-totalité des cas, les gens qui s’adonnent avec acharnement à des activités compensatrices ne sont jamais satisfaits, jamais totalement. Ainsi, le boursicoteur recherche toujours plus et plus d’argent. Le scientifique, à peine un problème résolu, se jette aussitôt sur le suivant. Le coureur de fond s’oblige à courir toujours plus longtemps et plus vite. Beaucoup de gens accaparés par leurs activités compensatrices prétendront qu’il s’épanouissent bien plus avec ces activités qu’avec la triviale nécessité de subvenir à leurs besoins naturels, mais c’est uniquement parce que dans notre société, cette nécessité à été réduite à sa plus simple expression. Plus grave, dans notre société, les gens ne satisfont pas leurs besoins vitaux de façon AUTONOME, mais en se comportant comme des rouages d’une énorme machine sociale. Par contre, les gens ont un grand besoin d’autonomie pour accomplir leurs activités compensatrices.

L’AUTONOMIE

42. (en) l’autonomie comme partie du processus de pouvoir peut ne pas être nécessaire à tous les individus. Mais la plupart des gens ont besoin d’un degré plus ou moins grand d’autonomie pour parvenir à leur fins. Leurs efforts doivent être entrepris de leur propre initiative et conduit sous leur direction et leur contrôle. Déjà, la majorité des gens ne s’occupent pas seuls de cette initiative, de ce contrôle et de cette direction. Il suffit d’ordinaire d’agir comme membre d’un PETIT groupe. Ainsi, si une demi-douzaine de personnes discutent d’un but entre eux et font un effort commun pour l’obtenir, leur besoin de processus de pouvoir sera satisfait. Mais s’ils travaillent sous la tutelle d’un encadrement rigide s’exerçant de haut en bas et ne laissant aucune place à la décision autonome et à l’initiative, alors leur besoin ne sera pas satisfait. Il en est de même quand les décisions sont prises quand le groupe est si gros que le rôle de chaque individu est insignifiant. [5]

43. (en) Il est vrai que certains individus ne semblent avoir qu’un faible besoin d’autonomie. Soit leur besoin de pouvoir est faible, soit ils se satisfont en s’identifiant à la puissante organisation à laquelle ils appartiennent. Et, de ce fait, ils sont décervelés, comme des animaux qui se satisfont d’un sentiment de pouvoir purement physique (le bon soldat content de développer des techniques de combat dans le but d’une obéissance aveugle à ses supérieurs).

44. (en) Mais pour beaucoup de gens, c’est par le biais du processus de pouvoir — avoir un but, faire un effort AUTONOME et atteindre ce but — que l’estime de soi, la confiance en soi, et un sentiment de pouvoir sont acquis. Quand quelqu’un n’a pas l’occasion de se colleter avec le processus de pouvoir, les conséquences sont (en fonction de l’individu et de la façon dont se disloque le processus de pouvoir) l’ennui, la démoralisation, une faible estime de soi, des sentiments d’infériorité, du défaitisme, de la dépression, de l’anxiété, de la culpabilité, de la frustration, de l’hostilité, des mauvais traitements à la femme ou aux enfants, un hédonisme exagéré, un comportement sexuel anormal, des troubles du sommeil ou de l’appétit, etc. [6]

LES SOURCES DES PROBLÈMES SOCIAUX

45. (en) Tous les problèmes précédemment exposés se retrouvent dans toutes les sociétés, mais dans la société industrielle, ils sont prééminents. Nous ne sommes pas les premiers à dire que le monde moderne semble devenir fou. Ceci n’est pas normal pour une société humaine. Il y a de bonnes raison de croire que l’homme primitif souffrait moins du stress et de la frustration et était plus heureux de sa vie que son équivalent moderne. Il est vrai que tout n’était pas rose dans les sociétés primitives. Le mépris des femmes est courant chez les aborigènes d’Australie, la transexualité était assez répandue chez certaines tribus indiennes d’Amérique. Mais EN GROS, on peut dire que les problèmes dont nous avons précédemment parlés étaient moins présents dans les sociétés primitives qu’ils ne le sont dans le monde moderne.

46. (en) Nous considérons que les problèmes psychologiques et sociaux de notre société sont dus au fait que notre société demande aux gens de vivre dans des conditions totalement différentes de celles dans lesquelles la race humaine s’est développée et de se conduire de façon opposée à celle qui fut celle dans le passé. En fonction de ce que nous avons dit auparavant, il est clair que nous considérons que l’impossibilité d’exercer le processus de pouvoir est la plus importante de ces conditions de vie anormales que la société moderne impose à ses sujets. Mais ce n’est pas la seule. Avant de parler de la déliquescence du processus de pouvoir comme source de problèmes sociaux, nous discuterons des autres sources.

47. (en) Parmi les conditions de vie anormales dans la société industrielle, nous pouvons citer la densité excessive de la population, la coupure de l’homme avec la nature, la trop grande rapidité des changements de vie, et l’effondrement des petites communautés organiques comme la famille étendue, le village ou la tribu.

48. (en) Il est bien connu que la surpopulation va de pair avec l’augmentation du stress et de l’agressivité. Le degré d’entassement qui existe actuellement et la coupure de l’homme avec la nature sont des conséquences du progrès technologique. Toutes les sociétés pré-industrielles étaient majoritairement rurales. La révolution industrielle a terriblement accru la taille des villes ainsi que de la population qui y vit, et les techniques de l’agriculture moderne ont rendu possibles à la planète de supporter une densité de population jamais vue auparavant (De surcroît, la technologie décuple les effets de l’entassement car elle met entre les mains des gens d’importants moyens de nuisance. Par exemple, une grande variété d’objets bruyants : tondeuses motorisées, radios, motos, etc. Si l’utilisation de ces engins n’est pas réglementée, ceux qui veulent vivre dans le calme sont agressés par le bruit. S’il elle est réglementée, les utilisateurs de ces engins se sentent lésés…Mais si ces machines n’avaient jamais été inventées, il n’y aurait aucun problème…).

49. (en) Pour les sociétés primitives, la nature (qui n’évolue que très lentement) fournissait un cadre stable et par conséquent un sentiment de sécurité. Dans le monde moderne, c’est l’homme qui domine la nature plutôt que l’inverse, et la société moderne évolue très rapidement pour suivre le progrès technique. Il n’y a plus de cadre stable.

50. (en) Les conservateurs sont idiots : Ils se plaignent du déclin des valeurs traditionnelles, alors qu’ils s’enthousiasment pour le progrès technologique et la croissance économique. De toute évidence, il ne leur apparaît pas qu’on ne peut avoir des changements rapides, drastiques dans la technologie et l’économie d’une société sans causer parallèlement des évolutions tout aussi rapides dans tous les autres secteurs de cette société ; et ces évolutions, inévitablement, mettent à bas les valeurs traditionnelles.

51. (en) L’effondrement des valeurs traditionnelles implique celle des liens organiques des petites structures sociales. La désintégration des petites structures sociales est aussi favorisée par la tendance moderne à imposer la mobilité géographique aux individus , les séparant ainsi de leurs communautés. Pire, une société technologique SE DOIT d’affaiblir les liens familiaux et les petites communautés si elle fonctionne correctement. Dans la société moderne, la loyauté d’un individu doit d’abord aller au système et ensuite, seulement, à une petite communauté, car si la loyauté au groupe restreint était plus forte que celle au système, de tels groupes prendraient l’avantage sur le système.

52. (en) Supposons qu’un homme politique ou un cadre d’une entreprise engage un cousin, un ami ou un coreligionnaire à la place d’une autre personne plus qualifié pour ce travail. Il a permis à sa loyauté personnelle de prendre le pas sur la loyauté envers le système ; et le « népotisme » et la « discrimination » sont deux péchés capitaux dans la société moderne. Les pays en voie de développement qui n’ont pas bien réussi à subordonner la loyauté individuelle à celle envers le système sont en général assez mal partis (voir l’Amérique Latine). Ainsi, une société industrielle avancée ne peut tolérer en son sein que des groupes émasculés, brisés, et réduits à l’état de rouages. [7]

53. (en) L’entassement, la rapidité des changements, la destruction des communautés ont été massivement reconnus comme sources de problèmes sociaux, mais nous ne croyons pas qu’ils soient à eux seuls responsables de l’étendue des dégâts qu’on peut constater actuellement.

54. (en) Certaines villes pré-industrielles étaient très grandes et très peuplées, mais leurs habitants ne semblent pas avoir souffert d’aussi graves problèmes psychologiques que nos contemporains. Aux USA actuellement, il existe encore des zones rurales peu peuplées, et nous y trouvons les mêmes problèmes que dans les zones urbaines, bien qu’ils soient moins graves en zone rurale. L’entassement ne semble donc pas être un facteur déterminant.

55. (en) Lors de la ruée vers l’ouest durant le 19e siècle, la mobilité de la population détruisit probablement les familles étendues et les groupes restreints au moins sur une même échelle qu’actuellement. En fait, beaucoup de familles nucléaires vivaient par choix dans l’isolement, n’ayant aucun voisin à des kilomètres à la ronde, et n’appartenant de ce fait à aucune communauté. Pourtant il ne semble pas que les problèmes que nous connaissons se soient développés.

56. (en) Plus encore, les changements sur la frontier américaine furent très rapides et très profonds. Un homme pouvait être né et avoir grandi dans une cabane en bois, à l’écart de la loi et de l’ordre, se nourrissant principalement sur le terrain, et arrivé à un certain âge, il pouvait avoir travaillé et vécu dans une communauté régie par des règles bien plus strictes. Ceci constitue un changement bien plus profond que celui qui affecte un individu moderne, bien qu’à l’époque il ne semble pas avoir eu de conséquences psychologiques. En fait, au 19e siècle, la société américaine était optimiste et sûre d’elle-même, ce qui n’est plus le cas aujourd’hui. [8]

57. (en) Nous pensons que la différence réside dans le fait que l’homme moderne a le sentiment (largement justifié) que le changement lui est IMPOSE, alors qu’au 19e siècle, l’homme de la frontier avait le sentiment (largement justifié aussi) qu’il était l’artisan de ce changement, de sa propre initiative. Ainsi un pionnier s’installait sur un bout de terrain qu’il avait lui-même choisi et y construisait une ferme par ses propres efforts. A l’époque un comté dans son ensemble ne comptait que quelques centaines d’habitants et constituait une entité bien plus isolée et plus autonome qu’un comté de nos jours. Ce qui fait que le pionnier participait en tant que membre d’un petit groupe à la création d’une nouvelle communauté. On peut se demander si cette création était un plus, mais de toute façon cela satisfaisait le besoin du pionnier dans son processus de pouvoir.

58. (en) On pourrait donner d’autres exemples de sociétés dans lesquelles eurent lieu de rapides changements et/ou des pertes des liens au sein de petites communautés sans qu’il y ait eu les aberrations comportementales que l’on peut observer dans la société actuelle. Nous soutenons que la plus importante source des problèmes psychologiques et sociaux actuels est l’impossibilité pour les gens de gérer leur processus de pouvoir de manière satisfaisante. Nous ne voulons pas dire que la société actuelle est la seule où le processus de pouvoir a été contrarié. Probablement la plupart, si ce n’est toutes, les civilisations ont contrarié le processus de pouvoir à plus ou moins grande échelle. Mais dans la société industrielle le problème est devenu particulièrement grave. Le « gauchisme », au moins dans sa forme récente (depuis la moitié du 20e siècle), est en partie un symptôme de l’absence de respect pour le processus de pouvoir.

EFFONDREMENT DU PROCESSUS DE POUVOIR DANS LA SOCIÉTÉ MODERNE

59. (en) Nous divisons les désirs humains en trois groupes : (1) ceux qui peuvent être satisfaits avec un minimum d’effort ; (2) ceux qui ne peuvent être satisfaits qu’au prix d’un sérieux effort ; (3) ceux qui ne peuvent être satisfaits quels que soient les efforts accomplis. Le processus de pouvoir permet de satisfaire les désirs du second groupe. Plus il y a de désirs du 3ème groupe, plus cela génère frustration, colère, éventuellement défaitisme, dépression, etc.

60. (en) Dans la société industrielle, les désirs naturels de l’homme ont tendance à se retrouver dans les groupes 1 et 3, tandis que le deuxième groupe tend à regrouper tous les désirs artificiellement créés.

61. (en) Dans les sociétés primitives, les besoins physiques relevaient généralement du groupe 2 : ils pouvaient être satisfaits seulement au prix de gros efforts. Mais les sociétés moderne ont tendance à garantir le minimum vital [9] en échange d’un effort minime, ce qui fait que les besoins primordiaux y relèvent du groupe 1 (il peut y avoir désaccord sur le fait que le fait de conserver un travail est « minime », mais généralement, dans les boulots des couches basses et moyennes de la société, ce qu’on vous demande principalement, c’est l’obéissance. Vous restez assis ou debout là où vous a dit de rester, et faites ce qu’on vous a dit de faire de la façon dont on vous a dit le faire. Vous devez rarement vous impliquer sérieusement, et dans tous les cas, vous avez du mal à acquérir une certaine autonomie, et , ainsi, le processus de pouvoir ne peut pas être satisfait).

62. (en) Les besoins sociaux, comme le sexe, l’amour, et le statut social, relèvent souvent du groupe 2 dans la société moderne, suivant la position hiérarchique de l’individu. [10] Mais, à l’exception des individus qui ont un fort désir pour un statut social élevé, l’effort requis pour réaliser les désirs sociaux est insuffisante pour satisfaire le processus de pouvoir.

63. (en) Ainsi, certains besoins artificiels ont été créés pour relever du groupe 2, de façon à essayer de satisfaire le processus de pouvoir. La publicité et le marketing ont été développés de manière à ce que beaucoup de personnes éprouvent des besoins pour des objets que leurs grands-parents n’avaient jamais désirés ou même imaginés. Il faut gagner beaucoup d’argent pour satisfaire ces besoins artificiels, ce qui les fait relever du groupe 2 (Toutefois, voir paragraphes 80-82). L’homme moderne doit satisfaire son besoin de processus de pouvoir essentiellement en courant après les besoins artificiels créés par la publicité et le marketing au service de l’industrie [11] , et ce au travers des activités compensatrices.

64. (en) Il semble que pour beaucoup de gens, peut-être la majorité, ces formes artificielles du processus de pouvoir sont insuffisantes. Un thème qui apparaît régulièrement dans les écrits de la critique sociale de la 2ème moitié du 20e siècle est le sentiment d’inutilité qui accable de nombreuses personnes dans la société moderne (ce sentiment d’inutilité est souvent désigné sous d’autres termes comme « anomie » ou « vacuité de la classe moyenne »). Nous pensons que la soi-disant « crise d’identité » est à l’heure actuelle une recherche de sens, souvent sous la forme d’une activité compensatrice adéquate. Il est possible que l’existentialisme soit pour une grande part une réponse à ce sentiment d’inutilité. [12] La quête de l’épanouissement est très largement répandue dans notre société. Mais nous pensons que pour la majorité des gens une activité dont le but principal est l’épanouissement (c.à.d. une activité compensatrice) n’apporte pas un épanouissement réel et profond. En d’autres termes, il se satisfait pas totalement le besoin du processus de pouvoir (voir paragraphe 41). Ce besoin peut être pleinement satisfait uniquement au travers d’activités qui ont un but extérieur, comme les nécessités vitales, le sexe, l’amour, le statut social, etc.

65. (en) Pire encore, lorsque les buts passent par gagner de l’argent, gravir les échelons hiérarchiques, ou œuvrer comme un rouage du système d’une quelconque autre manière, la plupart des gens ne sont pas en position de poursuivre leurs buts de manière AUTONOME. Les travailleurs sont des employés standards, comme nous l’avons vu au paragraphe 61, doivent passer leurs journées à faire ce qu’on leur a dit de faire de la manière qu’on leur a dit de faire. Même la plupart des personnes à leur compte n’ont qu’une autonomie limitée. C’est la plainte constante des petits entrepreneurs comme quoi leurs mains seraient liées par une réglementation étatique abusive. Certaines de ces réglementations sont sans nul doute inutiles, mais elles sont le pendant essentiel et inévitable de notre société hautement complexifiée. Une grande partie des indépendants travaillent sous le régime de la franchise. Il a été rapporté il y a quelques années dans le Wall Street Journal que les sociétés franchisées faisaient passer aux postulants un test destiné à écarter ceux qui faisait montre de créativité et d’initiative, car de telles personnes ne sont pas suffisamment dociles pour se soumettre au système de la franchise. Ceci exclut ainsi beaucoup de gens qui ont un grand besoin d’autonomie.

66. (en) Aujourd’hui les gens vivent plus en fonction de ce que le système fait pour eux ou à leur place qu’en fonction de ce qu’il font pour eux-mêmes. Et ce qu’ils font est de plus en plus canalisé par le système. Les possibilités deviennent celles que le système tolère, et elles doivent être jugulées par les lois et réglementations [13] , et les techniques préconisées par les experts doivent être suivies si on veut avoir une chance de réussite.

67. (en) Ainsi le processus de pouvoir se désagrège dans notre société du fait d’une déficience de buts authentiques et d’une perte d’autonomie dans la poursuite de ces buts. Mais il se désagrège aussi à cause des désirs qui relèvent du groupe 3 : les désirs qui ne peuvent être satisfaits quels que soient les moyens mis en œuvre. Un de ces désirs est le besoin de sécurité. Nos vies dépendent de décisions prises par d’autres personnes ; nous n’avons aucun contrôle sur ces décisions, et nous ne connaissons même pas les gens qui les prennent (« Nous vivons dans un monde dans lequel relativement peu de gens — peut-être 500 ou 1000 — prennent les décisions fondamentales » — Philip B. Heymann de l’université de droit de Harvard, interrogé par Anthony Lewis, du New York Times le 21 avril 1995). Nos vies dépendent des niveaux de sécurité réellement appliqués dans une centrale nucléaire ; de la quantité de pesticides autorisée dans nos aliments ou de la pollution dans notre atmosphère ; du niveau de qualification de notre médecin ; le fait que nous trouvions ou perdions un emploi est soumis à l’arbitraire des économistes du gouvernement ou des dirigeants de trusts ; et ainsi de suite. La plupart des individus ne sont pas en position de se défendre eux-mêmes contre tous ces périls, sinon sur une très petite échelle. La recherche de la sécurité est ainsi frustrée, ce qui conduit à un sentiment de dépérissement.

68. (en) On peut rétorquer que l’homme primitif est physiquement bien moins à l’abri que son homologue moderne, ainsi que le montre sa plus faible espérance de vie ; c’est pourquoi l’homme moderne souffre moins et non pas plus de l’insécurité. Mais la sécurité psychologique ne correspond pas exactement avec la sécurité physique. Ce qui nous fait nous SENTIR en sécurité n’est pas tant une sécurité réelle que le sentiment de confiance en notre capacité à nous débrouiller nous-mêmes. L’homme primitif, acculé par un fauve ou poussé par la faim, peut se défendre ou partir à la recherche de nourriture. Il n’est pas certain de réussir, mais il n’est certainement pas sans ressource face à l’adversité. D’un autre côté, l’homme moderne est démuni face aux accidents nucléaires, aux substances cancérigènes dans la nourriture, à la pollution, la guerre, l’augmentation des impôts, les intrusions dans sa vie privée, et en général face aux phénomènes sociaux ou économiques à l’échelle de la nation qui peuvent détruire son mode de vie.

69. (en) Il est vrai que l’homme primitif est démuni face à certains périls, la maladie par exemple. Mais il accepte stoïquement le risque de maladie. Cela fait partie de la nature des choses, ce n’est la faute de personne, sinon d’un démon, contre lequel on ne peut rien. Mais ce que subit l’homme moderne est L’ŒUVRE DE L’HOMME. Ce n’est pas du à la malchance, mais ça lui est IMPOSE par d’autres personnes qu’il est incapable, en tant qu’individu, d’influencer. En conséquence de quoi, il se sent frustré, humilié et en colère.

70. (en) Ainsi l’homme primitif a pour une grande part sa sécurité entre ses propres mains (soit comme individu, soit comme membre d’un PETIT groupe) tandis que la sécurité de l’homme moderne est entre les mains de personnes ou d’organisations qui sont trop inaccessibles pour qu’il soit à même de pouvoir les influencer. Ainsi, le désir de sécurité de l’homme moderne tend à relever des groupes 1 et 3 ; dans certains cas (nourriture, logement, etc.), cette sécurité est assurée au seul coût d’un faible effort, tandis que dans les autres cas, il ne PEUT PAS accéder à cette sécurité (Ce qui précède simplifie exagérément la situation réelle, mais indique en gros en quoi la condition de l’homme moderne diffère du primitif).

71. (en) Les gens ont des désirs passagers ou des envies qui sont nécessairement contrariées dans la vie moderne, et qui relèvent ainsi du groupe 3. On peut être affamé, mais la société moderne ne permet pas de chasser. L’agression verbale est même interdite dans de nombreux cas. Quand on se déplace, on peut être pressé ou bien décontracté, mais on n’a pas généralement le choix, sinon de se déplacer au rythme du trafic et d’obéir aux signaux. On peut vouloir travailler d’une manière différente, mais souvent on doit travailler suivant les directives de son employeur. De bien d’autres manières, l’homme moderne est emprisonné dans un réseau de lois et réglementations (implicites ou explicites) qui contrarient ses envies et ainsi interfèrent avec le processus de pouvoir. La plupart de ces réglementations ne peuvent pas être ignorées, car elles sont nécessaires au fonctionnement d’une société industrialisée.

72. (en) La société moderne est sous bien des aspects extrêmement permissive. Tout ce qui ne perturbe pas le fonctionnement du système, nous pouvons le faire. Nous pouvons croire en la religion de notre choix (tant qu’elle n’encourage pas des attitudes dangereuses pour le système). Nous pouvons coucher avec qui bon nous semble (tant que nous pratiquons le safe sex). Nous pouvons faire ce que nous voulons tant que c’est ANODIN. Mais quand cela devient IMPORTANT, le système a tendance à progressivement réguler nos comportements.

73. (en) Nos comportements ne sont pas seulement régulés par des lois explicites et pas seulement par le gouvernement. Le contrôle est souvent exercé par une coercition indirecte ou par une pression psychologique ou des manipulations, et, ce, par des organisations autres que le gouvernement, ou par le système dans son ensemble. La plupart des grandes organisations utilisent des formes de propagande [14] pour manipuler le public dans ses attitudes et comportements. La propagande n’est pas limitée au « commerce » et à la publicité, et parfois n’est même pas considérée comme telle par les gens qui la diffusent. Par exemple, le contenu d’un programme de divertissement est une puissante forme de propagande. Un exemple de coercition indirecte : Il n’y a pas de loi qui dise qu’il faille aller travailler tous les jours et suivre les directives du patron. Légalement, rien ne nous interdit de retourner à l’état sauvage ou de travailler pour notre compte. Mais en pratique, il reste peu de contrées sauvages, et il y a une place limitée dans notre économie pour « l’artisanat ». Ce qui fait que la plupart d’entre nous ne peuvent survivre qu’en étant l’employé de quelqu’un.

74. (en) Nous soutenons que les obsessions de l’homme moderne pour la longévité de sa vie et pour assurer jusqu’à un âge avancé la vigueur physique et l’attrait sexuel sont un symptôme d’une aliénation résultant de la déliquescence du processus de pouvoir. La « crise de l’âge mûr » en est aussi un symptôme. De même la perte d’intérêt pour une nombreuse progéniture assez courante dans la société moderne, mais presque insensée dans les sociétés primitives.

75. (en) Dans une société primitive, la vie est une succession d’étapes. Les besoins et fonctions propres à un stade ayant été accomplies, il n’y a pas de problème particulier à passer au stade supérieur. Un jeune homme accomplira son processus de pouvoir en devenant un chasseur, non pour le sport ou pour l’agrément, mais pour assurer sa subsistance (en ce qui concerne les jeunes femmes, le processus est plus complexe, du fait d’un accroissement du rôle social ; nous n’en discuterons pas ici). Cette période ayant été couronnée de succès, il n’y a pas de problème pour s’assagir et fonder un foyer (par contre, certains « modernes » repoussent indéfiniment le moment d’avoir des enfants car ils sont trop occupés à rechercher « l’épanouissement » de quelque manière que ce soit. Nous pensons que l’épanouissement dont ils ont besoin est une expérience correcte du processus de pouvoir — avec des buts réels au lieu des buts artificiels des activités compensatrices). De même, après avoir élevé ses enfants, avoir utilisé le processus de pouvoir pour leur fournir subsistance, l’homme primitif sent que son heure est venue et accepte la vieillesse (s’il survit jusque là), puis meurt. D’un autre côté, la plupart des hommes modernes, sont hantés par l’inéluctabilité de la mort, comme le montre la somme d’efforts qu’ils déploient pour conserver leur vigueur, leur attrait et leur santé. Nous affirmons que ceci est du au fait qu’ils n’ont jamais utilisé leurs capacités physiques d’une quelconque manière, qu’il n’ont jamais éprouvé leur processus de pouvoir en utilisant leur corps de façon sérieuse. Ce n’est pas l’homme primitif, qui a quotidiennement exercé son corps, qui craint les affronts de l’âge, mais le moderne qui ne l’a jamais fait, à part marcher de sa voiture à sa maison. C’est l’homme dont le besoin du processus de pouvoir a été satisfait durant sa vie qui est le mieux préparé à accepter la fin de sa vie.

76. (en) En réponse aux arguments de cette section, quelqu’un rétorquera : « la société doit trouver un moyen de donner aux gens la capacité d’exercer leur processus de pouvoir ». Pour de telles personnes, cette capacité est nulle par le simple fait que la société la leur donnera. Ce dont elles ont besoin, c’est de trouver cette capacité d’elles-mêmes. Tant que le système leur DONNERA les « moyens », ils seront en laisse. Pour parvenir à l’autonomie, ils doivent se débarrasser de la laisse.

COMMENT CERTAINS S’ADAPTENT

77. (en) Tout le monde ne souffre pas de problèmes psychologiques dans la société techno-industrielle. Certains prétendent même qu’ils sont assez contents de la société telle qu’elle est. Nous allons maintenant voir pourquoi les réactions face à la société moderne diffèrent tellement.

78. (en) Premièrement, il y a sans nul doute des différences dans la force du désir de pouvoir. Les individus avec un faible désir de pouvoir ont des besoins quant au processus de pouvoir, ou, au moins, peu de besoin d’autonomie pour le satisfaire. Ce sont des soumis qui auraient été heureux comme noirs dans les plantations de coton du Sud (Nous ne voulons pas nous moquer des noirs des plantations. Au moins, ils n’étaient PAS contents d’être esclaves. Nous ironisons sur ceux qui SONT contents de leur servitude).

79. (en) Des gens peuvent avoir des désirs exceptionnellement forts, ce qui leur permet de satisfaire leur processus de pouvoir. Par exemple, ceux qui ont une motivation hors du commun quant au statut social peuvent passer toute leur vie à grimper le long de la hiérarchie en ne se lassant jamais de ce jeu.

80. (en) Les gens varie par leur sensibilité à la publicité et au marketing. Certains y sont si sensibles que, même s’il dépensent beaucoup d’argent, ils ne peuvent satisfaire leur constant désir pour les nouveaux jouets brillants que l’industrie du marketing fait miroiter devant leur yeux. Ils se sentent ainsi toujours pressurés financièrement, même si leurs revenus sont élevés, et leurs désirs sont frustrés.

81. (en) Certains sont peu réceptifs à la publicité et aux techniques de marketing. Ils ne sont pas intéressés par l’argent. L’accumulation de biens matériels ne sert pas leur besoin de processus de pouvoir.

82. (en) Les gens qui ont une sensibilité moyenne à ces techniques sont capables d’économiser assez d’argent pour satisfaire leurs envies de biens et de services, mais seulement au prix d’un gros effort (en faisant des heures supplémentaires, en ayant un deuxième travail, en recherchant les promotions, etc.). Ainsi les biens matériels satisfont leur besoin de processus de pouvoir. Mais cela ne signifie pas forcement que leur besoin soit pleinement satisfait. Ils peuvent avoir une autonomie insuffisante pour leur processus de pouvoir (leur travail peut ne consister qu’à suivre les ordres) et quelques uns de leurs désirs peuvent être frustrés (par ex. la sécurité). (Nous sommes conscients de la simplification à l’extrême des paragraphes 80 à 82 car nous avons considéré que le désir d’accumulation de biens matériels était entièrement généré par la publicité et le marketing. Bien sur, ce n’est pas aussi simple).

83. (en) D’autres peuvent partiellement satisfaire leur besoin de pouvoir en s’identifiant à une puissante organisation ou à un mouvement de masse. Un individu manquant de but ou de pouvoir rejoint un mouvement ou une organisation, adopte ses buts comme les siens propres, puis travaille à leur accomplissement. Quand certains de ces buts sont atteints, l’individu, même si sa contribution personnelle à été infime, se sent (par son identification avec le mouvement ou l’organisation) comme s’il avait exercé son processus de pouvoir. Ce phénomène a été exploité par les fascistes, les nazis et les communistes. Notre société l’utilise aussi, quoique de manière moins voyante. Par exemple : Manuel Noriega devenait gênant pour les USA (but : punir Noriega). Les USA envahissent le Panama (effort),et punissent Noriega (accomplissement du but). Les USA ont exercé leur processus de pouvoir et beaucoup d’Américains, par identification avec leur pays, l’ont exercé par procuration. Ce qui explique l’approbation publique presque générale à l’invasion du Panama ; elle a donné aux gens une impression de pouvoir. [15] Nous voyons le même phénomène dans les armées, les entreprises, les partis politiques, les organisations humanitaires, les mouvements idéologiques ou religieux. En particulier, les mouvements de gauche ont tendance à attirer les gens qui cherchent à satisfaire leur besoin de pouvoir. Mais dans la majorité des cas, l’identification à une grande organisation ou un mouvement de masse ne satisfait pas entièrement leur besoin de pouvoir.

84. (en) Un autre moyen pour les gens de satisfaire leur processus de pouvoir est de passer par les activités compensatrices. Comme nous l’avons expliqué dans les paragraphes 38-40, une activité compensatrice est mise en œuvre pour satisfaire un but artificiel que l’individu poursuit pour son épanouissement, mais pas pour atteindre le but lui-même. Par exemple il n’y a aucune raison valable de se forger un corps d’athlète, de pousser une petite balle dans un trou ou de collectionner les timbres. Pourtant beaucoup de gens se passionnent pour le body-building, le golf ou les collections de timbres. Certaines personnes sont plus influencés que d’autres, et accordent une importance démesurée à une activité compensatrice, simplement parce les autres leur accordent la même importance, la société les ayant convaincus de l’importance des dites activités. C’est pourquoi certaines personnes prennent très à cœur des activités futiles comme les sports, le bridge, les échecs, d’érudites études ésotériques, tandis que d’autres dont les yeux sont dessillés n’y voit que des activités compensatrices, et n’y attachent pas d’importance pour leur besoin du processus de pouvoir. Tout cela pour rappeler que le fait de gagner sa vie est aussi une activité compensatrice. Pas une activité compensatrice à l’état PUR, puisque qu’elle permet aussi de subvenir à leur besoins et (dans certains cas) pour satisfaire leur besoin de statut social, ainsi que les « suppléments » que la publicité leur fait désirer. Mais beaucoup de gens s’investissent dans leur travail, bien plus que le nécessiterait la recherche d’argent et de statut social, ce qui en fait une activité compensatrice. Cet effort exagéré, ainsi que l’investissement émotionnel qui l’accompagne, constitue un des moteurs les plus puissants qui perpétuent et perfectionnent le système, avec toutes les conséquences négatives pour la liberté individuelle (voir paragraphe 131). Tout spécialement, pour les scientifiques et les ingénieurs (au sens large), le travail a tendance a devenir essentiellement une activité compensatrice. Ce point est très important et fera l’objet d’un chapitre à part, que nous développerons plus loin (paragraphes 87-92).

85. (en) Dans cette section, nous avons expliqué comment beaucoup de gens dans la société moderne satisfont leur besoin de processus de pouvoir sur une échelle plus ou moins grande. Mais nous pensons que pour la majorité, le besoin de processus de pouvoir n’est pas entièrement satisfait. Tout d’abord, ceux qui ont une insatiable ambition sociale ou qui sont solidement « ferrés » par une activité compensatrice, ou qui s’identifient suffisamment avec un mouvement ou une organisation, sont des cas rares. Les autres ne sont pas comblés par les activités compensatrices ou l’identification à une organisation (voir paragraphes 41 , 64 ). Ensuite, un contrôle bien trop fort est imposé par le système et ses règlements explicites ou la socialisation, d’où en résulte une perte d’autonomie, ainsi que la frustration due à l’impossibilité d’atteindre certains buts et la nécessité de réfréner certaines envies.

86. (en) Mais même si la majorité des gens étaient satisfaits de la société industrielle, nous (FC) serions toujours opposés à ce type de société, parce que (parmi d’autres raisons) nous considérons qu’il est dégradant de satisfaire les besoins de chacun envers le processus de pouvoir au travers des activités compensatrices ou l’identification avec une organisation, plutôt que de poursuivre des buts authentiques.

LES MOTIVATIONS DES SCIENTIFIQUES

87. (en) La science et la technologie constituent les plus importants exemples d’activités compensatrices. Certains scientifiques prétendent qu’ils sont mus par la « curiosité », ce qui est proprement absurde. La plupart des scientifiques sont attelés à des problèmes hautement spécialisés qui ne peuvent être l’objet d’aucune curiosité naturelle. Par exemple est-ce qu’un astronome, un mathématicien ou un entomologiste éprouvent de la curiosité pour les propriétés de l’isopropyltrimethylmethane ? Bien sûr que non. Un chimiste seul peut être intéressé par cela uniquement parce que la chimie est son activité compensatrice. Un chimiste s’intéresse-t-il à la place à donner dans la classification ad hoc à une nouvelle espèce de coléoptère ? Non. Cette question relève uniquement du domaine de l’entomologiste, et il s’y intéresse seulement parce que c’est son activité compensatrice. Si le chimiste et l’entomologiste avaient à se remuer pour satisfaire leurs nécessités vitales, et si cette activité les accaparait de façon intéressante, mais non scientifique, il n’accorderait pas la moindre importance à l’isopropyltrimethylmethane ou à la classification des coléoptères. Supposons que l’absence d’argent pour suivre des études supérieures ait conduit le chimiste à devenir agent d’assurance plutôt que chimiste. Dans ce cas, il serait passionné par tout ce qui touche aux assurances, et se moquerait totalement de l’isopropyltrimethylmethane. Dans tous les cas, il n’est pas normal de dépenser tant de temps et d’efforts pour satisfaire une simple curiosité ainsi que le font les scientifiques. L’explication de la motivation des scientifiques par la « curiosité » ne tient tout simplement pas debout.

88. (en) Le « bonheur de l’humanité » n’est pas une explication plus satisfaisante. Certains travaux scientifiques n’ont aucun rapport concevable avec le bonheur de l’humanité — par exemple l’archéologie ou la linguistique comparative. D’autres domaines de la science sont potentiellement dangereux. Malgré tout, ceux qui œuvrent dans ces domaines sont aussi enthousiastes que ceux qui s’occupent de combattre les maladies ou la pollution. Considérons le cas du Dr Edward Teller qui est de toute évidence passionné par la promotion des centrales nucléaires. Est-ce que cet enthousiasme peut être réfréné par le désir du bonheur de l’humanité ? Si c’est le cas, pourquoi le Dr Teller n’est pas préoccupé par les causes « humanitaires » ? S’il était si « humain », pourquoi a-t-il participé au développement de la bombe H ? Comme pour beaucoup de réalisations scientifiques, la question reste ouverte de savoir si les centrales nucléaires sont bénéfiques pour l’humanité. Est-ce que l’électricité à moindre coût vaut les risques d’accidents et l’accumulation des déchets ? Le Dr Teller ne voit qu’un aspect de la question. Évidemment, son enthousiasme pour les centrales nucléaires ne provient pas d’un désir de faire le « bonheur de l’humanité », mais de la satisfaction personnelle qu’il a tirée de son travail et de son application pratique.

89. (en) Ceci est vrai pour les scientifiques en général. A de rares exceptions près, leur motivation n’est ni la curiosité, ni le bien de l’humanité, mais le besoin d’exercer leur processus de pouvoir : avoir un but (un problème scientifique à résoudre), fournir un effort (la recherche), et atteindre ce but (la solution du problème). La science est une activité compensatrice car les scientifiques travaillent principalement pour la satisfaction qu’il retire du travail lui-même.

90. (en) Bien sur, ce n’est pas aussi simple : d’autres motifs jouent un rôle parmi les scientifiques. L’argent et le statut social par exemple. Certains scientifiques peuvent appartenir à la race de ces gens qui ont un insatiable besoin de reconnaissance sociale (voir paragraphe 79). Et cela en fait leur principal motivation. Nul doute que la majorité des scientifiques, comme l’ensemble de la population, sont plus ou moins réceptifs à la publicité et aux techniques de marketing et ont besoin d’argent pour satisfaire leur soif de biens et de services. Ainsi la science n’est pas une activité compensatrice PURE. Mais c’en est une pour une large part.

91. (en) De plus, la science et la technologie constituent un puissant mouvement de masse et beaucoup de scientifiques satisfont leur besoin de pouvoir par l’identification à ce mouvement de masse (voir paragraphe 83).

92. (en) Ainsi la science avance en aveugle, indifférente au bonheur des hommes ou à tout autre critère, obéissant seulement aux besoins psychologiques des scientifiques et aux officiels du gouvernement qui leur accordent les subventions.

NATURE DE LA LIBERTÉ

93. (en) Nous allons maintenant démontrer que la société techno-industrielle ne peut pas être réformée de façon à l’empêcher de réduire progressivement la sphère de la liberté humaine. Mais comme « liberté » est un terme qui peut être compris de maintes manières, nous allons d’abord exposer clairement quelle sorte de liberté nous concerne.

94. (en) Par liberté, nous entendons la possibilité d’exercer le processus de pouvoir, avec des buts réels et non pas les buts artificiels des activités compensatrices, et sans interférence, manipulation ou supervision de qui que ce soit, tout spécialement d’une grande organisation. La liberté signifie être en mesure de contrôler (soit seul, soit au sein d’un PETIT groupe) sa propre vie jusqu’à sa mort ; nourriture, habillement, gîte, et défense contre tous les dangers qui peuvent advenir dans son environnement. La liberté est synonyme de pouvoir, pas le pouvoir de contrôler les autres, mais le pouvoir de contrôler toutes les circonstances de sa propre vie. Il n’y a pas de liberté si quelqu’un (et spécialement une grande organisation) exerce le pouvoir sur un autre, quand bien même ce pouvoir serait exercé avec bonté, tolérance et permissivité. Il est important de ne pas confondre pouvoir avec un surcroît de permissivité (voir paragraphe 72).

95. (en) Nous sommes censés vivre dans une société libre car nous avons un certain nombre de droits et garanties constitutionnelles. Mais cela n’est pas aussi important que cela en a l’air. Le degré de liberté individuelle qui existe dans une société est plus déterminé par sa structure économique et technologique que par ses lois et la forme de son gouvernement. [16] . La plupart des nations indiennes de Nouvelle Angleterre étaient des monarchies, et beaucoup des cités de la renaissance italiennes étaient dirigées par des dictateurs. Mais en s’intéressant de près à ces sociétés, on s’aperçoit qu’elles permettaient une plus grande liberté individuelle que la notre. Cela était du en partie au manque de moyens efficaces de faire respecter la loi : Il n’y avait pas de police moderne, bien organisée, pas de communications à longue distance, pas de caméras de surveillance, pas de dossiers sur les vies et mœurs des citoyens. Il était ainsi facile d’échapper au contrôle.

96. (en) Parmi nos droits constitutionnels, prenons l’exemple de la liberté de la presse. Nous ne voulons évidemment pas détruire ce droit ; c’est un très important outil pour limiter la concentration des pouvoirs politiques et pour dénoncer ceux qui abusent de ce pouvoir. Mais la liberté de la presse est d’un très faible intérêt pour le citoyen moyen en tant qu’individu. Les mass media sont sous la coupe de puissants trusts parfaitement intégrés au système. Quiconque a un peu d’argent peut faire imprimer quelque chose, ou le distribuer sur Internet, ou utiliser une autre technique, mais ce qu’il aura à dire sera noyé dans l’énorme volume de données généré par les média, ce qui fait que cela n’aura pratiquement aucun effet. S’imposer à la société avec des mots est presque impossible pour la plupart des individus ou des petits groupes. Prenons notre exemple (FC). Si nous n’avions pas usé de violence, et avions soumis le présent écrit à un éditeur, il n’aurait probablement pas été accepté. S’il avait été accepté et publié, il n’aurait certainement pas touché beaucoup de lecteurs, parce qu’il est plus amusant de se divertir avec ce que fournissent les média plutôt que de lire un essai un peu aride. Même si ces écrits avaient été lus par de nombreux lecteurs, la plupart d’entre eux auraient rapidement oublié ce qu’ils venaient de lire, leur esprit étant saturé par le flot de données des médias. Pour faire passer notre message au public avec une certaine chance qu’il fasse impression, nous avons du tuer des gens.

97. (en) Les droits constitutionnels sont utiles jusqu’à un certain point, mais ne peuvent servir à garantir ce que nous pourrions appeler la conception bourgeoise de la liberté. Suivant cette conception, un homme « libre » est essentiellement un élément de la machine sociale et possède un nombre limité de libertés circonscrites ; des libertés dont le but est de servir les besoins de la machine sociale plutôt que ceux de l’individu. Ainsi, le bourgeois « libre » jouit d’une liberté économique car elle favorise la croissance et le progrès ; de la liberté de la presse car la critique publique limite les malversations des hommes politiques ; il a des droits à un procès équitable car l’emprisonnement arbitraire serait préjudiciable au système. Ceci était nettement la conception de Simon Bolivar. Pour lui, le peuple ne pouvait jouir de la liberté que si elle était utilisée pour promouvoir le progrès (le progrès au sens bourgeois). D’autres penseurs bourgeois ont eu des conceptions similaires de la liberté comme moyen d’un but collectif. Chester C. Tan dans « La pensée politique chinoise au 20e siècle », explique page 202, la philosophie du leader du Kuomintang, Hu-Han Min : « Un individu bénéficie de droits parce qu’il est membre d’une société et sa vie en communauté requiert de tels droits. » Par communauté, Hu veut dire la société dans son ensemble, la nation. Et à la page 259 il établit que suivant Carsum Chang (Chang-Chaun mai, chef du parti socialiste de Chine), la liberté devait être utilisée dans l’intérêt de l’état et du peuple en même temps. Mais quelle forme de liberté a-t-on si on peut seulement faire ce que d’autres ont prescrit ? La conception de la liberté de FC n’est pas celle de Bolivar, Hu, Chang et autres théoriciens bourgeois. Le problème avec ce genre de théoriciens est que l’élaboration et la mise en application de théories sociales est leur activité compensatrice. Par conséquent, ces théories sont plus conçues pour satisfaire les besoins des théoriciens que ceux d’un quidam qui a eu la malchance de vivre dans une société où ces théories se sont imposées.

98. (en) Un autre point à souligner : ce n’est pas parce que quelqu’un estime être libre qu’il l’EST réellement. La liberté est bridée d’une part par des contraintes psychologiques inconscientes, et d’autre part, l’idée que ce font la plupart des gens de la liberté est issue des conventions sociales et non pas des besoins authentiques des individus. Par exemple, il est probable que beaucoup de « gauchistes » sur-socialisés diraient que la majorité des gens, eux y compris, ne sont pas assez sur-socialisés plutôt que l’inverse, ce qui fait que le « gauchiste » sur-socialisé paie son degré de sur-socialisation au prix fort.

QUELQUES PRINCIPES D’HISTOIRE

99. (en) L’histoire peut être pensée comme la somme de deux composantes : une partie erratique faite d’événements imprévisibles qui ne semblent soumis à aucune logique, et une autre soumise à des tendances à long terme. Nous nous occuperons ici des tendances à long terme.

100. (en) PREMIER PRINCIPE : Si une tendance à long terme est perturbée par un PETIT changement, alors le résultat de ce changement sera presque toujours faible — la tendance revenant rapidement à son état initial (Exemple : une série de réformes destinées à éradiquer la corruption politique n’a généralement que des effets à court terme ; plus ou moins rapidement, , les réformateurs se relâchent et la corruption revient au galop. Le niveau de corruption dans une société donnée a tendance à demeurer constant, ou à ne changer que progressivement avec l’évolution de la société. Normalement un « nettoyage » politique n’aura d’effets permanents que s’il est accompagné d’une réforme de fond de la société ; un PETIT changement ne peut être suffisant). SI un petit changement au sein d’un mouvement de longue durée apparaît comme étant permanent, c’est uniquement parce que le changement œuvre dans la direction générale du mouvement, ce qui fait que le mouvement n’est pas modifié, mais a seulement franchi une étape.

101. (en) Le premier principe est pratiquement une tautologie. Si une tendance n’est pas stable vis à vis de petits changements, c’est qu’elle est soumise au hasard plutôt qu’elle ne suit une ligne directrice donnée ; ce n’est donc pas une tendance de longue durée.

102. (en) SECOND PRINCIPE : Si un changement modifie de manière durable une tendance historique à long terme, cela modifiera la société dans son ensemble. En d’autres termes, une société est un système dans lequel toutes les composantes sont interdépendantes, et vous ne pouvez profondément changer une des composantes sans que tout le reste ne soit changé aussi.

103. (en) TROISIÈME PRINCIPE : Si un changement modifie de manière durable une tendance historique à long terme, alors les conséquences pour la société dans son ensemble sont imprévisibles (sauf si un certain nombre d’autres sociétés ont subi le même changement, et ont toutes eu les mêmes conséquences, auquel cas on pourra prédire de manière empirique les conséquences de ce changement sur la société qui veut l’expérimenter).

104. (en) QUATRIÈME PRINCIPE : Une nouvelle forme de société ne peut pas être conçue sur le papier. Elle ne peut être planifiée à l’avance, puis mise en place en espérant qu’elle fonctionne comme il a été prévu.

105. (en) Le troisième et quatrième principe proviennent de la complexité des sociétés humaines. Un changement dans le comportement humain affectera l’économie d’une société et son environnement ; l’économie affectera l’environnement et vice versa, et ces changements affecteront le comportement humain de façon complexe et imprévisible ; et ainsi de suite. L’enchevêtrement des causes et des effets est trop complexe pour être compris et démêlé.

106. (en) CINQUIÈME PRINCIPE : Les gens ne choisissent pas consciemment et rationnellement la forme de leur société. Elles se développent suivant des processus d’évolution sociale qui ne sont pas sous un contrôle humain rationnel.

107. (en) Le cinquième principe est la conséquence des 4 autres.

108. (en) A titre d’illustration : Du fait du premier principe, en général, une tentative de réforme sociale soit agit dans la direction vers laquelle se dirige la société de toute manière (ainsi elle ne fait qu’accélérer un mouvement qui aurait eu lieu de toute façon), soit elle n’a qu’un effet limité dans le temps, et la société reviendra bientôt à son état initial. Pour accomplir un changement radical vis à vis de la tendance à long terme d’une société, une réforme est insuffisante ; il faut une révolution (une révolution ne signifie pas forcement une insurrection armée ou le renversement d’un gouvernement). Du fait du second principe, une révolution ne change jamais qu’un seul aspect d’une société ; et du fait du troisième, des changements adviennent, qui n’ont jamais été imaginés ou souhaités par les révolutionnaires. Du fait du quatrième, quand des révolutionnaires mettent en place un nouveau type de société, cela ne marche jamais comme prévu.

109. (en) La Révolution Américaine ne constitue pas un contre-exemple. La « Révolution » Américaine n’était pas une révolution suivant notre définition, mais une guerre d’indépendance suivie d’une réforme politique. Les Pères Fondateurs n’ont pas changé la ligne générale du développement de la société américaine, et n’y tenaient pas non plus. Ils ont seulement libéré le développement de la société américaine des effets archaïques de la férule britannique. Leur réforme politique n’a changé aucune tendance de fond, mais a seulement poussé la culture politique américaine dans sa direction naturelle. La société britannique, dont la société américaine était dérivée, s’était dirigé depuis longtemps sur la voie de la démocratie représentative. Et avant la Guerre d’Indépendance, les Américains pratiquaient déjà la démocratie représentative à un degré appréciable dans les assemblées coloniales. Le système politique établit par la Constitution fut modelé sur le système britannique et les assemblées coloniales. Avec certainement d’importantes modifications — il ne fait pas de doute que les Pères Fondateurs franchirent un pas important. Mais c’était un pas le long de la route que les sociétés anglo-saxonnes empruntaient. La preuve en est que les Anglais et toutes les colonies majoritairement peuplées de descendants d’anglais, ont fini par adopter une démocratie représentative similaire à celle des USA. Si les Pères Fondateurs avaient flanché et n’avait signé la Déclaration d’Indépendance, notre vie aujourd’hui ne serait pas très différente. Peut-être aurions nous d’une certaine manière des liens plus étroits avec l’Angleterre, ainsi qu’un parlement et un premier ministre à la place d’un congrès et d’un président. Rien d’important. Ainsi, la Révolution Américaine ne constitue pas un contre-exemple à nos principes, mais plutôt une bonne illustration.

110. (en) Toutefois, il faut appliquer ces principes avec bon sens. Ils ont été exprimés dans une langue de tous les jours qui permet une certaine latitude pour l’interprétation, et on peut leur trouver des exceptions. Ainsi, nous présentons ces principes non comme des lois absolues, mais comme des approximations ou des trames, qui peuvent en partie fournir un antidote contre les idées naïves sur le futur de notre société. Ces principes doivent être constamment gardés à l’esprit, et s’il advient qu’on arrive à une conclusion en contradiction avec eux, on doit soigneusement réexaminer sa pensée et ne retenir sa conclusion que si l’on a de bonnes et de solides raisons pour le faire.

LA SOCIÉTÉ TECHNO-INDUSTRIELLE NE PEUT PAS ÊTRE REFORMÉE

111. (en) Les principes précédents nous montrent qu’il est désespérément difficile de réformer le système industriel de façon à l’empêcher de réduire progressivement notre sphère de liberté. Ce fut une tendance constante, remontant au moins à la révolution industrielle, de la technologie à renforcer le système à un prix élevé quant à la liberté individuelle et à l’autonomie. Ce qui fait que tout changement mis en œuvre pour protéger la liberté de la technologie serait contraire à la tendance fondamentale du développement de notre société. En conséquence, un tel changement serait soit passager — rapidement évacué par la vague de l’histoire -, soit, s’il devait devenir permanent, devrait modifier la nature de notre société dans son ensemble. Cela, suivant le premier et second principe. De surcroît, la société serait modifiée de manière imprévisible (troisième principe), ce qui constitue un grand risque. Des changements assez radicaux pour promouvoir la liberté ne pourraient être entrepris car il risqueraient de gravement perturber le système. Ainsi, tout effort de reforme serait trop timide pour avoir de l’effet. Même si ces changements étaient accomplis, ils seraient abandonnés une fois leurs effets perturbants devenus apparents. Ainsi, des changements radicaux en faveur de la liberté ne peuvent être accomplis uniquement que par des gens prêts à accepter une modification radicale, dangereuse et imprévisible de l’ensemble du système. En d’autres termes, par des révolutionnaires, pas des réformistes.

112. (en) Les gens désireux de préserver la liberté sans sacrifier les bénéfices supposés de la technologie proposeront des plans naïfs pour réconcilier la liberté et la technologie. En dehors du fait que les gens qui font ces suggestions proposent rarement des moyens pratiques pour mettre en place une nouvelle forme de société, il découle du quatrième principe que même si cette nouvelle forme de société pouvait advenir, elle s’effondrerait ou donnerait des résultats bien différents de ceux escomptés.

113. (en) Ainsi même d’après des postulats aussi généraux, il semble hautement improbable qu’un moyen puisse être trouvé pour réconcilier liberté et technologie moderne. Dans les prochains chapitres, nous donnerons des raisons plus précises qui permettent de conclure que la liberté et le progrès technologique sont incompatibles.

LA LIMITATION DE LA LIBERTÉ EST INÉVITABLE DANS UNE SOCIÉTÉ INDUSTRIELLE

114. (en) Comme nous l’avons expliqué dans les paragraphes 65-67 et 70-73, l’homme moderne est englué dans un réseau de lois et réglementations, et ce fait est du aux manœuvres de personnes inaccessibles qu’il ne peut influencer. Ce n’est pas accidentel ou le résultat de l’arbitraire de bureaucrates arrogants. Ceci est nécessaire et inévitable dans toute société technologiquement avancée. Le système SE DOIT de régir de près les comportements humains. Au travail, les gens doivent faire ce qu’on leur dit de faire, sans quoi la production sombrerait dans le chaos. Les bureaucraties DOIVENT fonctionner suivant des règles rigides. Permettre une certaine latitude aux bureaucrates de bas niveau désorganiserait le système et amènerait des dysfonctionnements dus aux différentes façons dont les bureaucrates exerceraient cette autonomie. Il est vrai que quelques limitations à la liberté pourraient être éliminées, mais EN GROS, la mise en coupe réglée de nos vies par de grandes organisations est nécessaire au bon fonctionnement de la société techno-industrielle. Le résultat en est un sentiment de perte de pouvoir pour l’individu moyen. Il est possible, toutefois, que les réglementations explicites seront progressivement remplacées par des moyens psychologiques qui nous ferons faire ce que le système veut que nous fassions (Propagande [14] , techniques d’éducation, programmes de « santé mentale »,…).

115. (en) Le système DOIT forcer les gens à se comporter d’une manière qui s’éloigne de plus en plus des schémas naturels du comportement humain. Par exemple, le système a besoin de scientifiques, de mathématiciens, et d’ingénieurs. Il ne peut fonctionner sans eux. Les adolescents sont soumis à une très forte pression pour exceller dans ces domaines. Il n’est pas naturel qu’un adolescent passe le plus clair de son temps assis à un bureau absorbé par ses études.

116. (en) Un adolescent normal doit se dépenser en se colletant avec le monde réel. Parmi les sociétés primitives, les enfants apprenaient des choses en harmonie avec les pulsions naturelles de l’homme. Chez les amérindiens, par exemple, les garçons s’entraînaient à des occupations de plein air — le genre de choses qu’aiment les garçons. Mais dans notre société les enfants sont poussés vers les matières techniques, ce qu’ils font en rechignant.

117. (en) Dans toute société industrielle avancée, le destin d’un individu DOIT dépendre de décisions qu’il ne peut infléchir dans une large mesure. Une société technologique ne peut être fractionnée en petites communautés autonomes, car la production dépend de la coopération de grandes masses d’individus. Quand une décision concerne, disons, un million de personnes, chacun des individus concernés a, en moyenne, une part d’un millionième dans la prise de la décision. Ce qui arrive en pratique, c’est que les décisions sont prises par des officiels ou des dirigeants de firmes, ou par des experts techniques, et même quand il y a vote pour la prise d’une décision, le nombre des votants est tel que le vote d’un individu est insignifiant. [17] . Ainsi la plupart des individus sont incapables d’exercer une influence sur les décisions importantes qui affectent leurs vies. Il n’y a aucun moyen concevable de remédier à cela dans une société technologiquement avancée. Le système essaie de « résoudre » ce problème par le biais de la propagande de façon à ce que les gens VEUILLENT ces décisions prises pour eux, mais même si cette « solution » était complètement satisfaisante en rendant les gens heureux, ce serait dégradant.

118. (en) Les conservateurs et quelques autres se font les défenseurs de « l’autonomie locale ». Les petites communautés ont été autonomes, mais cette autonomie devient de moins en moins possible du fait que les petites communautés sont prisonnières et dépendantes de systèmes à grande échelle comme les services publiques, les réseaux informatiques, le réseau autoroutier, les mass media, la sécurité sociale. Une telle offensive contre l’autonomie résulte du fait que la technologie appliquée dans un domaine affecte la vie des gens dans tous les domaines. Ainsi l’utilisation de produits chimiques ou de pesticides près d’un ruisseau peut contaminer l’eau potable des centaines de kilomètres en aval, et l’effet de serre affecte l’ensemble la planète.

119. (en) le système ne peut pas exister pour satisfaire les désirs des hommes. Au contraire, c’est le comportement des hommes qui est modifié pour s’adapter à ceux du système. Cela n’a rien à voir avec l’idéologie sociale ou politique qui prétend contrôler le système technologique. C’est le fait de la technologie, car le système est soumis non pas à une ou des idéologies, mais aux contraintes techniques. [18] Évidemment, le système satisfait bon nombre de désirs humains, mais en général, il ne le fait que dans la mesure où il retire avantage à le faire. Ce sont les besoins du système qui sont primordiaux, pas ceux de l’être humain. Par exemple, le système fournit de la nourriture à la population, car il ne pourrait fonctionner si tout le monde mourrait de faim ; il pourvoit aux besoins psychologiques des gens puisque cela lui est AVANTAGEUX, car il ne pourrait pas non plus fonctionner si trop de personnes devenaient dépressives ou rebelles. Mais, pour des raisons imparables, évidentes et impérieuses, il doit exercer une constante pression sur les gens de façon à modeler leurs comportements suivant ses besoins. Trop de déchets s’accumulent ? Le gouvernement, les media, le système éducatif, les défenseurs de l’environnement, tout le monde nous inonde d’une propagande en faveur du recyclage. Besoin d’un personnel plus techniquement qualifié ? Un chœur exhorte les gamins à suivre des filières scientifiques. Personne ne se pose la question de savoir s’il n’est pas inhumain de forcer des adolescents à passer le plus clair de leur temps à étudier des matières qu’ils détestent en majorité. Quand les ouvriers qualifiés sont mis au chômage par les nouvelles technologies, et doivent se recycler, personne ne se demande si ce n’est pas humiliant pour eux de se retrouver dans pareille situation. Il est tout simplement tenu pour évident que tout le monde doit se plier aux exigences technologiques et, ce, pour une bonne raison : si les besoins des gens passaient avant les nécessités technologiques, il y aurait des problèmes économiques, du chômage, une récession, voire pire. Le concept de « santé mentale » dans notre société est principalement défini par la capacité d’un individu à se comporter en accord avec les besoins du système, et, ce, sans manifester de signes de stress.

120. (en) Les efforts pour tenter d’accorder de l’importance au sens de l’existence et à l’autonomie à l’intérieur du système ne sont rien de plus qu’une plaisanterie. Par exemple une compagnie, au lieu de faire réaliser à chacun de ses employés une partie d’un catalogue, leur fait réaliser à chacun un catalogue dans son intégralité, cela étant supposé leur donner plus de motivation et d’autonomie dans leur travail, mais, en pratique, cela ne peut être réalisé que sur petite échelle et dans tous les cas, les employés ne se voient pas accorder l’autonomie pour se réaliser — leurs efforts personnels ne peuvent être mis à profit pour ce qui les intéresse, mais uniquement pour accomplir les buts du patron qui sont la survie et la croissance de la société. Une société déposerait son bilan si elle agissait autrement. De même, dans un système socialiste, les travailleurs doivent prodiguer leurs efforts pour atteindre les buts de l’entreprise, sans quoi cette entreprise ne remplirait pas sa fonction vis à vis du système. Une fois de plus, pour des raisons purement techniques, il n’est pas possible pour la majorité des individus ou des petits groupes d’obtenir une véritable autonomie dans une société industrielle. Même un indépendant a généralement une autonomie limitée. En dehors de la nécessité de se conformer aux réglementations gouvernementales, il doit s’insérer dans le système économique et se plier à ses contraintes. Par exemple, lors de l’émergence d’une nouvelle technologie, l’indépendant est souvent obligé de l’adopter, qu’il le veuille ou non, s’il veut demeurer compétitif.

LES « BONS » CÔTÉS DE LA TECHNOLOGIE NE PEUVENT ÊTRE SÉPARÉS DES « MAUVAIS »

121. (en) Une raison supplémentaire pour laquelle la société industrielle ne peut être réformée en faveur de la liberté vient du fait que la technologie moderne constitue un système global aux composantes interdépendantes. Vous ne pouvez rejeter les « mauvais » côtés de la technologie et ne garder que les « bons ». Prenons la médecine moderne par exemple. Les progrès en médecine dépendent de ceux de la chimie, de la physique, de la biologie, de l’informatique, et autres. Les traitements médicaux de pointe requerrait des équipement high tech qui ne peuvent être fournis que par une société de haute technologie et économiquement prospère. Il est évident que vous ne pouvez avoir de progrès médical en dehors de l’ensemble du complexe technologique et de tout ce qui lui est affilié.

122. (en) Même si les progrès médicaux pouvaient être obtenus indépendamment du reste du système technologique, cela amènerait tout de même certaines dérives. Supposons, par exemple, qu’un traitement contre le diabète soit découvert. Les gens génétiquement prédisposés au diabète seraient en mesure de survivre et de se reproduire comme tout un chacun. La sélection naturelle qui s’exerce contre les gènes du diabète cesserait et ces gènes se répandraient parmi toute la population (cela est déjà le cas dans une certaine mesure, puisque le diabète, qui ne peut être guéri, est jugulé par l’utilisation d’insuline). La même chose arriverait avec d’autres maladies du même type ce qui affaiblirait le patrimoine génétique de la population. La seule solution serait alors une sorte de programme eugénique ou un développement à grande échelle de l’ingénierie génétique, ce qui fait que dans le futur, l’homme ne sera plus une création de la nature, du hasard, ou de Dieu (suivant vos convictions religieuses ou philosophiques), mais un produit manufacturé.

123. (en) Si vous pensez que l’ingérence gouvernementale dans votre vie privée est trop importante ACTUELLEMENT, réfléchissez à ce que se serait s’il commençait à gérer la constitution génétique de vos enfants. Une telle gestion ira inévitablement de pair avec le développement de l’ingénierie génétique appliquée à l’homme, car les conséquences seraient sinon désastreuses. [19]

124. (en) La réponse classique à de tels propos consiste à parler de « l’éthique médicale ». Mais un code éthique ne servirait pas à protéger la liberté face au progrès médical. ; il ne ferait qu’aggraver les choses. Un code éthique applicable à l’ingénierie génétique serait en pratique un moyen de contrôler la constitution génétique de l’être humain. Certains (majoritairement issus de la upper-middle class) décideraient quelles applications en ingénierie génétique seraient « éthiques », et lesquelles ne le seraient pas, ce qui aurait pour effet d’imposer leurs propres valeurs vis à vis de la constitution génétique de la population dans son ensemble. Même si un code éthique était choisi sur une base complètement démocratique, la majorité imposerait ses propres valeurs à toutes les minorités qui pourraient avoir des vues différentes quant à ce que devrait être un code éthique appliqué à ingénierie génétique. Le seul code éthique qui protégerait la liberté serait celui qui interdirait TOUTE manipulation génétique sur l’homme, et vous pouvez être surs qu’un pareil code ne sera jamais appliqué dans une société technologique. Tout code qui réduirait l’ingénierie génétique à un rôle mineur ne tiendrait pas longtemps, car la tentation offerte par l’immense pouvoir que confère la biotechnologie serait irrésistible, spécialement dans le cas où pour la majorité des gens la plupart de ces applications sembleraient naturellement et univoquement « bonnes » (élimination des maladies physiques et mentales, possibilité d’accroître la durée de vie,…). Inévitablement, l’ingénierie génétique sera intensivement utilisée, mais uniquement dans des buts compatibles avec les besoins du système techno-industriel. [20]

LA TECHNOLOGIE EST UNE FORCE SOCIALE PLUS FORTE QUE LE DÉSIR DE LIBERTÉ

125. (en) Il n’est pas possible de réaliser un compromis DURABLE entre technologie et liberté, car la technologie est de loin la force sociale la plus puissante et empiète continuellement sur la liberté de compromis SUCCESSIFS en compromis SUCCESSIFS. Imaginons le cas de 2 voisins, chacun possédant la même superficie de terrain ; mais l’un d’entre eux étant plus fort que l’autre. Le fort demande à l’autre une partie de son terrain. Le faible refuse. Le fort dit : « Ok, faisons un arrangement. Donne moi la moitié de ce que je t’ai demandé ». Le faible n’a pas d’autre choix que d’obtempérer. Un peu plus tard, le fort réitère sa demande, de nouveau il y a arrangement, et ainsi de suite. Par cette longue série d’arrangements, le fort finira probablement par se rendre maître de tout le terrain de l’autre. Il en va ainsi du conflit entre technologie et liberté.

126. (en) Expliquons maintenant pourquoi la technologie est une force sociale plus forte que le désir de liberté.

127. (en) Une avancée technologique qui apparaît à première vue comme ne présentant pas de danger pour la liberté se révèle souvent très menaçante au bout d’un certain temps. Par exemple, considérons les transports. Un homme à pied pouvait pratiquement aller où bon lui semblait, à son rythme sans s’occuper des règles du code de la route et était indépendant des structures technologiques. Quand les véhicules à moteurs sont apparus, ils semblaient devoir donner plus de liberté à l’homme. Ils n’empiétaient pas sur la liberté du piéton, personne n’avait d’automobile s’il n’en voulait pas, et celui qui choisissait de posséder une automobile pouvait voyager beaucoup plus vite qu’un homme à pied. Mais l’introduction de ces engins a rapidement changé la société de telle façon que la liberté de se déplacer s’en est trouvée restreinte. Quand les automobiles deviennent trop nombreuses, il devient nécessaire de réglementer leur usage. Dans une voiture, tout spécialement dans les zones fortement peuplées, personne ne peut se déplacer à son rythme, le mouvement est dicté par celui du flot et par les règles du code de la route. De surcroît, l’utilisation d’un moyen de transport motorisé n’est plus simplement optionnel. Depuis l’introduction de ces engins, la conformation de nos villes a tellement changé que la plupart des gens ne peuvent plus vivre sans avoir à se déplacer sur de longues distances entre leur domicile et leur travail, les centres commerciaux, et autres, ce qui fait qu’ils DÉPENDENT de l’automobile pour le transport. Ou bien ils utilisent les transports publics, auquel cas ils ont encore plus perdu quant à leur liberté de déplacement qu’en prenant la voiture. Même la liberté du piéton a été considérablement restreinte. En ville, il est continuellement obligé de s’arrêter aux stops et aux feux qui servent principalement à gérer le trafic automobile. A la campagne le trafic rend la marche extrêmement dangereuse et déplaisante le long des grands-routes (Notez le point important que nous avons illustré avec le cas du transport motorisé : quand un nouvel artefact technologique est introduit en tant qu’option qu’un individu peut refuser ou accepter, il ne RESTE pas souvent optionnel. Dans la majorité des cas, la nouvelle technologie change la société de telle façon que les gens se trouvent CONTRAINTS de l’utiliser).

128. (en) Alors que le progrès technologique DANS SON ENSEMBLE réduit continuellement notre sphère de liberté, chaque nouvelle avancée technologique CONSIDÉRÉE SEULE apparaît sous un jour favorable. L’électricité, l’eau courante, les communications à longue distance… Comment pourrait-on protester contre ces choses ou contre n’importe quelles autres avancées parmi les innombrables qui ont été faites dans la société moderne ? Il aurait été absurde de s’opposer au téléphone par exemple. Ainsi que nous l’avons déjà expliqué dans les paragraphes 59-76, toutes ces avancées technologiques prises ensemble ont créé un monde où le destin de l’individu moyen n’est plus entre ses mains, ou entre celles de ses voisins ou amis, mais dans celles des politiciens, des dirigeants de trusts, et d’inaccessibles et anonymes techniciens et bureaucrates sur lesquels il n’a aucun pouvoir. [21] . Le même processus se poursuivra dans le futur. Prenons l’ingénierie génétique par exemple. Peu de gens résisteront aux techniques génétiques qui élimeront les maladies héréditaires. Elles ne présentent pas d’inconvénient apparent, et empêchent la souffrance. Il est pourtant évident qu’une bonne partie des travaux en génétique transformeront l’homme en un produit manufacturé au lieu qu’il demeure une création du hasard (ou de Dieu, ou ce que vous voulez, suivant vos convictions).

129. (en) Une autre raison pour laquelle la technologie est une force sociale si puissante vient du fait que, dans une société donnée, le progrès technologique avance uniquement dans une seule direction ; il ne peut être arrêté. Une fois qu’un artefact a été introduit, les gens deviennent généralement dépendants de lui, jusqu’à ce qu’il soit remplacé par un artefact plus récent. Ce ne sont pas les individus qui deviennent dépendants, mais le système tout entier (Imaginons ce qui arriverait à l’heure actuelle si les ordinateurs disparaissaient). Ainsi le système ne peut avancer que dans une seule direction, vers toujours plus de progrès technique. La technologie force continuellement la liberté à reculer — sauf destruction complète du système technologique tout entier.

130. (en) La technologie avance à grande vitesse et menace la liberté de tous côtés à la fois (surpopulation, lois et réglementations, sur-dépendance de l’individu vis à vis des grandes organisations, propagande et autres techniques psychologiques, manipulations génétiques, violation de la vie privée par les systèmes de surveillance et les ordinateurs, etc.). Résister à CHACUN de ces dangers requièrerait une longue lutte sociale différente. Ceux qui veulent protéger la liberté sont submergés par l’incroyable nombre de nouvelles attaques et la vitesse à laquelle elles se propagent, ce qui les rend dérisoires et les accule à la reddition. Combattre chacun de ces dangers séparément serait futile. Un succès ne peut être espéré qu’en combattant le système technologique dans son ensemble ; mais ceci est une révolution et pas une réforme.

131. (en) Les techniciens (nous prenons ce terme au sens large de ceux qui exercent une activité spécialisée requérant des études) ont tendance à être tellement impliqués dans leur travail (leur activité compensatrice) que quand un conflit advient entre leur travail technique et leur liberté, ils tranchent presque toujours en faveur de leur travail technique. Ceci est évident pour les scientifiques ; mais cela est visible partout : les éducateurs, les groupes humanitaires, et autres, n’hésitent pas à faire usage de propagande et d’autres techniques psychologiques pour leur permettre de réaliser leurs buts hautement louables. Les firmes, et les agences gouvernementales, quand cela leur parait utile, n’hésitent pas non plus à collecter des renseignements sur les individus sans respect de leur vie privée. Ceux chargés de faire respecter la loi sont souvent ennuyés par les droits constitutionnels des suspects — souvent totalement innocents — et font tout ce qui est légalement en leur pouvoir (voire illégalement) pour contourner ou ignorer ces droits. La plupart de ces éducateurs, de ces fonctionnaires et de ces représentants de la loi croient en la liberté, le respect de la vie privée et les droits constitutionnels, mais quand ceux-ci entrent en conflit avec leur travail, ils estiment en général que ce dernier est plus important.

132. (en) Il est bien connu que les gens travaillent mieux quand ils en espèrent une récompense, que quand ils cherchent à éviter un châtiment, ou quelque chose de négatif. Les scientifiques et autres techniciens sont principalement motivés par les bénéfices qu’ils peuvent retirer de leur travail. Mais ceux qui s’opposent aux atteintes de la technologie contre la liberté travaillent pour éviter quelque chose de négatif ; en conséquence peu de gens travaillent assidûment à cette tâche décourageante. Même si les réformistes arrivent à poser un jalon contre la dégradation à venir de la liberté face à la technologie, la plupart relâcheront leur attention et se consacreront à des activités plus agréables. Mais les scientifiques resteront actifs dans leurs laboratoires, et la technologie et ses progrès repartiront de plus belle, en dépit des barrières, pour exercer de plus en plus de contrôle sur les individus et les rendre encore plus dépendants du système.

133. (en) Ni les accords sociaux, ni les lois, les institutions, les coutumes ou l’éthique ne peuvent fournir une protection durable contre la technologie. L’histoire montre que tous les accords sociaux sont transitoires ; ils évoluent ou disparaissent parfois. Mais les avancées de la technologie sont permanentes au sein d’une société donnée. Supposons par exemple qu’il soit possible d’arriver à un accord social pour empêcher les manipulations génétiques sur l’homme ou éviter qu’elles ne soient utilisées pour des fins qui atteintent à sa liberté et à sa dignité. Mais la technologie attendra son heure. Plus ou moins rapidement, l’accord social tombera en désuétude. Probablement assez rapidement, étant donné l’allure du changement dans cette société. Alors les manipulations génétiques commenceront à mettre à bas notre sphère de liberté et ce fait sera irréversible (à moins d’un effondrement de la société technicienne elle-même). Toutes les illusions concernant un accord permanent doivent être dissipées, il suffit de voir ce qui arrive actuellement à la législation anti-pollution. Il y a quelques années, on aurait pu croire que des mesures légales parviendraient à empêcher les pires abus en matière de dégradation de l’environnement. Un changement politique, et ces mesures commencent déjà à tomber en désuétude.

134. (en) Pour toutes les raisons susdites, la technologie est une force sociale bien plus puissante que l’aspiration à la liberté. Mais des réserves doivent être faites quant à ce constat. Il apparaît que dans les prochaines décades, le système techno-industriel sera agité par de violents remous dus aux problèmes sociaux et environnementaux, et spécialement ceux dus au mal être humain (aliénation, rébellion, hostilité, un certain nombre de difficultés psychologiques et sociales). Nous espérons que ces remous que le système ne manquera pas de supporter le feront s’effondrer, ou au moins l’affaibliront suffisamment pour qu’une révolution éclate et soit victorieuse, et à ce moment là, l’aspiration à la liberté aura prouvé qu’elle est plus forte que la technologie.

135. (en) Au paragraphe 125, nous avons utilisé l’analogie d’un voisin faible dépouillé par un voisin fort qui lui prend sa terre en le forçant à une série de compromis. Mais supposons maintenant que le fort tombe malade, de façon à ce qu’il soit incapable de se défendre. Le faible peut le forcer à lui restituer ses terres ou même le tuer. S’il laisse le fort survivre, et se contente de récupérer la terre, c’est un idiot, car le fort, dès qu’il sera guéri la lui reprendra. La seule alternative raisonnable pour le faible est de tuer le fort, s’il en a l’opportunité. De la même façon, si le système industriel s’affaiblit, nous devons en profiter pour le détruire. Si nous ne le faisons pas et lui laissons le temps de se remettre, il nous dépouillera définitivement de toute liberté.

LES PROBLÈMES SOCIAUX LES PLUS SIMPLES SE SONT RÉVÉLÉS INSOLUBLES

136. (en) Si quelqu’un s’imagine encore qu’il est possible de réformer le système de façon à préserver la liberté de la technologie, qu’il considère les manières boiteuses et souvent inopérantes avec lesquelles notre société a essayé de gérer d’autres problèmes sociaux, de loin plus simples et plus triviaux. Ainsi, le système a été incapable d’arrêter la dégradation de l’environnement, la corruption dans la sphère politique, le trafic de drogue, et autres.

137. (en) Prenons les problèmes de l’environnement, par exemple. Ici les oppositions sont claires : les impératifs économiques contre la volonté de préserver quelques unes des ressources naturelles pour nos petits enfants. [22] Mais sur ce sujet nous avons seulement obtenu des inepties et des déclarations dilatoires de la part des gens qui ont le pouvoir, et non pas un programme d’action clair et cohérent et nous ne pouvons qu’imaginer la montagne de problèmes environnementaux qu’auront à gérer nos petits enfants. Les efforts pour résoudre les problèmes environnementaux se réduisent à des chamailleries et à des compromis entre différentes factions, les unes en position de force à un moment, les autres à un autre. L’énergie pour ce programme varie suivant les mouvements d’humeur de l’opinion publique. Ce n’est pas un processus rationnel, ou c’en est un dont on ne peut espérer une solution adéquate et satisfaisante. La plupart des problèmes sociaux, s’ils veulent être « vraiment » résolus, sont rarement ou jamais résolus de façon rationnelle et claire. C’est un processus confus où de nombreux groupes de pressions poursuivant leurs intérêts propres [23] à court terme arrivent (en général par chance) à un modus vivendi plus ou moins stable. En fait, les principes que nous avons formulés dans les paragraphes 100-106 semblent nous indiquer qu’il est peu probable que les plans sociaux rationnels à long terme puissent JAMAIS prétendre au succès.

138. (en) Ainsi, il apparaît que la race humaine a au mieux une capacité très limitée de résoudre même ses problèmes sociaux les plus triviaux. Comment pourrait-elle résoudre le problème infiniment plus complexe et plus difficile que constitue la réconciliation de la liberté et de la technologie ? La technologie a des avantages clairement mis en avant, alors que la liberté est une abstraction dont la signification varie d’un individu à l’autre, et sa perte est facilement dissimulée par la propagande et les discours mensongers.

139. (en) Et notons cette importante différence. Il est possible que nos problèmes d’environnement (par exemple) soient un jour résolus grâce à un plan clair et rationnel, mais il ne le seront que parce que cela rentre dans les intérêts à long terme du système de résoudre ces problèmes. Mais ce n’est PAS dans l’intérêt du système de préserver la liberté ou l’autonomie des petits groupes. Au contraire, son intérêt est de contrôler le comportement humain sur la plus large échelle possible. [24] . Ainsi, si des considérations pratiques pourront éventuellement forcer le système à entreprendre une action pour la préservation de l’environnement, de semblables considérations forceront le système à prendre en main de façon encore plus drastique le comportement humain (de préférence par des moyens indirects qui dissimuleront l’effritement de la liberté). Ce n’est pas juste notre opinion. D’éminents sociologues (par exemple James Q. Wilson) ont insisté sur l’importance à « socialiser » la population de manière plus efficiente.

LA RÉVOLUTION EST PLUS FACILE QUE LA RÉFORME

140. (en) Nous espérons avoir convaincu le lecteur que le système ne peut être réformé de façon à concilier liberté et technologie. La seule méthode est de mettre à bas le système techno-industriel dans son ensemble. Ceci implique une révolution, pas nécessairement une insurrection armée, mais un changement radical et profond dans la nature de notre société.

141. (en) Les gens ont tendance à penser que du fait que la révolution engendre de plus grands changements que la réforme, elle est plus difficile à mettre en œuvre que cette dernière. En fait dans certaines conditions, la révolution est plus aisée que la réforme. Ceci vient de ce qu’un mouvement révolutionnaire peut inspirer bien plus d’enthousiasme qu’une réforme. Cette dernière en général n’offre qu’une solution à un problème social particulier. La révolution propose de résoudre tous les problèmes en une fois et recréer un monde nouveau ; elle procure un idéal à ceux qui prendront les plus grands risques et assumeront les plus grands sacrifices. Pour toutes ces raisons, il pourrait être plus facile de détruire tout le système technologique que de mettre en application des restrictions efficaces, durables envers le développement d’applications dans un quelconque secteur de la technologie, comme l’ingénierie génétique, alors que dans les conditions adéquates, de nombreuses personnes pourraient de dévouer corps et âme à une révolution contre le système techno-industriel. Comme nous l’avons noté dans le paragraphe 132, les réformistes qui tentent de limiter certains aspects de la technologie travaillent pour éviter des résultats négatifs. Mais les révolutionnaires se battent pour un résultat positif — l’accomplissement de leurs visées révolutionnaires — et de ce fait œuvrent plus durement et plus obstinément que les réformistes.

142. (en) Les réformes sont toujours limitées par la crainte des conséquences douloureuses si les changements sont trop importants. Mais une fois que la fièvre révolutionnaire s’est emparée d’une société, les gens sont prêts à supporter des épreuves sans nom pour la réussite de leur révolution. Cela a clairement été le cas pour les révolutions française ou russe. Il est possible que seule une minorité ait été impliquée dans la révolution, mais cette minorité était assez forte et activiste pour devenir la force dominante de la société. Nous en dirons plus sur la révolution dans les paragraphes 180-205.

LE CONTRÔLE DU COMPORTEMENT HUMAIN

143. (en) Depuis le début de la civilisation, les sociétés organisées ont du faire pression sur les êtres humains pour arriver à fonctionner. Les moyens de pression varient considérablement d’une société à l’autre. Certains sont physiques (sous-alimentation, travail harassant, pollution de l’environnement), certains sont psychologiques (bruit, entassement, mise au moule du comportement humain). Dans le passé la nature humaine a été à peu près constante ou a varié seulement avec une amplitude faible. En conséquence les sociétés n’étaient pas capables de contraindre les gens au-delà d’une certaine limite. Quand cette limite avait été franchie, les choses commençaient à se gâter : apparaissaient rébellion, crime, corruption, absentéisme, dépression ou d’autres problèmes psychologiques, taux de mortalité élevé ou de natalité faible, et ainsi de suite, ce qui fait que soit cette société s’effondrait, soit elle déclinait et (plus ou moins rapidement, par la conquête, l’usure, ou une évolution) était remplacée par une autre, plus efficace. [25]

144. (en) Ainsi, dans le passé, la nature humaine avait mis certaines limites au développement des sociétés. Les gens ne pouvaient être contraints indéfiniment. Mais aujourd’hui, les choses ont changé, car la technologie propose des moyens de changer les êtres humais.

145. (en) Imaginons une société qui soumette les individus à des conditions qui les minent psychologiquement, mais qui leur fournit des drogues pour remonter leur moral. Science fiction ? Cela arrive de nos jours dans une large mesure au sein de notre société. Il est bien connu que les cas de dépression nerveuse ont considérablement augmenté ces dernières décades. Nous pensons que cela est du à l’effritement du processus de pouvoir ainsi que nous l’avons expliqué aux paragraphes 59-76. Mais même si nous nous trompons, il est évident que l’augmentation des cas de dépression provient de CERTAINES conditions existantes dans notre société. Au lieu de faire disparaître les conditions dépressiogènes, la société moderne leur fournit des antidépresseurs. En effet, ces substances permettent de modifier le comportement d’un individu de façon à ce qu’il tolère des conditions qui ne supporteraient pas autrement (certes nous savons que la dépression est parfois d’origine génétique, nous nous référons ici au cas où l’environnement joue un rôle prépondérant).

146. (en) Les substances psychotropes ne sont qu’un des exemples de contrôle du comportement humain. Voyons les autres.

147. (en) D’abord, il y a les techniques de surveillance. Des caméras dissimulées sont employées dans la plupart des magasins, et dans bien d’autres endroits, les ordinateurs sont utilisés pour collecter et traiter d’énormes quantités de données sur chaque individu. Les informations ainsi obtenues augmentent de manière considérable l’efficacité des moyens de coercition physique. [26] . Enfin, il y a les méthodes de propagande, dont les mass media sont les vecteurs les plus efficaces. Des techniques efficaces ont été mises au point pour gagner les élections, vendre des produits, influencer l’opinion publique. L’industrie du « divertissement » [entertainment] est un important outil psychologique du système, peut-être même lorsqu’il déverse des flots de sexe et de violence. Le « divertissement » offre à l’homme moderne parmi les meilleurs moyens d’évasion. Tant qu’il est absorbé par la télévision, les vidéos, etc., il peut oublier le stress, l’angoisse, la frustration, l’insatisfaction. La plupart des hommes primitifs, lorsqu’ils ne travaillaient pas, étaient satisfaits de rester assis à ne rien faire, car ils étaient en paix avec eux-mêmes et avec le monde. Mais la plupart des hommes modernes doivent être occupés ou divertis, sans quoi ils s’ennuient, c.à.d ils deviennent nerveux, instables, irritables.

148. (en) D’autres techniques sont encore plus sournoises que les précédentes. L’éducation n’est plus simplement une affaire de fessée quand l’enfant ne connaît pas sa leçon ou de récompenses quand il la sait. C’est devenu une technique scientifique pour contrôler le développement des enfants. Les centres d’éducation Sylvan, par exemple, ont eu un grand succès en motivant les élèves pour leurs études, et des techniques psychologiques sont aussi utilisées avec plus ou moins de réussite dans les écoles traditionnelles. Les techniques « parentales » que l’on enseigne aux parents sont destinées à faire accepter aux enfants les valeurs fondamentales du système et à rester sur les voies qui lui sont utiles. Les programmes de « santé mentale », les techniques « d’intervention », la psychothérapie, et autres sont présentées comme étant bénéfiques pour l’individu, mais en pratique ne sont que des méthodes visant à contraindre les individus à penser et à se comporter comme le système le désire (Il n’y a aucune contradiction ; un individu dont le comportement ou les actions entrent en conflit avec le système se trouve face à face avec une puissance bien trop forte pour lui permettre de s’imposer ou de fuir, ce qui fait qu’il souffre alors de stress, de frustration, de sentiment d’impuissance. Sa vie de tous les jours sera bien plus facile s’il fait ce que le système attend de lui. Ainsi, le système travaille pour le bien des individus en leur lavant le cerveau pour s’assurer de leur conformisme). Les brutalités contre les enfants sous leurs formes « évidentes » sont condamnées par la majorité, si ce n’est toutes les cultures. Tourmenter un enfant, pour une raison donnée ou sans raison, est quelque chose qui répugne à presque tout le monde. Mais beaucoup de psychologues interprètent le terme de « brutalité » de manière beaucoup plus large. Est-ce qu’une fessée, quand elle est autorisée par un système d’éducation cohérent et rationnel, doit être considérée comme une brutalité ? La question ne peut-être résolue qu’en considérant qu’une fessée est un bon moyen ou non pour permettre à une personne de s’insérer convenablement dans une société donnée. En pratique, le mot « brutalité » tend à être interprété comme tout moyen de « dressage » des enfants qui génère des comportements nuisibles au système. Ainsi, lorsqu’ils veulent s’en prendre à la cruauté brute, sans motif, les programmes pour prévenir la brutalité contre les enfants, sont dans la ligne du système.

149. (en) Il est probable que la recherche continuera pour augmenter l’efficience des techniques psychologiques pour contrôler le comportement humain. Mais nous pensons que les techniques psychologiques seules sont insuffisantes pour adapter les êtres humains au type de société que secrète la technologie. Des méthodes biologiques seront certainement utilisées. Nous avons déjà fait mention des médicaments. La neurologie peut fournir d’autres voies pour modifier l’esprit humain. L’ingénierie génétique est déjà en train de se mettre en place sous la forme du « soin génétique », et il n’y a pas de raison de penser que de telles méthodes ne seront pas utilisées pour modifier le corps de façon à affecter le fonctionnement mental.

150. (en) Comme nous l’avons mentionné au paragraphe 134, la société industrielle semble devoir entrer dans une période de turbulences, due en partie aux problèmes du comportement humain, et aussi à ceux de l’économie et de l’environnement. Et une large part des problèmes économiques et environnementaux du système provient de la façon dont se comportent les êtres humains. L’aliénation, la faible estime de soi, la dépression, l’hostilité, la rébellion ; les enfants qui ne veulent pas étudier, les gangs de jeunes, la consommation de drogue, les viols, les sévices à l’encontre des enfants, les autres délits, le sexe unsafe, les grossesses chez les adolescentes, la surpopulation, la corruption de la classe politique, la haine raciale, les rivalités ethniques, les conflits idéologiques aigus (pour ou contre l’avortement, par exemple), l’extrémisme politique, le terrorisme, le sabotage, les groupes antigouvernementaux ou antisociaux. Tout cela constitue une menace pour la survie du système. Il va être FORCE de prendre des mesures efficaces pour contrôler le comportement humain.

151. (en) La décomposition sociale que nous observons à l’heure actuelle n’est certainement pas due à la malchance. Elle ne peut être due qu’aux conditions de vie que le système impose aux gens.(nous avons souligné que la plus importante de ces conditions est la destruction du processus de pouvoir). Si le système réussit à imposer un contrôle suffisant pour contrôler le comportement humain de façon à assurer sa propre survie, un nouveau seuil de l’histoire aura été franchi. Puisque, en gros, les limites de l’endurance humaine ont été celles du développement social (comme nous l’avons expliqué aux paragraphes 143,144), la société techno-industrielle devra dépasser ces limites en modifiant les êtres humains, que ce soit par des moyens psychologiques ou biologiques, ou les deux. Dans le futur, le social ne s’adaptera pas aux besoins des individus, mais ces derniers s’ajusteront pour répondre aux demandes du système. [27]

152. (en) De manière générale, le contrôle technologique sur le comportement humain n’est pas le produit d’un totalitarisme conscient ou même pour ouvertement restreindre les libertés [28] . Chaque pas sur le chemin de la prise de contrôle de l’esprit humain a été pensé comme une réponse rationnelle à un problème qui se posait à une société, comme limiter l’alcoolisme, réduire la criminalité ou inciter la jeunesse à s’engager dans des études techno-scientifiques. Dans beaucoup de cas, des justifications humanitaires ont pu être mises en avant. Par exemple, quand un psychiatre prescrit un antidépresseur, il vient en aide à un patient souffrant. Il semblerait inhumain de priver de médicaments quelqu’un qui en a besoin. Quand des parents envoient leurs enfants aux centres d’éducation Sylvan de façon à ce qu’ils soient manipulés pour s’aliéner dans leurs études, ils le font pour assurer un avenir à leur progéniture. Peut-être que certains de ces parents espèrent que personne n’a besoin de suivre un apprentissage dégradant pour obtenir un job, et que leur enfant ne subira pas un lavage de cerveau pour devenir un demeuré de l’ordinateur. Mais que peuvent-ils faire ? Ils ne peuvent changer la société, et leurs enfants seront chômeurs s’ils n’acquièrent pas certaines capacités. Alors ils les envoient à Sylvan.

153. (en) Ainsi, le contrôle du comportement humain se fera non pas du fait d’une décision calculée des autorités, mais au fur et à mesure d’une évolution sociale (une évolution RAPIDE, toutefois). Il sera impossible de lui résister, car chaque étape, considérée en elle-même, apparaîtra comme bénéfique, à plus ou moins long terme, ou du moins, le mal créé par cette avancée semblera moindre que celui qui aurait été produit si elle n’avait pas eu lieu (voir paragraphe 127). La propagande par exemple sert pour de bonnes causes, comme s’opposer aux mauvais traitements contre les enfants ou la haine raciale [14] . L’éducation sexuelle est évidemment utile, mais son effet (du moins dans sa partie positive) est de faire se modeler les comportements sexuels hors de la famille pour qu’ils le soient par les mains de l’état, par le biais du système scolaire.

154. (en) Supposons qu’on découvre un « gène de la criminalité » et qu’on ait aussi le moyen de prévenir cela [29] . Evidemment les parents des enfants « atteints » seront soumis à cette thérapie. Il serait inhumain de procéder autrement et de laisser l’enfant grandir pour finir comme un misérable criminel. Mais beaucoup, si ce n’est la plupart des sociétés primitives avaient une faible criminalité en comparaison de la nôtre, même si elles n’avaient aucun moyen sophistiqué de suivi des enfants, ni de systèmes élaborés de répression. Comme il n’y a pas de raison de supposer que l’homme moderne ait plus de dispositions innées que son ancêtre pour le mal, notre forte criminalité doit être due à la pression que la modernité fait peser sur les gens, dont beaucoup ne peuvent, ni ne pourront s’adapter. Ainsi un traitement pour annihiler des dispositions criminelles potentielles est, au moins en partie, un moyen de reformater les gens pour qu’ils soient « aptes » au système.

155. (en) Notre société a tendance à regarder comme une « maladie » quelque mode de pensée ou quelque comportement qui n’est pas conforme, et il est plausible qu’un individu qui ne s’adaptera pas souffrira en même temps qu’il posera des problèmes au système. De cette façon, toutes les formes de manipulations à l’encontre des individus sont perçues comme un « traitement » contre une « maladie », et donc comme un bien.

156. (en) Dans le paragraphe 127, nous avons souligné que l’utilisation d’un nouvel objet technologique est INITIALEMENT optionnelle, mais qu’elle ne le reste pas car cette nouvelle technologie tend à changer la société de façon à ce qu’il devienne difficile ou impossible pour un individu de se passer de cette technologie. Ceci s’applique aussi à la technologie du contrôle humain. Dans un système où la majorité des enfants sont programmés pour se passionner pour leurs études, un parent sera obligé de faire passer son enfant par un tel chemin, parce qu’il ne peut faire autrement, sans quoi, son enfant deviendra, par comparaison, un ignorant et, à terme, un chômeur. Ou supposons qu’on trouve un moyen de réduire le stress dont souffrent la plupart des gens, et ce sans effets indésirables. Si la majorité se soumet au traitement, le niveau général de stress s’en trouvera effectivement amoindri et le système pourra relever le niveau de stress induit en conséquence. En fait, un moyen de réduction du stress existe déjà : le divertissement de masse (voir paragraphe 147). Son utilisation est « optionnelle » : aucune loi ne nous oblige à regarder la télévision, écouter la radio ou lire les magazines. Mais le divertissement de masse est un moyen de réduire le stress et de s’évader dont beaucoup sont devenus dépendants. Tout le monde se plaint de la nullité de la télévision, mais presque tout le monde la regarde. Quelques uns se sont débarrassés de l’accoutumance à la télévision, mais ils sont rares ceux qui parviennent à vivre aujourd’hui sans user d’AUCUNE forme du divertissement de masse (jusqu’à récemment, la plupart des gens se satisfaisaient de ce qu’ils trouvaient dans leur entourage proche). Sans l’industrie du spectacle, le système n’aurait pas été capable de nous contraindre à un tel stress que celui que nous subissons.

157. (en) En supposant que la société techno-industrielle survive, il est hautement probable que la technologie acquerra un contrôle presque absolu sur le comportement humain. Il a été établi, sans le moindre doute, que la pensée et le comportement humain ont un fondement majoritairement biologique. Comme l’ont démontré de nombreuses expériences, des sentiments comme la colère, le plaisir, la faim et la peur peuvent être activées ou désactivées grâce à des stimulus électriques sur les parties appropriées du cerveau. De même pour la mémoire. Des drogues peuvent provoquer des hallucinations ou simplement changer l’humeur. Il peut exister ou non une âme immatérielle, mais il est clair qu’elle a moins de force que les mécanismes biologiques. Si ce n’était pas le cas, les chercheurs n’arriveraient pas si facilement à contrôler les pensées et comportements humains par des moyens chimiques ou électriques.

158. (en) Il est probable qu’il sera difficile de placer des électrodes dans la tête des gens de façon à pouvoir les contrôler. Mais le fait que les sentiments et pensées humaines soient si ouvertes aux interventions biologiques montre que le problème du contrôle de l’humain relève essentiellement du domaine technologique ; un « simple » problème de neurones, d’hormones, et de molécules complexes ; le genre de problème parfaitement solvable de manière scientifique. En gardant en tête cette obsession de notre société pour le contrôle social, on peut pronostiquer sans le moindre risque que de grandes avancées dans ce domaine ne vont pas tarder à être faites.

159. (en) Est ce que la résistance populaire empêchera le contrôle technologique du comportement humain ? Ce serait le cas si l’on tentait d’imposer un tel contrôle d’un coup. Mais comme ce dernier s’insinuera progressivement, il n’y aura aucune résistance au bout du compte (voir paragraphes 127, 132, 153).

160. (en) A ceux qui pensent que tout cela relève de la science-fiction, nous ferons remarquer que la science-fiction d’hier est devenue la réalité d’aujourd’hui. La révolution industrielle a complètement modifié l’environnement et le mode de vie de l’homme, et comme on peut s’attendre à ce que la technologie soit appliquée au corps et à l’esprit humain, l’homme lui-même sera aussi radicalement modifié que l’ont été son environnement et son mode de vie.

LA RACE HUMAINE À UN CARREFOUR

161. (en) Mais nous sommes allés trop vite dans notre histoire. C’est une chose de développer en laboratoire des techniques psychologiques et/ou biologiques pour contrôler le comportement humain, c’en est une autre de les insérer dans un système social. Ce dernier problème est le plus ardu des deux. Par exemple, tandis que des techniques adéquates fonctionnent sans doute assez bien dans les « écoles labos », il n’est pas forcément évident de les appliquer à l’ensemble de notre système scolaire. Nous savons tous à quoi ressemblent nos écoles. Les professeurs sont trop occupés à confisquer les couteaux et les revolvers aux enfants pour pouvoir les soumettre aux dernières techniques qui les transformeront en « pc-zombies ». Ainsi, malgré son avance théorique dans le domaine des techniques de contrôle comportemental, le système n’a pas vraiment été victorieux dans sa croisade pour le contrôle effectif de l’homme. Les gens dont le comportement est globalement celui qu’on lui a inculqué sont ceux qu’on pourrait appeler des « bourgeois ». Mais il y a un nombre croissant de gens qui d’une manière ou d’une autre se comportent en rebelles : laissés pour compte, jeunes des gangs, satanistes, nazis, écologistes radicaux, miliciens, etc.

162. (en) Le système est actuellement engagé dans un combat désespéré pour résoudre des problèmes qui le menacent, parmi lesquels celui du contrôle comportemental est le plus important. Si le système réussit assez rapidement dans son entreprise de contrôle du comportement humain, il pourra probablement survivre. Nous pensons que cela pourrait se faire d’ici quelques décades, disons 40 à 100 ans.

163. (en) Supposons que le système survive à la crise des prochaines décades. Il devra donc avoir résolu, ou du moins maîtrisé, les principaux problèmes, particulièrement celui de « socialiser » les êtres humains. ; c.à.d avoir rendu les gens suffisamment dociles pour qu’ils ne constituent plus une menace. Ceci fait, il apparaît qu’il ne pourra plus y avoir aucun obstacle au développement sans frein de la technologie, et sa conclusion logique qui est le contrôle absolu de tout ce qui vit sur terre, y compris les hommes et les animaux supérieurs. Le système pourra devenir une organisation monolithique ou un ensemble de conglomérats coexistants dans un mélange de coopération et de compétition, comme actuellement les gouvernements, les trusts, et autres groupes de pression. La liberté humaine sera pratiquement anéantie, car l’individu ou les petits groupes seront impuissants contre les gigantesques organisations disposant de moyens hi-tech et d’un arsenal de moyens psychologiques et biologiques pour manipuler les êtres humains, en plus des outils de surveillance et de coercition proprement dite. Seul un nombre limité de gens auront un pouvoir réel, et même ceux-ci n’auront qu’une liberté limitée, car leur comportement sera par trop régulé, comme de nos jours nos politiciens ou nos dirigeants de multinationales.

164. (en) Ne nous imaginons pas que le système s’arrêtera de développer des moyens de contrôle comportemental une fois la crise des prochaines décades achevée, et qu’un contrôle croissant ne sera plus nécessaire à sa survie. Au contraire, une fois la période difficile passée, le système augmentera sa puissance de contrôle encore plus vite, car il ne sera plus freiné par ce que nous connaissons actuellement. La survie n’est pas la seule motivation pour étendre son pouvoir. Comme nous l’avons expliqué aux paragraphes 87-90, les techniciens et les scientifiques vivent leur travail comme une activité compensatrice ; c.-à-d qu’ils satisfont leur besoin de pouvoir en résolvant des problèmes techniques. Il continueront donc à le faire avec un enthousiasme intact, et parmi les problèmes les plus « exaltants » à résoudre, se trouveront les « comment » du corps et de l’esprit humain, et la manière de s’y immiscer. Pour « le bien de l’humanité », bien entendu.

165. (en) Mais d’un autre côté, supposons que la lutte des prochaines décades s’avère trop forte pour le système. S’il s’effondre, il y aura certainement une période de chaos, une « ère de troubles » comme l’histoire en a déjà enregistrées dans le passé. Il est impossible de prédire ce qui émergera de cette période troublée, mais la race humaine n’aura pas d’autre chance. Le plus grand danger serait que la société industrielle se reconstitue peu à peu après l’effondrement. Il y a certainement de nombreuses personnes (avides de pouvoir tout particulièrement) qui seront pressés de voir les usines fonctionner de nouveau.

166. (en) Par conséquent, ceux qui haïssent la servitude qu’impose le système s’attelleront à deux tâches. Premièrement, ils doivent maintenir une tension sociale de façon à affaiblir le système pour que la révolution devienne possible. Deuxièmement, il est nécessaire de développer et de propager une idéologie qui s’oppose à la propagande techno-industrielle et qui permettra de l’éradiquer à jamais. Les usines doivent être détruites, les livres techniques brûlés, etc.

LA SOUFFRANCE DE L’HOMME

167. (en) Le système techno-industriel ne s’effondrera pas simplement du fait d’une révolution. Il n’y sera vulnérable que si ses propres problèmes de développement interne l’ont conduit à de graves dysfonctionnements. Ainsi, si le système s’écroule, il le fera soit spontanément, soit suivant un processus en partie spontané, mais avec l’aide de révolutionnaires. Si la chute est soudaine, de nombreuses personnes mourront, puisque démographiquement parlant, ils ne peuvent plus être nourris que par le biais de la technologie avancée. Même si l’effondrement est suffisamment graduel pour que la réduction de la population se fasse plutôt par le déclin du taux de natalité que par celui du taux de mortalité, le processus de désindustrialisation sera certainement extrêmement chaotique et entraînera de nombreuses souffrances. Il est naïf de croire que la technologie peut-être éliminée par phases graduelles de manière contrôlée, tout particulièrement parce que les technophiles se battront avec acharnement à chaque étape. En conséquence, n’y a-t-il pas de la cruauté à vouloir la fin du système ? Peut-être que oui, peut-être que non. Tout d’abord, les révolutionnaires ne seront capables d’abattre le système que s’il se trouve empêtré dans de graves problèmes tels qu’il est probable qu’il se disloque de lui-même. Et plus le système devient omnipotent, plus désastreuses seront les conséquences de son effondrement. Ainsi, il est possible qu’en hâtant la chute, les révolutionnaires réduisent l’étendue des dégâts.

168. (en) Deuxièmement, il faut mettre en balance la mort/la faim et la perte de liberté/dignité. Pour beaucoup d’entre nous, la liberté et la dignité sont plus importantes qu’une longue vie exempte de douleur physique. De surcroît, nous mourrons tous un jour, et il peut-être préférable de mourir pour sa survie ou pour une cause que de vivre une vie longue mais vide et sans but.

169. (en) En troisième lieu, il n’est pas du tout certain que la survie du système conduise à moins de souffrance que son effondrement. Le système a déjà causé et continue à causer une immense souffrance partout dans le monde. Les cultures traditionnelles, qui pendant des siècles ont assuré un équilibre entre les individus et leur environnement, ont été laminées au contact de la société industrielle, et le résultat à été un immense champ de problèmes économiques, sociaux, environnementaux et psychologiques. Un des effets de l’intrusion de la société industrielle a été que les moyens traditionnels de contrôle de la population ont été anéantis. D’où une explosion démographique, avec tout ce que cela implique. De plus, il faut tenir compte de la souffrance psychologique qui s’étend sur les pays occidentaux, supposés fortunés (voir paragraphes 44, 45). Personne ne sait ce qu’il résultera de la disparition de la couche d’ozone, de l’effet de serre, et autres problèmes environnementaux qui ne sont pas encore visibles. Et comme la prolifération nucléaire l’a montré, la technologie ne peut être tenue hors des mains des dictateurs irresponsables du Tiers-Monde. Avez vous envie de spéculer sur ce que l’Irak ou la Corée du Nord feront de l’ingénierie génétique ?

170. (en) « Oh », disent les technophiles, « la science va arranger tout cela ! Nous allons éradiquer la famine, éliminer la souffrance psychologique, rendre tout le monde heureux et en bonne santé ! » C’est ça… C’est ce qu’ils disaient il y a deux cent ans. La Révolution Industrielle était censée éliminer la pauvreté, répandre le bonheur, etc. On est loin du compte. Les technophiles sont désespérément naïfs (ou décevants) en ce qui concerne la compréhension des problèmes sociaux. Il sont incapables de comprendre (ou feignent de l’être) que de grands changements au sein d’une société, même s’ils semblent bénéfiques, conduisent à une chaîne d’autres changements, dont la plupart sont impossibles à prévoir (paragraphe 103). Le résultat en est la désagrégation de la société. Ainsi, il est probable que dans leurs tentatives pour mettre un terme à la pauvreté et à la maladie, rendre les personnalités dociles, heureuses, et ainsi de suite, les technophiles créeront des systèmes sociaux extrêmement troublés, peut-être plus qu’actuellement. Par exemple, les scientifiques se vantent de pouvoir combattre la famine en créant génétiquement de nouvelles plantes. Mais ceci permettra à la population humaine de continuer à s’accroître indéfiniment, et il est bien connu que la surpopulation conduit à une augmentation de stress et d’agressivité. C’est au moins un exemple de problème PREVISIBLE qui pourrait advenir. Nous pouvons en inférer que, comme l’a montré le passé, le progrès technique amène de nouveaux problèmes bien plus vite que les anciens ne peuvent être résolus. Ainsi, une longue et pénible période d’ajustements sera nécessaire aux technophiles pour débarrasser leur Meilleur Des Mondes de ses bugs (s’ils s’y arrivent). Dans le même temps la souffrance s’accroîtra. Il n’est donc pas certain du tout que de la survie de la société industrielle résultera moins de douleurs que de son effondrement. La technologie a placé la race humaine à un endroit d’où il n’est pas facile de trouver une issue facile.

L’AVENIR

171. (en) Mais supposons maintenant que la société industrielle survive aux prochaines décades, et que les bugs soient éliminés, de façon à ce que le système fonctionne sans heurts. Quelle en sera sa nature ? Nous envisagerons plusieurs possibilités.

172. (en) Tout d’abord supposons que les ordinateurs soient devenus des machines telles qu’elles peuvent faire tout ce que fait un homme, en mieux. Dans ce cas, vraisemblablement, tout travail sera fait par d’immenses systèmes de machines hautement organisées et aucun effort humain ne sera plus nécessaire. Dans ce cas, de deux choses l’une. Ou les machines opèrent sans aucun contrôle humain ou ce dernier a encore un droit de regard.

173. (en) Si les machines sont complètement autonomes, nous ne pouvons faire aucune conjecture quant aux résultats, car il est impossible de savoir comment de telles machines se comporteront. Nous voulons juste signaler que le destin de la race humaine sera à la merci des machines. On rétorquera que la race humaine ne sera jamais assez folle pour laisser tout le pouvoir aux machines. Mais nous ne voulons pas dire que la race humaine abandonnera volontairement sa destinée aux machines, ni que ces dernières deviendront omnipotentes de leur propre chef. Ce que nous suggérons, c’est que la race humaine pourrait facilement se mettre dans une position de dépendance telle qu’il n’y aurait pas d’autre choix que d’accepter toutes les décisions des machines. Comme la société et les problèmes auxquels elle est confrontée deviennent de plus en plus complexes, et, que dans le même temps, les machines deviennent de plus en plus intelligentes, les gens laisseront les machines prendre les décisions à leur place, pour la simple raison que les résultats fournis par les machines seront meilleurs que ceux qu’aurait pu fournir un homme. Eventuellement, un niveau pourra être atteint où les décisions à prendre pour maintenir le système à flot deviendront tellement complexes que les êtres humains seront incapables de le faire. A ce moment là, les machines auront le pouvoir effectif. Les gens ne seront plus capables d’arrêter les machines, car ils en seront trop dépendants pour risquer un suicide.

174. (en) D’un autre côté, il est possible que le contrôle humain sur les machines puisse être maintenu. Dans ce cas, l’homme moyen pourra contrôler certaines machines domestiques, comme sa voiture ou son ordinateur familial, mais le contrôle des gros complexes cybernétiques sera entre les mains d’une élite très réduite — comme maintenant, mais avec deux différences. Du fait du perfectionnement des techniques, l’élite aura un bien plus grand contrôle sur les masses, et comme le travail humain sera devenu inutile, les masses deviendront superflues, un fardeau encombrant pour le système. Si l’élite est sans pitié, elle peut simplement décider d’exterminer la plus grande partie de l’humanité. Si elle est humaine, elle peut user de propagande ou de techniques bio-psychologiques pour réduire le taux de natalité, jusqu’à extinction des désœuvrés, laissant ainsi le monde à l’élite seule. Ou, si l’élite est constituée de libéraux « au cœur tendre », elle peut décider de jouer le rôle du bon berger pour le reste de la population. Elle fera en sorte que les besoins physiques de chacun soient satisfaits, que les enfants soient éduqués dans de bonnes conditions d’hygiène mentale, que tout le monde ait un hobby prenant pour pouvoir s’occuper, et que celui qui devienne insatisfait se soumette au « traitement » qui le guérira de sa « maladie ». Evidemment, une telle vie sera tellement vide de sens que les gens devront avoir été formatés biologiquement ou psychologiquement pour éradiquer leur besoin de processus de pouvoir ou pour le « sublimer » au travers de quelques activités sans danger. Ces êtres humains standardisés seront peut-être heureux dans une telle société, mais il ne seront certainement pas libres. Ils auront été réduits au rang d’animaux domestiques.

175. (en) Mais supposons maintenant que les informaticiens n’arrivent pas à développer une intelligence artificielle digne de ce nom, ce qui rendra le travail humain encore nécessaire. Même ainsi, Les machines prendront à leur compte la majorité des travaux les plus simples, ce qui entraînera un accroissement des travailleurs à faible qualification inemployés (c’est ce qui arrive actuellement ; beaucoup de gens ne trouve pas de travail ou avec les plus grandes difficultés, parce que pour des raisons intellectuelles ou psychologiques, ils ne peuvent acquérir le niveau de compétences requis pour se rendre utiles pour le système). Ceux qui travaillent sont soumis à des pressions croissantes ; ils auront besoin de plus en plus de stages, de plus en plus de compétences diverses et pointues, et devront même se montrer encore plus efficaces, conformes et dociles, car ils ne seront désormais rien de plus que des cellules dans un organisme géant. Leurs tâches deviendront extrêmement spécialisées ce qui fait que leur travail sera, en un sens, déconnecté du monde réel, puisqu’ils seront polarisés sur un infiniment petit de la réalité. Le système utilisera tous les moyens dont il dispose (psychologiques/biologiques) pour formater les gens, les rendre dociles, pour qu’ils acquièrent les compétences dont le système a besoin et qu’ils « subliment » leur besoin de pouvoir au travers des tâches qui leur seront dévolues. Mais le fait que les gens d’une telle société devront être dociles requière certaines capacités. La société peut trouver l’esprit de compétition utile, fournissant à ceux qui ne vivent que pour la compétition des filières qui serviront les intérêts du système. Nous pouvons imaginer le « dedans » de ces filières. Nous pouvons imaginer une société à venir dans laquelle n’existeront que des compétitions sans fin pour le pouvoir et/ou le prestige. Mais très peu de gens arriveront au sommet, là où se trouve le véritable pouvoir (voir la fin du paragraphe 163). Une société où une personne peut satisfaire son désir de pouvoir en écrasant toutes les autres sur son passage, les privant ainsi de LEURS opportunités de pouvoir, une telle société serait répugnante.

176. (en) On peut encore envisager d’autres scénarios à partir des diverses possibilités dont nous venons de discuter. Par exemple, il est possible que les machines s’emparent du travail vraiment important, vital, tandis que les hommes ne se consacrent qu’à des tâches secondaires. On a suggéré, par exemple, que le développement de l’industrie des services procurerait des emplois à beaucoup de personnes. Ainsi les gens passeraient leur temps à cirer les chaussures des autres, à conduire autour des stations de taxis, à faire des paquets cadeaux, etc. Cela nous parait une manière de finir des plus méprisables pour la race humaine, et nous doutons que beaucoup de personnes s’épanouiront dans de telles activités ineptes. Ils voudront chercher d’autres, de plus dangereuses alternatives (drogues, criminalité, cultes, « hate groups ») sauf s’il sont psychologiquement ou biologiquement formatés pour s’adapter à une pareille vie.

177. (en) Inutile de le dire, les scénarios développés plus haut ne sont pas exhaustifs. Ils indiquent seulement les possibilités qui nous paraissent les plus probables. Mais nous ne pouvons en envisager de plus agréables. Il est extrêmement probable que si le système techno-industriel survit aux 40 à 100 années à venir, il aura dans l’intervalle développé certaines caractéristiques : Les individus (au moins les « bourgeois », qui sont bien intégrés dans le système et le font tourner, et qui de ce fait détiennent le pouvoir) seront dépendants comme jamais des grandes superstructures ; ils seront « socialisés » à outrance et leur capacités mentales et physiques pour une grande part (pour la plus grande part, probablement) seront celles pour lesquelles ils auront été formatés et ne seront pas dues à la chance (ou à la volonté de Dieu, si on veut) ; et ce qu’il pourra rester de nature sauvage sera réduit à des lambeaux préservés pour l’étude scientifique et gardé sous le contrôle des scientifiques (et, ainsi, il n’y aura plus rien de sauvage). Dans longtemps (disons dans quelques siècles), il est probable que ni l’homme, ni les organismes supérieurs n’existeront sous la forme que nous leur connaissons maintenant, car à partir du moment où vous commencez à modifier des espèces à l’aide de l’ingénierie génétique, il n’y a pas de raisons de s’arrêter en si bon chemin, et, donc, les transformations continueront jusqu’à ce que plus rien ne soit reconnaissable.

178. (en) Quoi qu’il en soit, il est certain que la technologie est en train de créer pour l’homme un environnement physique et social radicalement différent de tous ceux auxquels la sélection naturelle avait adapté la race humaine physiquement et psychologiquement. Si l’homme ne s’adapte pas à ce nouvel environnement en étant artificiellement formaté, alors, il s’y adaptera au long d’un douloureux processus de sélection naturelle. Ce dernier cas est de loin plus probable que le précédent.

179. (en) Il serait préférable de jeter aux ordures tout ce système puant et d’en assumer les conséquences.

STRATÉGIE

180. (en) Les technophiles nous embarquent tous pour un bond d’une rare inconscience dans l’inconnu. La plupart des gens qui comprennent quelque peu ce que le progrès technologique est en train de nous faire n’en adoptent pas moins une attitude passive car ils pensent que tout cela est inévitable. Mais nous (FC) ne sommes pas de cet avis. Nous pensons que cela peut être arrêté, et nous donnerons ici certaines indications pour ce faire.

181. (en) Comme nous l’avons établi au paragraphe 166, les deux tâches à mettre en œuvre sont : l’augmentation du stress et de l’instabilité sociale et le développement et la propagation d’une idéologie qui s’oppose à celle dispensée par le système techno-industriel. Quand le système deviendra suffisamment instable et soumis à de rudes pressions, une révolution contre la technologie deviendra possible. Les sociétés russe et française, plusieurs décades avant leurs révolutions respectives, avaient montré des signes croissants de tensions et de faiblesse. Dans le même temps, des idéologies étaient développées qui offraient une vue du monde radicalement différentes de l’ancienne. Dans le cas russe, les révolutionnaires travaillaient activement à saper les fondements de l’ordre ancien. Ainsi, lorsque le système fut soumis à des rudes pressions (crise financière en France, défaites militaires en Russie), il fut balayé par la révolution. C’est ce que nous allons proposer dans cet esprit.

182. (en) On pourrait objecter que les révolutions russe et française furent des échecs. Mais la plupart des révolutions ont deux buts. L’un est de détruire une forme obsolète de société, et l’autre est de mettre en place une nouvelle société selon les vœux des révolutionnaires. Les révolutions française et russe échouèrent (heureusement !) à créer la nouvelle société qui avait été rêvée, mais elle furent victorieuses pour ce qui est de la destruction de l’ordre ancien.

183. (en) Mais une idéologie, si elle veut bénéficier d’un soutien enthousiaste, doit avoir des idéaux positifs tout autant que négatifs ; il faut être POUR quelque chose tout autant que CONTRE autre chose. L’idéal que nous proposons est la Nature. C’est à dire la nature VIERGE ; tout ce qui vit et se développe sur Terre en dehors de toute interférence et contrôle humain. Et avec la nature vierge, nous incluons la nature humaine, c.à.d ces aspects du comportement humain qui ne sont pas sujet aux régulations d’une société organisée, mais dus à la chance, au hasard, ou à Dieu (selon vos croyances ou opinions philosophiques).

184. (en) La Nature fournit un contre-idéal parfait à la technologie pour plusieurs raisons. La nature (qui est en dehors du pouvoir du système) est à l’opposé de la technologie (qui cherche à accroître indéfiniment le pouvoir du système). La plupart des gens estiment que la Nature est belle ; elle bénéficie certainement d’un très fort attrait populaire. Les écologistes radicaux ont DEJA une idéologie qui exalte la nature et s’oppose à la technologie [30] . Il n’est pas nécessaire dans l’intérêt de la nature de mettre en œuvre des utopies chimériques ou un quelconque ordre social nouveau. La nature s’occupe très bien d’elle-même : c’est une création qui a existé longtemps avant que l’homme n’apparaisse, et durant des millénaires différents types de sociétés humaines ont coexisté avec la nature sans lui infliger de sérieux dommages. Ce ne fut qu’avec la Révolution Industrielle que les effets de la société contre la nature s’avèrent désastreux. Pour lever la pression sur la nature, il n’est pas nécessaire de créer un nouveau type de rapports sociaux, il suffit de se débarrasser de la société technologique. Nous vous accordons que cela ne résoudra pas tous les problèmes. La société techno-industrielle a déjà fait des dégâts considérables à la nature, et la convalescence sera longue. D’un autre côté, même les sociétés préindustrielles ont pu faire des dommages significatifs à la nature. Quoiqu’il en soit, se débarrasser de la société industrielle sera en soit un grand acte. Cela débarrassera la nature de la majorité de ses tourments, et lui permettra de panser ses plaies. Cela nous débarrassera de la capacité de la société organisée d’accroître son contrôle sur la nature (nature humaine comprise). Quel que soit le type de société qui existera après la disparition du système industriel, il est certain que la plupart des gens vivront près de la nature, car en l’absence de technologie avancée, il n’y a pas D’AUTRE moyen pour les gens de vivre. Pour se nourrir, ils devront être paysans ou bergers ou pêcheurs ou chasseurs, etc. Et, de manière générale, l’autonomie locale aura tendance à accroître, puisque l’absence de technologie avancée et de communications rapides limiteront la capacité des gouvernements ou autres grandes organisations à contrôler les communautés locales.

185. (en) Comme conséquences négatives de l’élimination de la société industrielle — eh bien, nous ne seront plus des coqs en pâte, ni quoi que ce soit d’approchant. Pour obtenir une chose, vous devez en sacrifier une autre.

186. (en) La plupart des gens détestent les problèmes psychologiques. Pour cette raison, ils évitent les réflexions profondes à propos des problèmes sociaux, et préfèrent qu’on leur fournisse des options simples, manichéennes : CECI est totalement bon, et CELA totalement mauvais. L’idéologie révolutionnaire doit en conséquence être développée sur deux niveaux.

187. (en) Au niveau le plus sophistiqué, l’idéologie doit s’adresser aux gens intelligents, cultivés, et rationnels. L’objectif doit être de créer un noyau de personnes qui seront opposés au système industriel de façon censée et réfléchie, capables d’apprécier tous les tenants et aboutissants, et d’assumer le prix à payer pour se débarrasser du système. Il est particulièrement important d’attirer des gens de la sorte, car ils sont capables et susceptibles d’en influencer d’autres. On doit s’adresser à ces gens de la manière la plus rationnelle possible. Les faits ne doivent pas être intentionnellement déformés et un langage émotionnel doit être proscrit. Ceci ne signifie pas qu’on ne doive pas faire appel à leur sensibilité, mais ce faisant, on ne doit distordre la réalité ou faire quoi que ce soit qui pourrait détruire la respectabilité intellectuelle de l’idéologie.

188. (en) A un second niveau, l’idéologie doit être propagée sous une forme simplifiée qui doit permettre à la masse de percevoir le conflit entre la technologie et la nature en des termes dénués de toute ambiguïté. Mais même sur ce second plan, l’idéologie ne doit pas s’exprimer dans un langage trop pauvre, trop irrationnel ou passionnel qui pourrait nous aliéner les gens du premier groupe. Une propagande de bas niveau peut parfois apporter d’impressionnants résultats à court terme, mais il est plus avantageux sur le long terme de conserver la loyauté du petit noyau « d’intellectuels engagés » que de compter sur les passions d’une foule amorphe dont l’attitude peut changer si de nouveaux gadgets propagandistes apparaissent. Toutefois, une propagande de bas niveau pourra s’avérer nécessaire lorsque le système sera sur le point de s’effondrer et qu’il y aura un ultime combat entre idéologies rivales pour déterminer laquelle deviendra dominante quand la vieille vue du monde aura disparu.

189. (en) Avant ce combat final, les révolutionnaires ne doivent pas espérer avoir la majorité du peuple avec eux. L’histoire est faite par des minorités agissantes, déterminées, pas par la majorité, qui a rarement une vue claire et précise de ce qu’elle veut réellement. Avant que ne soit venue l’heure du coup de boutoir final de la révolution [31] , la tâche des révolutionnaires sera moins d’avoir l’appui de la majorité que de fonder un noyau de gens extrêmement décidés.

190. (en) N’importe quel type de conflit social aide à déstabiliser le système, mais on doit être prudent sur le genre de type de conflit que l’on encourage. Le conflit doit se dessiner entre la masse du peuple et l’élite détentrice du pouvoir dans la société industrielle (politiciens, scientifiques, hommes d’affaires de haut niveau, etc.). Il ne doit PAS se dessiner entre les révolutionnaire et le peuple. Par exemple, ce serait de la mauvaise stratégie que de condamner les Américains sur leurs habitudes de consommation. Au lieu de cela, l’Américain moyen peut être représenté comme une victime des industries du marketing et de la publicité, qui le leurre en lui faisant acheter un tas de cochonneries qu’il ne désire pas et qui sont une piètre consolation à sa perte de liberté. Chaque approche est cohérente avec les faits. C’est simplement une question d’optique selon que vous condamnez les industries du marketing et de la publicité, ou que vous condamnez le public pour se laisser ainsi manipuler. Il est de bonne stratégie de généralement éviter de condamner le public.

191. (en) On doit y réfléchir à deux fois avant d’encourager d’autres conflits sociaux que ceux qui adviennent entre la techno-élite et la masse. D’une part, les autres conflits tendent à distraire l’attention des conflits primordiaux (entre la techno-élite et la masse, entre la technologie et la nature) ; d’autre part, les autres conflits peuvent actuellement tendre à encourager le recours à la technologie, car chacune des parties dans le conflit veut utiliser ce que peut offrir la technologie de façon à prendre l’ascendant sur son adversaire. C’est ce qu’on voit clairement dans le cas des rivalités entre nations. Cela apparaît aussi lors de conflits ethniques dans un même pays. Par exemple, aux Etats-Unis, les leaders noirs sont décidés à favoriser la cause noire en plaçant des noirs au sein de la techno-élite. Ils veulent qu’il y ait beaucoup de noirs au gouvernement, beaucoup de scientifiques, chefs d’entreprises noirs, et ainsi de suite. Ce faisant, il aide le système à absorber la culture noire. D’une manière générale, on ne doit encourager que les conflits sociaux qui rentrent dans le cadre élite/masse ou technologie/nature.

192. (en) Mais le moyen de décourager les conflits ethniques n’est PAS de militer pour le droit des minorités (voir paragraphes 21, 29). Au lieu de cela, le révolutionnaire doit mettre en avant que le fait qu’une minorité soit plus ou moins lésée n’est qu’un problème secondaire. Notre véritable ennemi est le système techno-industriel, et dans le combat contre le système, les distinctions ethniques n’ont aucune importance.

193. (en) Le type de révolution que nous avons en tête n’implique pas nécessairement une insurrection armée contre un gouvernement. Elle peut impliquer ou non l’usage de la violence, mais elle ne sera pas une révolution POLITIQUE. Elle doit se polariser sur l’économie et la technologie, pas sur la politique [32] .

194. (en) En fait, les révolutionnaires doivent même EVITER tout rapport au politique, de manière légale ou non, jusqu’à ce que le système soit acculé et ait prouvé aux yeux de presque tous son échec. Supposons par exemple qu’un parti écologiste ait la majorité au congrès suite à une élection. Pour éviter d’avoir à trahir ou édulcorer leur propre idéologie, ils devront prendre des mesures drastiques pour passer d’une économie de développement à une économie de « croissance zéro ». Le résultat apparaîtra désastreux à l’homme moyen : Le chômage grimpera en flèche, etc. Même si les pires inconvénients peuvent être évités grâce à une habileté surhumaine, les gens devront tout de même abandonner une partie du confort dont il étaient devenus dépendants. L’insatisfaction augmentera, le parti écologiste sera discrédité et les révolutionnaires auront subi un sérieux revers. Pour cette raison, les révolutionnaires ne doivent pas essayer d’acquérir un pouvoir politique jusqu’à ce que le système se soit mis dans un tel pétrin que n’importe quel échec sera perçu comme provenant intrinsèquement du système lui-même et pas du fait des révolutionnaires. La révolution contre la technologie devra probablement être une révolution des outsiders, une révolution venue du bas et non pas du haut.

195. (en) La révolution doit être internationale et à l’échelle de la planète. Elle ne peut être circonscrite dans un cadre national. Si jamais il est suggéré que les Etats-Unis, par exemple, doivent en finir avec le progrès technologique et la croissance économique, les gens deviendront hystériques et hurleront que si nous ne sommes pas à la pointe de la technologie, les Japonais le seront. Ces mêmes personnes deviendront comme folles s’il advient que les Japonais vendent plus de voitures que nous (Le nationalisme promeut grandement la technologie). Plus raisonnablement, on peut avancer que si les pays relativement démocratiques laissent tomber la technologie tandis que les pays totalitaires comme la Chine, la Corée du Nord ou le Vietnam poursuivent sur le chemin du progrès, les dictateurs risquent de finir par dominer le monde. C’est pourquoi la technologie doit être attaquée dans tous les pays simultanément, dans la mesure du possible. Bien sur, il n’est pas certain que le système techno-industriel puisse être détruit approximativement au même instant partout dans le monde, et il est même concevable que les tentatives de se débarrasser du système puisse amener au contrôle du système par des dictateurs. C’est un risque à prendre. Et on peut le prendre ; car la différence entre un système techno-industriel « démocratique » et un contrôlé par des dictateurs est infiniment moindre que celle entre un système techno-industriel et un qui ne l’est pas [33] . On peut même avancer qu’un système techno-industriel contrôlé par des dictateurs pourrait être préférable, car ceux-ci se sont avérés généralement inefficaces, ce qui fait qu’ils auront plus de chance de s’effondrer. Voyez Cuba.

196. (en) Les révolutionnaires doivent être favorables aux mesures qui tendent à unifier l’économie mondiale. Les accords libre-échangistes comme le NAFTA ou le GATT sont probablement préjudiciables pour l’environnement à court terme, mais à long terme, ils peuvent probablement être avantageux car ils vont accroître l’interdépendance économique entre nations. Il sera plus facile de détruire le système techno-industriel à l’échelle planétaire si l’économie est tellement globalisée qu’un effondrement dans un pays du G7 entraînera la même chose dans toutes les nations industrialisées.

197. (en) Certaines personnes prennent pour argument que l’homme moderne a trop de pouvoir, trop de contrôle sur la nature pour souhaiter une attitude plus passive en ce qui concerne la race humaine. Au mieux ces gens ne se rendent pas bien compte de la réalité, car ils sont incapables de faire la différence entre le pouvoir des GROSSES INSTITUTIONS et celui des INDIVIDUS ou des PETITS GROUPES. C’est une erreur de prôner la réduction de pouvoir ou la passivité, car les gens ONT BESOIN de pouvoir. L’homme moderne en tant qu’entité collective — c.à.d le système industriel — a un immense pouvoir sur la nature, et nous (FC) considérons cela comme mauvais. Mais les INDIVIDUS modernes ou les PETITS GROUPES D’INDIVIDUS ont bien moins de pouvoir que l’homme primitif n’en avait. De manière générale, l’énorme pouvoir de l’homme moderne sur la nature est exercé non par des individus ou des petits groupes, mais par d’énormes institutions. Pour comprendre le pouvoir que la technologie alloue à l’homme moderne moyen, il ne faut pas perdre de vue les limites étroites qui lui sont imposées ainsi que le contrôle et la surveillance exercés par le système (vous avez besoin d’une autorisation pour n’importe quoi, et viennent avec lois et réglementations). L’individu a seulement les pouvoirs technologiques que le système choisit de lui octroyer. Son pouvoir PERSONNEL sur la nature est très faible.

198. (en) les INDIVIDUS des sociétés primitives et les GROUPES RESTREINTS avaient à l’époque un pouvoir considérable sur la nature, ou il serait plus juste de dire qu’il avait du pouvoir AU SEIN de la nature. Quand l’homme primitif avait besoin de nourriture, il savait où trouver et comment préparer les végétaux comestibles, comment chasser et il le faisait avec des armes qu’il avait faites lui-même. Il savait aussi comment se protéger de la chaleur, du froid, de la pluie, des animaux dangereux, etc. Mais l’homme primitif a fait des dommages négligeables à la nature parce que le pouvoir COLLECTIF des sociétés primitives était ridicule comparé à celui de notre société industrielle.

199. (en) Au lieu de défendre la perte de pouvoir et la passivité, on devrait plutôt se dire que le pouvoir du SYSTEME INDUSTRIEL doit être détruit, et que cela AUGMENTERA considérablement le pouvoir et la liberté des INDIVIDUS et des PETITS GROUPES.

200. (en) Jusqu’à ce que le système soit définitivement démantibulé, la destruction de ce système doit être l’UNIQUE but des révolutionnaires. Tous les autres buts disperseront l’effort. Plus grave, si les révolutionnaires se permettent de poursuivre d’autres buts, ils seront tentés d’utiliser la technologie comme moyen d’arriver à leurs fins. S’ils donnent dans ce travers, ils retomberont dans le piège technologique, car la technologie moderne est un système unifié, aux parties étroitement imbriquées, ce qui fait que vouloir n’en n’utiliser QU’UNE partie obligera à l’utiliser dans sa QUASI-TOTALITE, ce qui au bout du compte la laissera presque intacte.

201. (en) Supposons par exemple que les révolutionnaires prennent la « justice sociale » comme but. La nature humaine étant ce qu’elle est, la justice sociale ne viendra pas de manière spontanée, il faudra lui donner un coup de pouce. Pour ce faire, les révolutionnaires devront centraliser et contrôler. Pour cela, ils auront besoin de moyens de communication et de déplacement longues distances rapides, et de ce fait, de ce tout ce qu’apporte la technologie dans ces domaines. Pour nourrir et vêtir les pauvres, ils feront appel aux technologies industrielles et agricoles. Et ainsi de suite. Ainsi, la volonté d’assurer la justice sociale maintiendra des pans entiers du système techno-industriel. Ce n’est pas que nous ayons quelque chose contre la justice sociale, mais il ne doit pas être permis d’interférer dans l’effort de destruction du système.

202. (en) Il serait sans espoir pour les révolutionnaires d’essayer de s’attaquer au système sans utiliser QUELQUES moyens qu’offre la technologie moderne. Au moins, les moyens de communications pour faire passer leur message. Mais ils ne doivent le faire que dans un SEUL but : attaquer le système techno-industriel.

203. (en) Imaginons un alcoolique assis devant un tonneau de vin. Supposons qu’il se dise : « le vin n’est pas mauvais s’il est consommé avec modération. On dit même que de petites quantités de vin sont bonnes pour la santé… Ca ne me fera pas de mal d’en boire un petit coup…  ». Bien sur, vous savez ce qui arrive. N’oubliez jamais que vis à vis de la technologie, la race humaine est comme un alcoolique devant un tonneau de vin.

204. (en) Les révolutionnaires doivent avoir autant d’enfants qu’ils peuvent. C’est une évidence scientifique que les attitudes sociales sont en grande partie héritées. Personne ne soutient qu’une attitude sociale est une conséquence directe de la carte génétique d’un individu, mais il apparaît que c’est globalement le cas dans notre société. Des objections contre ces assertions ont déjà été émises, mais elles sont discutables et semblent idéologiquement motivées. Dans tous les cas, personne ne peut nier qu’un enfant aura à peu prêt les mêmes attitudes sociales que ses parents. De notre point de vue, que ces attitudes soient le résultat de l’hérédité ou du milieu, cela ne nous importe guère. Le fait est qu’elles SOIENT transmises.

205. (en) L’ennui, c’est que la plupart des gens qui ont tendance à se rebeller contre le système techno-industriel sont aussi préoccupés par les problèmes démographiques, ce qui fait qu’ils préfèrent n’avoir pas d’enfants ou en avoir peu. Ce faisant, ils laissent le monde entre les mains de ceux qui soutiennent ou au moins acceptent le système techno-industriel. Pour assurer la force de la prochaine génération de révolutionnaires, leurs contemporains doivent avoir une importante descendance. En le faisant, il n’augmenteront que légèrement les problèmes de démographie. Ce qu’il y a de plus important, c’est de mettre à bas le système ; et comme vu au paragraphe 167, une fois cela fait, la population mondiale ne pourra que décroître. Par contre, si le système techno-industriel survit, il permettra de nourrir une population mondiale en croissance infinie.

206. (en) Du point de vue de la stratégie révolutionnaire, le seul point sur lequel nous devons absolument insister, c’est le fait que l’unique but doit être l’élimination de la technologie moderne, et qu’aucun autre ne doit interférer avec celui-ci. Pour le reste, les révolutionnaires doivent rester pragmatiques. Si l’expérience montre que certains conseils indiqués plus haut ne donnent pas de bons résultats, il ne faut pas hésiter à s’en débarrasser.

DEUX TYPES DE TECHNOLOGIE

207. (en) Un argument souvent avancé contre la révolution que nous proposons est qu’elle est vouée à l’échec, car (prétend on) du fait que la technologie a toujours progressé au cours de l’histoire, il est impossible qu’elle régresse. Mais cette affirmation est fausse.

208. (en) Nous distinguerons deux types de technologie que nous appellerons technologie de base (à petite échelle) et technologie systémique (dépendante de grosses infrastructures). La technologie de base est celle qui est utilisée par de petites communautés sans assistance extérieure. La technologie systémique est celle des grosses organisations sociales. Nous sommes d’accord que dans le cas de la technologie de base, aucun exemple de régression significatif n’a eu lieu. Mais la technologie systémique REGRESSE quand l’organisation sociale dont elle dépend s’effondre. Par exemple : quand l’empire romain se désintégra, la technologie de base romaine perdura car n’importe quel artisan adroit de village pouvait, par exemple, construire une roue à aube, ou un forgeron faire de l’acier suivant les méthodes romaines, et ainsi de suite. Mais la technologie romaine systémique , elle, REGRESSA. Leurs aqueducs finirent par être hors d’usage et ne furent jamais réparés. Leurs techniques de construction furent perdues. Leur système sanitaire urbain fut oublié, ce qui fait que celui des villes européennes n’atteint que récemment le niveau de celui de la Rome antique.

209. (en) La raison pour laquelle la technologie a toujours semblé progresser est que, jusqu’à un siècle ou deux avant la Révolution Industrielle, la majeure partie de la technologie était de la technologie de base. Mais depuis nous sommes entrés dans l’ère de la technologie systémique. Prenons le réfrigérateur, par exemple. Sans le développement industriel et l’infrastructure attenante, il aurait été impossible à des artisans de concevoir et construire un réfrigérateur. Si par quelque miracle, ils eussent pu en construire un, il aurait été impossible de le faire fonctionner sans une source fiable d’électricité. Ainsi, un barrage aurait été nécessaire avec une turbine. Cette dernière nécessite une quantité considérable de fil de cuivre. Essayez d’imaginer de produire tout ce câblage hors d’un environnement industriel. Et où auraient-ils trouvé le gaz nécessaire à la réfrigération ? Il aurait été plus simple de construire une chambre froide ou de préserver les aliments en les séchant ou salant, ainsi que cela fut fait avant l’invention du réfrigérateur.

210. (en) Il est clair que si le système techno-industriel était mis à bas, la technologie de la réfrigération disparaîtrait bien vite. Ce qui est vrai pour toute la technologie systémique. Et une fois que cette dernière aura été perdue pendant à peu près une génération, cela prendrait des siècles pour la reconstruire, comme il a fallu des siècles pour qu’elle voie le jour. Les livres techniques survivants seraient rares et dispersés. Une société industrielle, si elle ne bénéficie pas d’aide extérieure, doit passer par des stades successifs : vous avez besoin des outils pour fabriquer les outils pour fabriquer les outils pour fabriquer les outils… Un long processus de développement économique et d’organisation sociale est nécessaire. Et même en l’absence d’une idéologie opposée à la technologie, il n’y a pas de raison de croire que quiconque serait intéressé par la reconstruction d’une société techno-industrielle. L’enthousiasme pour le « progrès » est un phénomène propre à notre société, et il ne semble pas avoir existé avant environ le 17ème siècle.

211. (en) A la fin du moyen-âge, il y avait 4 civilisations à un stade d’avancement équivalent : l’Europe, le Monde Islamique, l’Inde, et l’Extrême-Orient (Chine, Corée, Japon). 3 de ces civilisations demeurèrent plus ou moins stables et seule l’Europe devint dynamique. Personne ne sait pourquoi ce fut le cas ; les historiens ont chacun leurs théories, mais ce ne sont que des hypothèses. Quoi qu’il en soit, il est clair que le passage à une société techno-industrielle ne peut se faire que sous certaines conditions. De ce fait, il n’y a pas de raison de supposer que qu’une régression technologique à long terme ne puisse se faire.

212. (en) Est-ce que, EVENTUELLEMENT, un nouveau développement d’une société techno-industrielle est possible ? Peut-être, mais ce n’est pas la peine de se soucier de cela, car nous ne pouvons prévoir ou contrôler ce qui pourrait advenir dans 500 ou 1000 ans. Ces problèmes seront résolus (ou pas) par les gens qui vivront à ce moment là.

LE DANGER DU « GAUCHISME »

213. (en) Du fait de leur besoin de rébellion et d’insertion dans un mouvement, les « gauchistes » ou les personnes ayant une psychologie semblable, sont souvent attirés par un mouvement protestataire ou activiste dont les buts et le personnel ne sont pas a priori « gauchistes ». L’arrivée de « gauchistes » peut alors facilement transformer un mouvement non « gauchiste » en mouvement qui le soit, ce qui fait que des buts « gauchistes » remplacent ou altèrent les buts initiaux.

214. (en) Pour éviter cela, un mouvement qui exalte la nature et s’oppose à la technologie doit avoir impérativement une attitude anti « gauchiste » et ne doit pas collaborer avec eux. Le « gauchisme » est sur le long terme incompatible avec la Nature Sauvage, avec la liberté humaine et avec l’élimination de la technologie moderne. Le « gauchiste » est un collectiviste ; il cherche à unifier le monde (la race humaine et la nature à la fois) en un tout. Mais ceci implique l’administration de la nature et de la race humaine par une société organisée, et requière une technologie avancée. Vous ne pouvez avoir un monde unifié sans moyens de communications (dans tous les sens du terme) rapides, vous ne pouvez faire que chacun aimera son prochain sans des techniques psychologiques sophistiquées, vous ne pouvez avoir une « société planifiée » sans une solide technologie. Par-dessus tout, le « gauchiste » est motivé par le besoin de pouvoir, et il recherche ce pouvoir sur des bases collectivistes, au travers l’identification à un mouvement de masse ou à une superstructure. Le « gauchiste » n’est pratiquement jamais pour abandonner la technologie, car celle-ci est un moyen trop précieux pour un pouvoir collectiviste.

215. (en) L’anarchiste [34] est aussi à la recherche de pouvoir, mais sur des bases individualistes ou au sein de petits groupes ; il veut que l’individu ou ces petits groupes puissent être en mesure de contrôler leurs destins. Il s’oppose à la technologie car elle rend les petits groupes dépendants des grosses organisations.

216. (en) Certains « gauchistes » semblent s’opposer à la technologie, mais ils ne s’y opposeront que tant qu’ils seront des outsiders et que la technologie sera contrôlée par des non « gauchistes ». Si le « gauchisme » devient un jour dominant dans la société, ce qui fait que le système techno-industriel deviendra une arme entre leurs mains, ils en useront et favoriseront sa croissance avec enthousiasme. En faisant cela, ils répéteront un schéma que le « gauchisme » a montré dans le passé à maintes reprises. Quand les bolcheviques étaient minoritaires en Russie, ils étaient vigoureusement contre la censure et la police secrète, ils défendaient l’autodétermination des minorités ethniques, et ainsi de suite ; mais dès qu’ils eurent le pouvoir, ils imposèrent une censure bien plus sévère, créèrent une police secrète autrement plus efficace que du temps des tsars, et oppressèrent les minorités ethniques au moins autant que dans le passé. Aux Etats-Unis, il y a une vingtaine d’années, quand les « gauchistes » étaient minoritaires dans nos universités, les professeurs « gauchistes » y défendaient farouchement la liberté de pensée, mais aujourd’hui, là où ils sont dominants, la situation s’est renversée (c’est le political correctness). La même chose arrivera avec les « gauchistes » et la technologie : ils l’utiliseront pour opprimer leurs opposants si jamais elle tombe sous leur contrôle.

217. (en) Dans les révolutions dans le passé, les « gauchistes » les plus avides de pouvoir, ont toujours collaboré dans un premier temps avec les révolutionnaires non « gauchistes », aussi bien qu’avec les « gauchistes » de tendance plus libertaire, et dans un deuxième temps, les ont doublés pour conserver le pouvoir pour eux-mêmes. C’est ce que fit Robespierre lors de la Révolution Française, ce que firent les bolcheviques pendant la révolution russe, les communistes en Espagne en 1938, et Castro à Cuba. Au vu de ces exemples, il serait complètement aberrant pour des révolutionnaires non « gauchistes » de collaborer avec ces derniers.

218. (en) Un certain nombre de penseurs ont relevé que le « gauchisme » est une sorte de religion. Le « gauchisme » n’est pas une religion au sens strict car cette doctrine ne postule pas l’existence d’un être surnaturel. Mais pour le « gauchiste », l’idéologie joue le même rôle psychologique que la religion pour certaines personnes. Le « gauchiste » a BESOIN de croire au « gauchisme » ; il joue un rôle central dans son économie mentale. Ses croyances ne sont pas facilement modifiées par la logique ou les faits. Il a la profonde conviction que le « gauchisme » est moralement Juste, avec un J majuscule, et cela implique que ce n’est pas un droit mais un devoir que d’imposer ses convictions à qui que ce soit (toutefois, beaucoup de gens que nous qualifions de « gauchistes » ne se pensent pas « gauchistes », et ne décriraient pas leur système de croyances comme « gauchistes ». Nous utilisons le terme de « gauchiste » [guillemets dans le texte] car nous ne voyons pas de meilleur terme pour désigner tout ce qui est commun au féminisme, au mouvement gay, au political correctness, etc, et parce que ces mouvements ont une forte affinité avec l’ancienne Gauche — voir paragraphes 227-230).

219. (en) Le « gauchisme » est une force totalitaire. Pour peu qu’il soit en position de force, il a tendance à s’immiscer dans chaque recoin de la vie privée et à contraindre tout le monde à passer au moule « gauchiste ». Ceci est du en partie au caractère quasi-religieux du « gauchisme » ; tout ce qui s’oppose aux « gauchistes » est assimilé au Péché. Plus fondamentalement, c’est une force totalitaire à cause de la méthode de recherche de pouvoir du « gauchiste ». Ce dernier cherche à satisfaire son besoin de pouvoir en s’identifiant avec un mouvement de masse et tente de satisfaire son processus de pouvoir en collaborant pour que ce mouvement atteigne ses buts (voir paragraphe 83). Mais peu importe le degré de réussite du mouvement car le « gauchiste » ne sera jamais satisfait ; son activisme étant une activité compensatrice (voir paragraphe 41). Ce qui fait que la motivation réelle du « gauchisme » n’est pas d’accomplir les buts annoncés du « gauchisme » ; en réalité, il est poussé par la sensation de pouvoir que lui confèrent le combat pour un but social et son accomplissement [35] . En conséquence, le « gauchiste » n’est jamais satisfait par ce qu’il a déjà obtenu ; son besoin de processus de pouvoir lui fait sans cesse chercher de nouveaux buts. Le « gauchiste » veut des chances égales pour les minorités. Une fois ceci fait, il insiste sur une répartition sociale statistique par minorité. Et aussi longtemps que quiconque abrite dans un recoin de son esprit un quelconque ressentiment envers une minorité, le « gauchiste » se doit de le rééduquer. Et les minorités ethniques ne sont pas suffisantes ; personne ne peut avoir quelque chose à reprocher aux homosexuels, aux handicapés, aux obèses, aux vieux, aux moches, et ainsi de suite. Ce n’est pas suffisant que les gens soient prévenus des dangers du tabac ; un avis doit être imprimé sur chaque paquet de cigarettes. Puis la publicité pour le tabac doit être limitée sinon interdite. Les activistes ne seront jamais satisfaits avant que le tabac ne soit mis hors la loi, et ensuite ce sera le tour de l’alcool, de la junk food, etc. Ils se sont battus contre les mauvais traitements infligés aux enfants, ce qui raisonnable. Mais maintenant, ils veulent prohiber jusqu’à la fessée. Ils ne seront satisfaits que lorsqu’ils auront un contrôle complet sur la façon dont sont éduqués les enfants. Puis ils passeront à une autre cause.

220. (en) Supposons que vous demandiez à un « gauchiste » de faire une liste de TOUT ce qui ne va pas dans la société, et supposons que vous appliquiez TOUS les changements sociaux requis. Il est sûr et certain que d’ici quelques années, la majorité des « gauchistes » trouveront quelque chose de nouveau à combattre, quelque nouveau « tort » social à redresser, car, une fois de plus, le « gauchiste » est moins motivé par la détresse du monde que par son besoin de satisfaire son désir de pouvoir en imposant ses solutions à la société.

221. (en) À cause de leurs inhibitions du fait de leur haut niveau de socialisation, la plupart des « gauchistes » du type sur-socialisés ne peuvent rechercher le pouvoir de la même façon que le reste de la population. Pour eux, cette recherche ne peut se faire que d’une seule manière moralement acceptable, et c’est cela qui fait leur lutte ; imposer cette morale à tous.

222. (en) Les « gauchistes », surtout les sur-socialisés, sont des fanatiques [True Believers] dans le sens qu’en donne Eric Hoffer dans son livre : « Les Fanatiques ». Mais tous les fanatiques n’ont pas le même type psychologique que les « gauchistes ». Un fanatique nazi a probablement un profil mental très différent de celui d’un « gauchiste ». Du fait de leur dévouement aveugle à une cause, les fanatiques sont un élément important, sinon nécessaire, de tout mouvement révolutionnaire. Ceci pose un problème auquel nous avouons ne pas avoir trouvé de solution. Nous ne sommes pas surs de savoir canaliser l’énergie des fanatiques lors d’une révolution contre la technologie. Tout ce que nous pouvons dire, à priori, c’est qu’un fanatique n’est pas une recrue sure pour cette révolution, à moins que son désir ne soit QUE la destruction de la technologie. S’il est engagé dans la poursuite d’autres buts, il pourra utiliser la technologie comme un outil pour parvenir à ces (autres) fins (voir paragraphes 220,221).

223. (en) Certains lecteurs se disent : « Tout ceci n’est qu’un tissu d’âneries. Je connais John et Jane qui sont « gauchistes » et ils n’ont absolument pas de tendances totalitaires. » Il est vrai que beaucoup de « gauchistes », si ce n’est la majorité, sont des gens honnêtes qui croient sincèrement à la tolérance (jusqu’à un certain point), et ne voudraient pas user de moyens coercitifs pour faire advenir leurs buts sociaux. Nos remarques sur le « gauchisme » ne s’applique en fait pas à chaque individu concerné, mais décrivent les caractères généraux du « gauchisme » comme mouvement. Et « l’idéologie » d’un mouvement n’est pas déterminée par les proportions statistiques des croyances des individus au sein de ce mouvement.

224. (en) Les gens qui atteignent des positions de pouvoir dans les mouvements « gauchistes » sont les plus avides de pouvoir (ce qui est normal puisqu’il s’agit de satisfaire leur appétit de pouvoir). Une fois que ces derniers ont pris les rênes du mouvement, beaucoup de « gauchistes » plus modérés désapprouvent en leur fort intérieur les décisions des leaders, mais sont incapables de s’y opposer. Ils ont BESOIN de leur foi dans le mouvement, et ainsi, ne peuvent retirer aux leaders la foi qu’ils leurs ont confiée. Il est vrai que QUELQUES « gauchistes » ont le courage de s’opposer aux tendances totalitaires qui émergent, mais ils perdent généralement, car leurs adversaires sont plus organisés, plus impitoyables et machiavéliques et ont pris soin de se constituer de solides fondations.

225. (en) Ces phénomènes sont apparus clairement en URSS et dans les autres pays « conquis » par les « gauchistes ». De la même façon, avant l’effondrement du communisme en URSS, peu de « gauchistes » ont critiqué ce pays à l’Ouest. Le cas échéant, ils admettaient que tout n’allait pas pour le mieux en URSS, mais trouvaient des excuses aux communistes, et finissaient par parler des tares de l’Occident. Ils ont toujours excusé les agressions communistes par les actions militaires occidentales. Les « gauchistes » du monde entier ont protesté contre l’intervention américaine au Vietnam, mais personne n’a rien dit lors de l’invasion de l’Afghanistan. Ce n’est pas qu’ils approuvaient les actions soviétiques ; mais du fait de leur foi « gauchiste », ils ne pouvaient s ’opposer formellement au communisme. Actuellement, dans nos universités où le political correctness est devenu dominant, il y a probablement beaucoup de « gauchistes » qui désapprouvent en leur fort intérieur la disparition de la liberté de pensée, mais ils ne se révolteront pas contre cet état de fait.

226. (en) Ainsi, le fait que la plupart des « gauchistes » pris individuellement sont modérés et plutôt tolérants, n’empêche pas que le « gauchisme » en tant que mouvement, soit de nature totalitaire.

227. (en) Notre discussion sur le « gauchisme » présente une sérieuse faiblesse. Ce que nous entendons par le mot « gauchiste » [entre guillemets dans le texte] est loin d’être clair. Il ne semble pas que nous puissions y faire grand chose. Le « gauchisme » actuellement est fragmenté en une multitude de mouvement. De surcroît, tous les mouvements activistes ne sont pas « gauchistes », et certains d’entre eux (par exemple, les écologistes radicaux) semblent contenir un mélange de « gauchistes » et de non « gauchistes » qui auraient mieux à faire que de collaborer avec des « gauchistes ». Certains types de « gauchistes » évoluent graduellement en non « gauchistes », et nous sommes parfois nous-mêmes incapables de dire si un certain individu est « gauchiste » ou non. Jusqu’à une définition meilleure, nous retiendrons celle qui a été élaborée tout au long de ce document, et nous ne pouvons que laisser le lecteur décider de ce qu’est un « gauchiste ».

228. (en) Mais il sera utile de faire une liste de quelques critères pour diagnostiquer le « gauchisme ». Ces critères ne peuvent pas être appliqués tels quels. Certaines personnes peuvent présenter certains de ces symptômes sans être « gauchistes » et vice-versa. De nouveau, il faut que vous en passiez par votre jugement personnel.

229. (en) Le « gauchiste » est attiré par le collectivisme sur une large échelle. Il insiste sur le devoir qu’a l’individu de servir la société et le devoir qu’a la société de prendre soin de l’individu. Il se méfie de l’individualisme. Il prend souvent un ton moralisateur. Il a tendance à être pour le contrôle des armes, pour l’éducation sexuelle et pour toutes les autres méthodes d’épanouissement psychologique, pour la planification, pour le multiculturalisme, pour l’affirmative action. Il s’identifie aux victimes. Il s’oppose à la compétition et à la violence, mais trouvent souvent des excuses pour les « gauchistes » qui en usent. Il adore utiliser les phrases-clichés de la gauche comme « racisme », « sexisme », « homophobie », « capitalisme », « impérialisme », « néocolonialisme », « génocide », « changement social », « justice sociale », « responsabilité sociale », etc. Peut-être ce qui peut le mieux caractériser le « gauchiste » est sa tendance à sympathiser avec les mouvements suivants : le féminisme, le mouvement gay, le droit des minorités, des handicapés, des animaux, et la political correctness. Quiconque est en accord avec TOUS ces mouvements est presque à coup sur un « gauchiste » [36] .

230. (en) Les « gauchistes » les plus dangereux, c.à.d ceux qui sont les plus avides de pouvoir, se caractérisent souvent par l’arrogance et une approche dogmatique de l’idéologie. Toutefois, les plus dangereux de tous, sont certains sur-socialisés qui évitent les manifestations d’agressivité et de montrer leurs orientations, mais qui œuvrent tranquillement et sans bruit à promouvoir des valeurs collectivistes, des techniques d’épanouissement psychologique pour socialiser les enfants, accentuer la dépendance de l’individu vis a vis du système, et ainsi de suite. Ces « crytpo-gauchistes » (ainsi que nous les nommerons) sont proches du bourgeois du point de vue de l’action pratique, mais en diffèrent beaucoup du point de vue psychologique et idéologique. Le bourgeois essaie de faire en sorte que les gens restent sous le contrôle du système pour préserver son train de vie ou simplement par pur conformisme. le « crypto-gauchiste » essaie de faire de même parce que c’est un fanatique [True Believer] d’une idéologie collectiviste. Le « crypto-gauchiste » se différencie du « gauchiste » sur-socialisé moyen par sa tendance à la rébellion plus faible et sa meilleure intégration sociale. Il se différencie du bourgeois moyen parce qu’en lui, il y a quelque faille profonde qui l’oblige à se dévouer corps et âme à une cause et à s’immerger dans une collectivité. Et peut-être, cette recherche de pouvoir (très sublimé) est-elle plus forte que celle du bourgeois moyen.

NOTE FINALE

231. (en) Tout au long de ce document, nous avons fait des affirmations imprécises et d’autres qui nécessiteraient de plus amples développements. D’autres enfin peuvent s’avérer carrément fausses. Le manque d’informations suffisantes, et le souci de brièveté nous ont empêché de remédier à cet état de fait. Et, évidemment, dans une discussion de cette sorte, il a été fait appel à des données intuitives, qui peuvent être inexactes. En vertu de quoi, nous signalons que ce document décrit une approximation grossière plutôt que la vérité.

232. (en) De la même façon, nous sommes raisonnablement certains que le tableau que nous avons ébauché est globalement correct. Nous avons fait le portrait du « gauchisme » contemporain comme un phénomène lié à notre époque et à la dissolution du processus de pouvoir. Mais peut-être nous sommes nous trompés. Les gens sur-socialisés qui essaient de satisfaire leur besoin de pouvoir en imposant leurs vues aux autres existent certainement depuis un certain temps. Mais nous PENSONS que le rôle décisif joué par le sentiment d’infériorité, la faible estime de soi, le manque de pouvoir, l’identification aux victimes par des gens qui n’en sont pas, est particulier au « gauchisme » moderne. L’identification aux victimes peut-être perçue dans la gauche du 19e siècle et le christianisme primitif, mais pour autant que nous le sachions, les sentiments de dévalorisation, etc., n’étaient pas aussi flagrants dans ces mouvements, ou dans n’importe quel mouvement, qu’ils ne le sont dans le « gauchisme » moderne. Mais nous ne sommes pas en position d’affirmer que de tels mouvements n’ont pas existé dans le passé. C’est une importante question sur laquelle les historiens devraient se pencher.



NOTES

1. (Paragraphe 19) Nous avançons que TOUTES, ou presque toutes, les brutes and les compétiteurs impitoyables souffrent d’un sentiment d’infériorité.

2. (Paragraphe 25) Durant la période Victorienne beaucoup de gens sur-socialisés souffrirent de problèmes psychologiques résultant de la répression de leur libido. Freud a de toute évidence basé ses théories sur l’observation de ce type de personne. Actuellement la socialisation se polarise désormais plus sur l’agression que sur la libido.

3. (Paragraphe 27) Cela n’inclue pas nécessairement les spécialistes des sciences « exactes ».

4. (Paragraphe 28) Il y a beaucoup d’individus des classes moyennes et supérieures qui résistent à certaines de ces valeurs, mais leur résistance est plus ou moins souterraine. Une telle résistance ne rencontre que peu d’écho dans les mass media.

5. (Paragraphe 42) On peut avancer que la majorité des gens ne veulent pas prendre des décisions par eux-mêmes, mais préfèrent que des leaders le fassent pour eux. Il y a du vrai là dedans. Les gens aiment prendre des décisions sur des sujets anodins, mais le faire sur des questions complexes, fondamentales impose de faire face aux conflits d’ego, et la majorité des gens haïssent ce genre de conflits. C’est pourquoi ils se reposent sur d’autres pour s’occuper de ces questions. En général, les gens sont des suiveurs, pas des leaders, mais ils veulent pouvoir être en communication directe avec les dits leaders et participer par certains côtés aux décisions difficiles. Ils ont besoin d’autonomie, au moins à ce niveau.

6. (Paragraphe 44) Certains des symptômes exposés sont similaires à ceux des animaux en captivité : Expliquons comment ces symptômes apparaissent avec l’impossibilité de réaliser son processus de pouvoir. Le sens commun à propos de la nature humaine nous enseigne que la perte de buts requérant des efforts conduit à l’ennui, et que cet ennui à la longue amène à la dépression. L’impossibilité de parvenir à ces buts entraîne la frustration et l’affaiblissement de l’estime de soi. La frustration conduit à la colère, puis à l’agressivité, souvent à l’encontre des femmes et enfants. Il a été démontré qu’une frustration qui perdure se mue en dépression et que cette dernière génère culpabilité, trouble du sommeil, de l’appétit, et des sentiments antisociaux. Les dépressifs recherche le plaisir comme antidote ; ce qui donne un hédonisme insatiable, une sexualité débridée, agrémentée de perversions comme autant de stimulants. L’ennui aussi fait rechercher un plaisir excessif, puisque, en l’absence d’autres buts, le plaisir devient un but en soi. Ce qui précède est une simplification. La réalité est plus complexe, et évidemment, l’impossibilité de réaliser son processus de pouvoir n’est pas la SEULE cause des symptômes décrits. Ainsi, lorsque nous parlons de dépression, nous ne pensons pas nécessairement à la dépression clinique. En général, nous nous référons à des formes bénignes de dépression. Et quand nous parlons de buts, il ne s’agit pas de nécessairement non plus de buts à long terme, hors d’atteinte. Pour la majorité des gens au cours de l’histoire humaine, les buts de base (c.à.d, se nourrir soi-même et sa famille au jour le jour) ont été amplement suffisants.

7. (Paragraphe 52) Une exception peut être faite en ce qui concerne certains groupes passifs, contemplatifs, comme les Amish, dont l’influence est faible sur le reste de la société. En dehors de ces derniers, quelques authentiques petites communautés existent aux USA à l’heure actuelle. Par exemple, les gangs de jeunes et les « cultes ». Tout le monde les considère comme dangereux, et ils le sont, car les membres de ces groupes sont d’abord loyaux les uns envers les autres, plutôt qu’envers le système ; ce qui fait que ce dernier ne peut les contrôler. Ou prenons les gitans. Les gitans se débrouillent généralement par des larcins et des fraudes car leur loyauté est telle qu’ils peuvent toujours trouver d’autres gitans pour témoigner de leur innocence. Évidemment le système serait secoué si trop de personnes appartenaient à de pareils groupes. Certains des penseurs chinois du début du 20e siècle qui voulaient moderniser la Chine reconnurent la nécessité de détruire les petits groupes sociaux, comme la famille : « (suivant Sun Yat-sen) le peuple chinois a besoin d’une nouvelle vague de patriotisme qui transférerait la loyauté de la famille à l’état… (suivant Li Huang) les attaches traditionnelles, particulièrement celles de la famille, doivent être abandonnées si le nationalisme doit se développer en Chine » (Chester C. Tan, La pensée politique chinoise au 20e siècle, page 125 et 297).

8. (Paragraphe 56) Oui, nous savons que les USA du 19e siècle avaient leurs problèmes, et sérieux, mais dans un souci de concision, nous avons du nous exprimer de manière simplifiée.

9. (Paragraphe 61) Nous laissons de côté la « sous-classe ». Nous parlons de la majorité.

10. (Paragraphe 62) Certains sociologues, éducateurs, professionnels de la « santé mentale », et ainsi de suite, font de leur mieux pour placer les désirs sociaux dans le groupe 1 en essayant de faire en sorte que chacun ait une vie sociale satisfaisante.

11. (Paragraphes 63,82) Le désir d’acquisition matérielle sans fin est-il vraiment une création artificielle de la publicité et du marketing ? Il n’y a certainement aucune pulsion innée chez l’homme pour l’accumulation de biens matériels. Il y a eu de nombreuses cultures qui ne désiraient que peu de chose en plus de la satisfaction de leurs besoins élémentaires (Aborigènes d’Australie, culture traditionnelle paysanne mexicaine, quelques cultures africaines). D’un autre côté, ont existé de nombreuses cultures préindustrielles où l’accumulation a joué un grand rôle. Ainsi, nous ne pouvons affirmer qu’aujourd’hui, cette particularité n’est qu’une création de la publicité et du marketing. Mais il est certain que la publicité et le marketing ont une part importante dans la création de cette culture de l’accumulation. Les gros trusts qui dépensent des millions en publicités ne le feraient pas si elles n’étaient pas sûres qu’en retour leurs ventes augmenteraient. Un membre de FC a rencontré il y a de cela 2 ans un directeur des ventes qui fut assez franc pour lui dire : « Notre boulot, c’est de faire acheter aux gens des choses qu’ils ne veulent pas et dont ils n’ont pas besoin ». Puis il décrivit comment un vendeur novice pouvait présenter au public un produit avec ses seules qualités sans rien vendre, alors qu’un professionnel entraîné pouvait en vendre des tas au même public. Ceci montre que les gens sont manipulés pour acheter des choses qu’ils ne veulent pas vraiment.

12. (Paragraphe 64) Le problème du sentiment d’inutilité semble être devenu moins aigu depuis environ 15 ans, car les gens se sentent moins en sécurité physiquement et économiquement qu’ils ne l’étaient avant, et le besoin de sécurité leur a fourni un but. Mais le sentiment d’inutilité a été remplacé par la frustration de ne pouvoir atteindre à cette sécurité. Nous avons mis en avant le sentiment d’inutilité car les libéraux et les « gauchistes » voudraient résoudre nos problèmes sociaux en faisant en sorte que la société garantisse à chacun la sécurité ; mais si cela peut être fait, le problème du sentiment d’inutilité reviendra au premier plan. Le vrai malaise ne vient pas du fait que la société assure bien ou mal la sécurité de chacun ; c’est plutôt que les gens sont dépendants du système pour leur sécurité plutôt que de l’assurer eux-mêmes. Ceci, entre autres, explique pourquoi certaines personnes se remuent pour le droit de posséder des armes à feu ; la possession d’un fusil leur permet d’assurer cette partie de la sécurité.

13. (Paragraphe 66) Les efforts des conservateurs pour diminuer l’ingérence gouvernementale sont de peu de profit pour le citoyen moyen. D’abord, seulement une partie des réglementations peut être éliminée car elles sont majoritairement indispensables. Ensuite, la majeure partie de la réglementation concerne le commerce plutôt que l’individu, ce qui fait que le principal bénéfice de l’opération est de prendre le pouvoir des mains du gouvernement pour le donner à des firmes privées. Ce qui signifie pour le pékin moyen, que les ingérences gouvernementales dans sa vie privée sont remplacées par celles des trusts, ce qui peut leur permettre, par exemple, de rejeter plus de produits chimiques dans son eau et lui donner le cancer. Les Conservateurs prennent l’électeur pour un crétin, exploitant son ressentiment contre l’Etat Tout Puissant pour promouvoir le pouvoir du Grand Capital.

14. (Paragraphe 73) Quand quelqu’un approuve le dessein pour lequel une certaine propagande est utilisée, il la nomme généralement « éducation » ou emploie un quelconque autre euphémisme. Mais la propagande reste de la propagande quel que soit le but visé.

15. (Paragraphe 83) Ce n’est pas dans notre intention d’approuver ou désapprouver l’invasion du Panama. Nous illustrons simplement un point de raisonnement.

16. (Paragraphe 95) Quand les colonies américaines étaient sous domination britannique, il y avait moins de garanties pour la liberté qu’il y en eut après la Déclaration d’Indépendance. mais il y eut plus de liberté individuelle dans l’Amérique préindustrielle, que ce soit avant ou après la Guerre d’Indépendance, qu’après que la révolution industrielle a mis le grappin sur ce pays. Nous avons extrait de « Violences en Amérique : perspectives historiques et comparatives », édité par Hugh Davis Graham et Ted Robert Gurr, au chapitre 12 par Roger Lane, pages 476 à 478 : « L’accroissement progressif des standards de propriété, et avec lui, l’augmentation de la confiance dans le renforcement des lois officielles (dans l’Amérique du 19e siècle)… étaient communs à toute la société… Le changement dans le comportement social est tellement profond et généralisé qu’on peut suggérer un lien avec les plus fondamentaux des processus sociaux actuels, tel l’urbanisation industrielle, elle-même… Le Massachusetts en 1835 avait une population d’environ 660940 âmes, dont 81% de ruraux. Ces citoyens bénéficiaient d’une considérable liberté individuelle. Que ce soient les charretiers, les fermiers ou les artisans, ils étaient tous habitués à gérer leurs propres problèmes, et la nature de leur travail les faisait physiquement dépendre les uns des autres… Les problèmes individuels, les délits, voire les crimes n’avait généralement pas de répercussions au niveau social… Mais l’impact du double mouvement vers les villes et les usines, qui gagna en intensité vers 1835, eut un effet sur le comportement individuel qui s’accentua du 19e au 20e siècle. L’usine demanda de la régularité dans les attitudes, une vie gouvernée par l’obéissance au rythme de l’horloge et du calendrier, et aux demandes des contremaîtres et contrôleurs. En ville, l’obligation de vivre dans une promiscuité relative inhiba de nombreuses actions qui n’auraient posé aucun problème auparavant… Le résultat de cette nouvelle organisation de vie et de travail devint apparent vers 1900, quand environ 76% des 2.805346 habitants du Massachusetts furent classés comme citadins. Des comportements violents ou hors normes qui avaient été tolérés dans une société indépendante et débonnaire ne purent plus être acceptés dans l’atmosphère formalisée et coopérativiste de cette période. Le mouvement vers la ville, en résumé, a produit une génération plus docile, plus socialisée, plus « civilisée » que la précédente. »

17. (Paragraphe 117) Les zélateurs de ce système sont friands de pouvoir citer quelques élections où le sort s’est décidé à une ou deux voix près. Mais de tels cas sont rares.

18. (Paragraphe 119) « Aujourd’hui dans les pays technologiquement avancés, la vie des gens est très semblable, en dépit des différences religieuses, politiques ou géographiques. La vie de tous les jours d’un caissier chrétien à Chicago, d’un caissier bouddhiste à Tokyo, d’un caissier communiste à Moscou est bien plus proche que celle d’un homme ayant vécu il y a un millier d’années. Ces similarités sont dues à une technologie commune » L. Sprague de Camp, « Les anciens ingénieurs », Ballentine, page 17. Les vies de ces 3 caissiers ne sont pas IDENTIQUES. L’idéologie peut avoir son mot à dire. Mais toutes les sociétés industrielles, pour survivre, doivent évoluer A PEU PRES de la même façon.

19. (Paragraphe 123) Pensons simplement à un ingénieur en génétique fou qui fonderait un groupe terroriste.

20. (Paragraphe 124) Comme autre exemple de conséquences indésirables dues aux progrès médical, imaginons qu’un traitement efficace contre le cancer soit découvert. Même si le traitement est tellement onéreux qu’il ne peut être réservé qu’à une élite, cela réduira considérablement les efforts pour empêcher les émanations de substances cancérigènes dans la nature.

21. (Paragraphe 128) Comme beaucoup de gens peuvent trouver paradoxal qu’une quantité de bonnes choses puissent s’accumuler pour en donner une mauvaise, prenons une analogie. Supposons que M. A joue aux échecs avec M. B. M. C, un maître, regarde par-dessus l’épaule de M. A. Evidemment M. A veut gagner, donc si M. C lui indique un bon mouvement à faire, il lui fait une faveur. Mais imaginons maintenant que M. C indique à M. A TOUS les mouvements à faire. À chaque fois, il fait une faveur à M. A, en lui montrant le meilleur mouvement, mais en faisant TOUS les mouvements pour lui, il gâche le jeu, ce qui fait que M. A n’a plus aucune envie de jouer à un jeu où quelqu’un lui indique tout ce qu’il a à faire. La situation de l’homme moderne est similaire à celle de M. A. Le système rend la vie de l’individu plus facile de bien des façons, mais ce faisant il le prive du contrôle de son destin.

22. (Paragraphe 137) Ici nous considérons seulement les conflits d’intérêt au sein de la majorité. Pour des raisons de simplicité, nous avons laissé de côté des idées « marginales » comme l’idée que la nature à l’état sauvage est plus importante que la prospérité économique de l’homme.

23. (Paragraphe 137) Les intérêts particuliers ne sont pas forcément d’ordre MATERIEL. Ils peuvent consister en la satisfaction d’un besoin psychologique, comme par exemple promouvoir une idéologie ou une religion.

24. (Paragraphe 139) Une réserve : Il est dans l’intérêt du système de permettre un certain degré de liberté dans des domaines bien particuliers. Par exemple, la liberté économique (avec les contraintes et limitations d’usage) a prouvé son efficacité pour la croissance économique. Mais seules des libertés contrôlées, circonscrites servent l’intérêt du système. L’individu doit toujours être maintenu en laisse, même si la laisse peut être parfois longue (voir paragraphes 94 et 97).

25. (Paragraphe 143) Nous ne voulons pas suggérer que l’efficience ou la capacité à survivre d’une société soit inversement proportionnelle au degré de pression ou de contrainte à laquelle cette société soumet son peuple. Ce n’est certainement pas le cas. Il y a de bonnes raisons de croire que la plupart des sociétés primitives ont soumis leur peuple à moins de pression que ne le fit la société européenne, mais cette dernière s’est montré de loin plus efficace et a vaincu les sociétés primitives du fait de l’avantage que lui conférait la technologie.

26. (Paragraphe 147) Si vous pensez qu’un accroissement de l’arsenal répressif est indubitablement bénéfique parce qu’il supprimerait le crime, rappelez vous que ce qui est défini comme crime par le système n’est pas nécessairement ce que VOUS nous appelleriez crime. Aujourd’hui fumer de la marijuana est un « crime », et, dans certaines parties des Etats-Unis, la possession d’armes à feu — avec permis ou non, peut l’être aussi, et la même chose arrive avec certaines méthodes pour éduquer les enfants, comme la fessée. Dans certains pays, la dissidence politique est un crime, et il n’est pas certain que cela n’arrivera pas aux Etats-Unis, car aucune constitution ou système politique ne dure éternellement. Si une société a besoin d’un très puissant arsenal répressif, c’est qu’il y a quelque chose qui ne tourne pas rond dans cette société ; ce peut être parce qu’elle soumet les gens à de telles pressions que ceux-ci se rebellent ou ne marchent dans le rang que contraints et forcés. Beaucoup de sociétés s’en sont sorties avec un faible système policier ou pas de système du tout.

27. (Paragraphe 151) Soyons en sûrs, les sociétés de jadis avaient des moyens d’influencer le comportement, mais ils étaient primitifs et d’une faible efficacité en regard de ce que permet maintenant la technologie.

28. (Paragraphe 152) Toutefois, certains psychologues ont publiquement exprimé leur mépris pour la liberté humaine. Et le mathématicien Claude Shannon a écrit dans Omni (août 1987) : « je pressens une ère où nous serons aux robots ce que les chiens sont aux humains, et je suis du côté des machines ».

29. (Paragraphe 154) Ce n’est pas de la science-fiction ! Après avoir écrit le paragraphe 154, nous sommes tombés sur un article dans Scientific American relatant que des scientifiques étaient en train d’activement mettre au point des techniques pour identifier les criminels potentiels et pour les traiter par une combinaison de moyens biologiques et psychologiques. Certains d’entre eux plaidaient pour un emploi obligatoire du procédé, qui pourrait être au point très prochainement (« A la recherche du facteur criminel », par W. Wayt Gibbs, Scientific American, mars 1995). Vous pourriez être d’accord parce que le traitement pourrait être appliqué à ceux qui pourraient devenir des chauffards alcooliques (ils mettent la vie des autres en danger aussi), puis, dans la foulée, à ceux qui fessent leurs enfants, ensuite aux écologistes qui endommagent du matériel, et éventuellement à tous ceux dont le comportement est préjudiciable au système.

30. (Paragraphe 184) Un autre avantage de la Nature comme contre-idéal, est, que pour beaucoup de gens, elle inspire une sorte de respect associé à la religion, ce qui fait que la Nature peut éventuellement être idéalisée sur des bases religieuses. C’est vrai que dans beaucoup de sociétés, la religion a servi de support et de justification à l’ordre établi, mais il est aussi vrai qu’elle a fourni des fondements pour la rébellion. Ainsi, il peut être utile d’introduire un élément religieux dans la révolte contre la technologie, d’autant plus que la société occidentale n’a plus de solides fondations religieuses de nos jours. Actuellement, la religion est soit utilisée comme un moyen dérisoire et évident pour l’égoïsme à courte vue (beaucoup de conservateurs en font cet usage) ou même est cyniquement employée pour faire de l’argent facile (par la plupart des évangélistes), soit a dégénéré en un irrationalisme trivial (sectes fondamentalistes, « cultes »), soit stagne (Catholicisme, majeure partie du Protestantisme). Ce qu’il y a eu de plus proche d’une religion ces dernières années est la para-religion du « gauchisme », mais le « gauchisme » actuellement est émietté, et n’a plus de but clair et unificateur. Ainsi, il y a un vide religieux dans notre société qui peut éventuellement être comblé par une religion basée sur la nature par opposition à la technologie. Mais ce serait une erreur de concocter artificiellement une religion pour tenir ce rôle. Une telle religion « inventée » serait probablement un échec. Prenons l’exemple du mysticisme « Gaïa ». Ses adhérents y croient-ils VRAIMENT ou jouent-ils un rôle ? Si c’est le cas, leur « religion » finira par faire un flop. Il vaut mieux ne pas essayer d’introduire la religion dans le conflit Nature/technologie, à moins que vous ne croyiez VRAIMENT à cette religion et trouviez qu’elle ne répond à de profondes et authentiques aspirations chez beaucoup d’autres gens.

31. (Paragraphe 189) Supposons qu’un tel coup de boutoir final advienne. En pratique, le système techno-industriel devra être éliminé pans par pans, graduellement (voir paragraphes 4, 167, et note 4).

32. (Paragraphe 193) Il est même concevable que la révolution pourra consister simplement en un changement d’attitude globale vis à vis de la technologie qui provoquera un lent déclin sans douleur du système techno-industriel. Mais si c’est le cas, nous aurions beaucoup de chance. Il est bien plus probable que le passage à une société non industrielle sera très difficile et générera de nombreux conflits et désastres.

33. (Paragraphe 195) La structure économique et technologique d’une société est de loin plus importante que la structure politique pour déterminer la façon dont l’homme moyen vit (voir paragraphes 95,119, et notes 16 et 18).

34. (Paragraphe 215) Cette affirmation s’applique à une forme particulière d’anarchisme. De nombreuses attitudes sociales sont qualifiées « d’anarchistes » et il est possible que beaucoup de ceux qui se considèrent comme anarchistes récusent notre affirmation du paragraphe 215. Par exemple, on doit noter que les anarchistes non violents ne considèrent pas FC comme un mouvement anarchiste et n’approuvent pas les méthodes violentes de FC.

35. (Paragraphe 219) Beaucoup de « gauchistes » sont aussi motivés par l’hostilité, mais cette dernière est probablement due à un besoin de pouvoir frustré.

36. (Paragraphe 229) Il est important de comprendre ce que nous entendons par quelqu’un qui sympathise avec ces MOUVEMENTS. Quelqu’un qui croit que les femmes, les homosexuels, etc, doivent avoir les mêmes droits que les autres n’est pas nécessairement un « gauchiste ». Les mouvements féministes, gay, etc, qui existent dans notre société ont le côté idéologique qui caractérise le « gauchisme », et si quelqu’un, par exemple, pense que les femmes doivent bénéficier de droits égaux, il n’est pas obligatoire que cette personne ait de la sympathie pour les mouvements féministes tels qu’ils existent actuellement.

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Paysage 16 : Suisse centrale (2006)