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Foyer à ciel ouvert de littérature contemporaine européenne

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Crocrodile

Jean Figerou

janvier 2004

3

Lune amenuisante, ayant passé de deux jours son dernier quart. Lundi 28 octobre.



*



Mardi 29 octobre. Saint Narcisse, pourtant je ne vois que toi, je ne me regarde même pas dans le reflet du puits d’amour. Lune en son dernier quart, affûtée comme une lame. Elle est déjà petite en sa décroissance. Le gris du temps déteint sur les âmes. Le temps est gris gris, l’heure colle, la fenêtre a perdu toutes ses ombres. Ce jour est vieux avant de naître, il décolore les cœurs qui font la gueule. L’air est cotonneux, le temps paresseux. Le ciel sans nuance. Les nuages sont en cavale d’humeur. Demain il faudra passer un cache-nez au ciel pour que son humeur ne s’enrhume point et ne la gâte point. Que fait-elle ? Il est tard. Peut-être que son corps ne chante que la nuit ? L’air est graisseux d’eau. Il fait nuit, je me demande si je sors ? Si j’aurais encore peur du noir, je suis tellement enfant.



Je suis né dans votre ventre au cœur de l’Afrique. Jungle et marigot. Tu es la fièvre. Tu es l’origine de la brousse et plus noire que le cul de la terre. Fétiche des goyaves et la sève de la fête. Le ciel est haut de lianes. Le tambour récitait ton nom en deux syllabes. Sous l’arbre de 1000 ans tu frayais avec ton frère à plaisanterie et vous reveniez du champ du vendredi le pagne comblé de sapotilles. Le ciel est couleur de boue, il la charrie de nuages. Le moite sucré de l’air encolle le monde et copule le marigot. L’heure est chaude. Elle joue du hoddou aux cordes de cheveux. Le frère jumeau a été égorgé dans le berceau de sa naissance. Courbe la palme. Le son dégueule de poussière. Tu stoppes ton corps immense au chaussé du masque. Tu as trempé ton mouchoir d’eau bénite. Le ciel se déchire en trois du son des tambours. Ils parlent le monde. L’eau est noire. Sur la plage en forme de croissant, sur la plage qui porte la lune tu arrêtes ton corps. Tu te poses, tu es la gloire de la femme. Le ciel coule comme un sirop en velours. En tes bras d’or tu portes la chose qui engendre, elle est ronde comme un carré. La canne est dans le vase d’eau. Le mâle du ciel en la femelle d’eau. Et l’eau est lait. Trouble est le monde. Tu l’abordes. Tes mains sont une prière, les sons fondent. Lourd est le ciel, liquide. Une pirogue de seize noirs remonte la plaine au cœur de ta tête en faisceau couronnent ton masque. Cent torches éclairent le soleil. Tu te tiens à la matrice du monde. Tu et Ils. Le ciel se déchire pour la troisième fois, il est engendré de nuit. Trois galaxies s’avortent dans le ciel en une pluie d’étoiles. Ton regard est le vent, ton corps est le souffle. Tu avances arrêtée au bord du fleuve dans l’auréole de lune de la plage. Tu lèves ton bras comme le serpentaire brandit la foudre. La panthère feule au cru de tes viandes. La jungle t’habite. Les tambours engendrent les arbres, le vent la terre. La nuit n’en finit pas de s’ouvrir de feuillages, la lune est vorace, elle travestit la peur. Épaisse est la nuit, lourde la forêt. L’œil du ciel branle le chant qui creuse un puits à tes pieds, un puits immense où conjuguent toutes les marées du globe. Tu baisses les yeux au cœur du puits et tu descends, tu descends au son du son. Tu es la chute. Un grand vent de cordes se dresse qui épuise le monde. Silence bruissant d’orage. L’air est pierre, la terre rivière, le léopard fendu dans son âme. Chute verte. Tu lèves ton sein haut et aspiras le monde. Alors tu montas en ton souffle. Alors tu tombas dans ton corps. Le jour est nuit, la nuit tonnerre, corne le monde, il naît à lui-même en ton corps. Tu dresses ta tête au plus haut, tu ouvres ton sein et sors le couteau. Tu le lèves très haut, au très haut, à la touffe des nuages au cœur du masque. Tu brandis le couteau et t’ouvres le ventre pour délivrer la nuit. Ventre noir de lune lisse en calebasse. Coule, coule le sang. La lame déchire le monde et le soleil sort de ton ventre. Il pleut du sang. Le soleil brûle la lumière. Le monde naît de la lumière, du ventre du soleil qui grille la terre de sa flamme. La naissance est violence.

Tu m’engendres.



Mercredi 30 octobre. Saint Bienvenue. Quel saint pouvait mieux célébrer l’amour, il le vénère ? Je suis bienvenue bienheureux, Vincent Bienvenue. L’angélus emplit l’église, lisse le son. Un nuage dorlote la ville. Le soleil vient de sourire à la fenêtre. Il est si fier de sa naissance. L’air est de bonne humeur et odeur. Le soleil double son ardeur. Ah si seulement je pouvais aller batifoler dans son corps comme en luzerne ! Le soleil hurle si fort sur le toit de zinc que l’on dirait qu’il porte neige. La terre boit le soleil. Le ciel est soleil, puis le ciel est nuage. La terre est bonheur. Si seulement elle pouvait lever le jour dans mes veines. Comme le matin dit bonjour au jour.



*



Hier. Hier. Tu n’as pas voulu que je t’écrive, ni que je te téléphone. Comment t’as pu ? Comment t’as pu ? Comment ? Tu ne savais pas que tu me crucifiais ? Tu ne le savais pas ? Tu as fait grève de toute écoute sur ma personne. J’en suis malade et dévoré d’angoisse. Pourquoi ? Pourquoi ? Pourquoi contre moi ? C’est me tuer à petite mort. Je ne peux pas vivre sans toi, sans te respirer, sans t’entendre. Ou si mal que ça n’en vaut plus la peine.



Excuse-moi ! Excuse-moi ! J’ai raté ! J’ai raté ! J’en étais malade. À sept heures comme chaque jour je n’ai pas pu penser à toi comme l’on se l’était promis à heure fixe, tu pensais à moi, fort, très fort et moi j’ai pas pu être avec toi à cette heure-là, j’avais un client très gros, très gras, qui me prenait la tête, qui voulait pas partir, qui n’arrêtait pas de s’engouffrer dans mon emploi du temps et qui ne décrochait pas, il ne voulait pas me libérer et je ne pouvais pas le chasser, j’enrageais, l’heure est passée et lui était dans ma tête en ravage et pas toi, j’en suis malade, malade, chaque jour on devait penser l’un à l’autre à fond à heure fixe et j’ai failli à cause d’un glaviot de client, je m’en veux, je m’en veux, je n’avais jamais failli, c’est la première fois, je… Me pardonneras-tu ?



Ca m’a fait rire mais ça m’a fait rire quand tu m’as demandé de faire l’amour dans la position du missionnaire. Hi ! J’en ris encore. Moi je préférais te prendre par derrière, pas comme on encule mais un peu. Oui, je préférais cul à cul, à l’africaine, j’aime tant le frottement tout lisse, tout doux frais de tes fesses sur mon ventre, ça me bouleverse tout partout en folie. Hi ! Mais quand même en missionnaire ! Hi ! Me voilà-t-il pas obligé de me faire curé pour t’aimer, curé blanc et père, père blanc. Hihi ! Deux fois blanc, blanc de peau et blanc de soutane. Hi !



Ce que je ne comprends pas. Ce qui pour moi reste un mystère. C’est pourquoi tous les hommes ne tombent pas instantanément amoureux de toi dès qu’ils te voient ? Chaque fois ? Tu es si belle. Ca me dépasse. Je ne comprends pas, tu devrais être assaillie de demandes, de regards, d’hommages et ça me fait peur. Ca me fait mal aussi. Tu es si belle, tous ces hommes qu’ouvre ton sillage, comment se fait-il qu’ils ne grouillent pas en grappe derrière ton passage ? Pourquoi ce n’est pas pagaille et dispute dans le sillage de ton corps ? Pour moi ça reste incompréhensible.

Il ne faudra jamais que l’on s’use à s’aimer. Hein ? Promis ? Promis. Rien de pire qu’un vieil amour rapiécé qui sent le remugle.



Je voudrais savoir, je voudrais savoir combien d’heures encore je t’habite, j’habite encore ton corps après l’amour ? Je veux dire après que je sois venu dans ta maison       intime. Après qu’on ait échangé nos corps d’amour, échangé nos corps dans l’amour. Encore quelques heures ? Le goût de toi en moi, de moi en toi. Je veux dire combien de temps on reste séparés mais encore ensemble, dans la brume de l’amour ? Combien ? Quelques heures.

Mais qui ont goût d’éternité. Moi je te suce après si longtemps, si longtemps. Tu sais, après, encore, pendant des heures, j’en suis tout enveloppé.



Je l’aime tellement fort qu’une fois j’ai eu un dégoût d’elle violent en nausée. Comme une overdose. Ne pas lui dire, ne pas lui dire. Je ne voyais que le laid en elle. Je saturais de tant de beauté. En panique. Ca me clouait de dégoût. C’était ses petits cheveux frisés en friselis de négresse sur la nuque comme des poils de bitte. Insupportable. Et qui remontaient sur la tempe. C’était comme un champ de crasse. Je n’ai pas pu. Ma main s’est retirée. Pourvu qu’elle ne m’ait pas vu. J’étais surmené d’amour. J’ai craqué. À dégueuler. Je n’ai plus vu que le hideux en elle. J’ai grand honte de remords parfois, mais je me dis que je l’aimais trop, à me chavirer la cervelle en outrance. Que c’est pour ça. Aimer en overdose ça sature.



*



Oui. Je. Oui. Non. Je ne sais pas. Si… oui. C’est étrange quand même. Je. Peut-être malgré tout. Peut-être. C’est si noir l’inconscient. Les nègres. C’est tout pareil. Je veux dire souvent tu confonds. T’as devant toi un nègre, une négresse ? Tu sais pas. Ca a pas de sexe. Tu fais pas la différence. Tu sais pas si c’est un homme ou une femme. Les noirs noirs et les noires noires c’est tout pareil au même. Si elle est en pantalon, tu peux pas lire le sexe. Tu sais pas. Bon, si elle est en boubou flamboyante. D’accord. Tu vois bien que c’est une femme. Ok ! Mais tu le vois que par l’habit. C’est pas plaisant, plaisant. Tu le vois pas par le sexe. Alors ça attire pas tellement. Je pense qu’inconsciemment les hommes qui aiment les négresses sont pédés en fait. Des pédés qui se le cachent. Qui n’osent pas aller au bout de leur désir. Alors ils se paient une noire pour compenser. Enfin bon c’est pas à dire. Mais les noires ressemblent tellement aux noirs jusque dans leur nom. Oui. Qu’aimer une noire c’est aimer un homme d’une certaine façon.

Oh non ! C’est ignoble ce que je dis. Ne pas lui dire ou elle me déchirerait à dents pleines.



Ouvre ton pagne, ouvre ton pagne. Je suis ton enfant. Ouvre grand ton pagne, plie-le en fichu et porte-moi dans ton dos comme les femmes de ton peuple portent l’enfant, je suis ton enfant. Brinquebalé, porté dans ton dos tout le jour, je dors d’amour ancré en ton dos mon amour. Je suis ton petit fichu à carreaux boubou.



Tu sais, ça a l’air idiot, mais… Comment dire ? Je ne sais. Ca a l’air bête mais… voilà, c’est défendu d’être aussi belle. Non on n’a pas le droit. Absolument. Ne ris pas, ne ris pas ! C’est sérieux. Ne te moque pas, ça n’a rien de drôle ! Tu es la vie. Tu arrives. Tu viens et on est en révolution. Tout chamboulé de l’intérieur. On se tient plus d’amour, tout en fièvre assailli de désir à torture. Rien que de te voir, rien que ton sillage. Et après tu repars. C’est pas juste. Tu n’as fait qu’une apparition et on est malade. Je suis en supplice. Te revoir, te revoir, je ne pense qu’à ça. Tu ne sais pas les ravages que tu provoques. Aussi lorsque l’on est aussi belle, on n’a pas le droit de sortir. Tous les hommes que tu allumes de ta silhouette, sont en martyre. Ils se consument vivants de regret. Non c’est vrai, c’est vrai. Ils brûlent vifs, incandescents de cauchemar. Rien que de savoir que tu es partie, que tu existes. Que jamais ils ne te reverront, ils sont au calvaire. Rien qu’à cette idée. Oh yaye ! Tu viens, tu repars et chaque fois tu me crucifies.



Si tu savais, si tu savais ! Je n’ai pas osé te le dire avant. Si tu savais comme j’ai eu peur, mais vraiment peur, peur, une peur peur à vous glacer la colonne, vous foraminer l’angoisse en ciseaux. Une peur panique. Quand, lorsque la première fois que j’ai dû me mettre nu et que tu m’as vu pour la première fois nu. J’avais tellement peur que tu me trouves trop vieux et me rejettes. Et j’avais tellement honte de ma peur tellement. Comment dire ? J’étais déchiré de moi. Je ne sais pas comment j’ai eu le courage. Vraiment, vraiment ! Si jamais, si jamais tu m’avais refusé ou même si tu avais fait la moue, je serais mort sur pied. Mais tu m’as regardé avec une telle tendresse que j’ai fondu d’amour à me dissoudre. Et j’ai même rajeuni peut-être même. Tu m’as transfiguré.

— Le miracle de l’amour.

— Absolument, te moque pas !

— Hi ! C’est pour ça que tu as mis une heure à te déshabiller. Je ne comprenais pas. Je me demandais si tu avais plus envie, si…

— Oh tais-toi, tais-toi ! Non. Tu es si jeune je suis si vieux, c’est dramatique de vieillir. J’ai tellement honte d’être si vieux, tellement honte, tu ne peux pas savoir.



*



Vite, vite, l’entendre, l’entendre. L’appeler, je ne tiens plus. Je vis en urgence. Le téléphone où ? Là. Mais là. Oui. Vite, vite ! Si tu ne l’as pas en main dans 5 secondes elle sera partie. Sûr certain. Faire vite. Voilà trouvé ! Le numéro ! Vite ! Allô, allô ! Ah ! Non rien. J’appelais juste pour appeler. Hein ? Non rien. Si juste. Non je te téléphonais juste pour te dire que je t’aime. Au revoir.



Tu es mon frisson.



Tu es jolie, tu es même très jolie mais tu seras plus belle demain. C’est pas tout à fait passé. Tu as roulé des yeux de déception. Vous avez pris votre grosse voix gentiment courroucée. J’ai adoré. Une voix ronde un peu colère avec des cailloux qui seraient des bonbons, une voix qui roulaient des champignons et qui gronde comme on rit. Une voix noire, de femme noire qui fait rire la langue avec son accent de palme. Oui, vous roulez de la voix comme on roule des yeux.



J’ai des toutes petites lèvres, si petites qu’elles sont absentes. Je n’ai pas de lèvres, juste une petite fente. Tu as des lèvres énormes, plus grosses qu’un bateau. Si grosses que je me demande comment l’on arrive à s’embrasser. Chaque fois pour moi c’est un miracle.

Tu as l’amour lippu ?



*



La ville est en eau. Le ciel la mine d’orage. La rue patauge et gicle allégrement. L’après-midi gît comme l’on écrit ci-gît. Dehors, dedans tonne le désir. Le temps est gras et luisant. Les corps ruissellent de sève aux eaux bénies de l’orage. Son corps est oraison. Le ciel s’efface de pluie. Il pleut les larmes de Marie Madeleine qui sèchent les pieds du Christ. Il pleut des cordes et des seaux. Elle se lave d’orage, je boirai toutes les eaux de son corps ruisselé d’eau. J’ai le corps en tourmente. Samedi 2 novembre. Jour des morts. Que l’amour ne porte pas le deuil mais gangrène le chagrin et incendie de bonheur. Que tu sois lumière. L’heure est au soir, au soir du jour. Lune grosse de petitesse menue, elle sera neuve dans deux jours.



— Pourquoi toujours tu nommes le jour du nom d’un saint ?

— Parce que c’est le nom du saint du jour.

— Oui mais pourquoi ?

— Parce que pour sanctifier l’amour. Notre amour sera protégé et plus proche des Dieux dans les mains des saints.



Je suis son chien pourvu qu’elle aime les animaux.



Tu es en moi tout le temps en permanence et c’est magie. Le monde est tellement plus plein Mamour. Tu es partout. Tu es mon auréole, mon ange de garde. Tu… Le matin je me lève échevelé de nuit, j’ouvre un œil timide de conscience tout ébouriffé de draps, tu es déjà dans mon lit au creux de mon corps. Tu me fais faire le tepee ardent. Je n’ai pas encore ouvert un œil que déjà tu es dans mon lit après avoir hanté toute ma nuit ma mie. Je me lève. Tu m’accompagnes. Je prends la douche, tu la prends pour moi. Tu es l’eau qui coule sur mon corps. Et la serviette chaude qui m’habille de sec et me fait connaître le premier bonheur du jour. Tu es les dents du peigne qui me coiffent et la cravate qui me noue le cou et mon reflet dans le miroir au bout de la lame qui me rase. Tu es mon nimbe. Je vais déjeuner. Tu règnes au fond de mon bol de café, la chevelure large de mer. Tu me chavires. Je mâche le pain brioché, tu niches dans sa mie. Je porte la fourchette à ma bouche. Tu te tiens empalée au bout de ses dents. Je te croque. J’ai l’amour cannibale. J’ai mangé, je t’ai mangée à la va-vite, je me presse, tu me presses pour aller au travail. Dans l’entrée je jette un œil à la glace. C’est ton reflet que je vois dans le miroir. Hi ! Plus j’avance dans le jour plus tu es là. Tu me hantes. Je sors, je suis dans la rue, c’est ton pas que j’entends derrière mon pas, ton souffle qui court dans mon dos. Le métro ? Je descends, tu descends, je remonte, tu es devant. On attend. Passe la rame. Je monte. La rame repart, tu es devant moi debout dans la coursive centrale du wagon, à deux mètres et cinq pas. Je ne suis jamais seul. Tu es mon hosanna et tresses mon bonheur. J’arrive au travail, tu te tiens derrière moi au bureau mon ange. Tu es partout. Tu es partout où je suis. Tu es moi. Je te vois tout le temps à chaque instant. Le jour est merveille. Je travaille et tu es ma matière. Je téléphone, c’est à toi que je téléphone. On me téléphone, c’est toi qui me téléphones. J’écris un rapport, c’est ton corps que j’écris. Et puis la journée se fatigue. C’est l’heure de quitter le bureau et de revisiter le métro en retour. Tu me suis, je le sais, le chemin est plus court avec toi qui marche à côté de moi et toujours meubles mon espace. Tu montes avec moi dans la rame. Tu rentres à la maison avec moi je le sais. Toujours tout le temps je te vois. Tu es l’air que je respire. Et puis vient la nuit. Et le miracle à côté de moi, je te vois Mamour Amia Amiia Amia. Je peux te penser, je peux t’aimer, je peux te toucher, enfin avec les yeux de la pensée ma mie. Tu accompagnes ma nuit à côté de mon corps, tangente à mon âme. Et ainsi va tout le jour chaque jour à chaque instant, tu me meubles. Tu es ma tempête.



Il y avait les blancs et il y avait les noirs, je n’y faisais pas attention. Oui, il y avait les blancs et il y avait les noirs, je parle d’avant, avant de te rencontrer et d’habiter ton corps. J’étais plutôt chez les blancs. Et puis je t’ai vue. Et puis je t’ai aimée. Et puis je t’ai connue. Et je sais que les noires sont magnifiques et souveraines. Avant je ne regardais pas les femmes noires, je ne savais pas qu’elles existaient pratiquement. Maintenant que je te connais, je les trouve splendides. Je veux dire maintenant si je regarde dix noires, il y en a huit ravissantes au corps d’extase et deux moches. Et si je regarde dix blanches il y en a deux jolies et huit moches. C’est vrai, je te jure. Si si, je t’assure. Maintenant je sais que la beauté est noire, je le vis dans ma chair. Tu m’as hanté de noires.



Je t’embrasse absolument partout et de part en part.



*



Tu es le soleil de l’amour. Tu es mon soleil. Dans certaines légendes la femme coucha avec le soleil et créa l’amour. Dans certaines. Dans d’autres le ciel coucha avec la terre et engendra le soleil qui, en grillant, est le jour qui est le corps de l’amour. Avec une variante où la terre coucha avec le ciel et créa l’amour qui engendra le soleil dont le corps est le jour. D’autres où l’air en ébullition de lumière, indécemment courtisée par le ciel créa le soleil pour brûler d’amour. Toi tu es l’amour, ton corps est le soleil de l’amour. Tu es la légende du soleil noir ma reine.



Dimanche 3 novembre. Saint Hubert, j’aime, l’amour est en chasse. Lune petite et peu épaisse. Demain elle sera nouvelle. Le ciel est dans le ciel et le frais est dans le jour, de petits nuages en voile de virgules peignent coquets le ciel. L’air a une gueule de station balnéaire. Le matin est vert et mon cœur trop mûr. La lumière se dore de sieste. Le ciel rigole de nuages et le soleil grille sa vie. Elle sera plus belle aujourd’hui, il fait si beau. 10 heures sonnent aux horloges. Le ciel nie les nuages. Il est bleu et beau jusqu’au vulgaire. Le vent frissonne les arbres. L’air est interdit de nuage. Le bleu du ciel est une prière, le vent joue de feuillage. Les arbres repeignent au tendre leur vert. Ce matin tu es encore plus belle. Les femmes sont plus belles le matin sauf celles qui promènent leur chien. Le soleil fait de l’œil à la fenêtre.



Oh, ohh, hoh, chaud devant, glacé derrière ! Quand je pense, quand je pense que l’année dernière à même date, je te rêvais, je ne te connaissais pas. Je ne savais même pas que tu existais. Quand je m’en souviens, je me demande comment je pouvais vivre. Je ne vivais pas d’ailleurs, j’étais mort-vivant, je traînais ma vie en lèpre. Je me demande comment les gens faisaient pour vivre avant de te connaître. Je. Quand je serai toi ?



La première fois que je t’ai vue, j’ai tout catapulté. Le cœur gelé, troussé d’angoisse dans l’incendie de la découverte. Je ne savais pas que c’était comme ça. J’étais ivre de vie et parcouru sans fin d’un long frisson de toute l’âme. J’étais vierge et tout et tout innocent du monde comme à jeun éternel. Tu es venue : frissons. C’était comme la première fois, la première fois que je voyais une femme sur terre. La terre était neuve. Tout était neuf. Ton visage un nouveau paysage. Lorsque l’on rencontre quelqu’un d’aussi neuf pour la première fois, qu’on est transi d’amour, c’est comme si on naissait pour la première fois. C’est comme si avant j’étais en jachère et tout était en friche. Elle arrive, pour la première fois. Avant je n’existais pas, j’étais là simplement, autant dire rien. Tu arrives et la terre naît. Tu souris tout un paysage neuf naît. Ce n’est pas la Normandie ou l’Abyssinie ou le Kamtchatka. Non, un paysage tout neuf, que tu crées, qui est toi, que je n’avais jamais vu. Tu recrées le monde. Absolument. C’est mon premier émoi. Oui. Et votre premier émoi vous découvre nu et neuf. C’est ça. Tu es là. Tu es rien. Et d’un coup ça tombe. Bing ! La révélation. Elle est là. J’avais à te découvrir. J’avais comme une terre nouvelle à découvrir. Voilà ! Oui tu étais une découverte. Un visage que j’avais jamais vu. Un pays nouveau. J’étais ravagé par la découverte, le désir de te découvrir. Je ne savais pas que le monde pouvait être aussi neuf. J’étais comme un explorateur de ton corps qui me révélait à chacun de tes gestes des terres nouvelles et qui me faisaient neuf. Tu lèves les yeux au ciel et je vois la courbe de l’eau érodée de pierres qui descend le Golan et inonde Tibériade avec un bleu que dévergonde le vert et la grâce de la cruauté de l’aile d’un faucon pie dont l’ombre lime le sable en son vol, alors je sais l’odeur du désert. Tu tournes la tête à gauche et c’est la terre d’Afrique que je lis. Avec sa terre rouge d’insomnie ravagée de grappes d’insectes qui avortent les siestes et suintent le trachome. Avec ses rumeurs d’arbres qui grimpent le ciel dans des ramages de singe et de songe léopards. Avec le marigot croupi d’interdits qui rouille l’avenir de pustules bleues grouillant la nuit, alors je connais le goût de la terre. Tu avances, tu mets ton corps en marche, je parcours la prairie mûre en sa course sans fin de vent aux joints de steppes foulées de rumeurs jaunes qui piétinent les yeux et massacrent le regard hagard des nomades qui se cravachent à meurtre de joncs sauvages. Le ciel aveugle le fleuve rouge d’herbes siliceuses qui lient l’Asie Centrale à la Patagonie. Je lis SamarKand sur ton ventre. Tu te retournes dans le sillage de tes mains Le polypore ouvre l’hygrophore perroquet. Saint-Denis est fendu de mer, couleur pharmacie où la drogue encolle les rêves. Les banlieues poubelles pustulent la charogne qui engrosse Wall Street. Les houles friponnes des boulevards canailles bouillonnent le sang des amazones roses. Alors je connais la liqueur de la mer en ses messages de houle. Et puis juste un clin d’œil et c’est toute la page du monde qui s’ouvre autre et déchirée en verso. La terre couche avec mars et vénus grille en fournaise dans des vols de phacochères. La grâce habite les airs alanguis d’Himalaya où dans la balance des nuages les aires de l’orfraie engendrent sur l’Orénoque des nids d’agoutis tressés d’ibis arc-en-ciel. Alors je galère d’amour sur tes chairs. Quand tu te déplaces, tu crées ta géographie. Je lis l’Océanie en tes yeux et l’Australie au creux de ton épaule douce, l’Afrique sur tes lèvres et l’Europe dans ta bouche baiser et la Birmanie dans la couleur de tes joues et Java au recourbé de tes cils. Et… Avec toi j’ai fait le tour de toute la terre en un seul coup d’œil, dans le premier regard.



Et lorsque hier tu t’es dévêtue et tu t’es assise nue sur mes genoux, j’étais électrique, en commotion d’amour.



Je me demande si là-bas au tout là-bas au Bénin le soleil se lève toujours depuis que tu es partie ?



*



Inondé. Le monde inondé. Souffle d’or. Le vent était dans la tour. La lumière était dans le trouble comme on parle du trouble amoureux, le trouble agité et frémi. Tu as sonné. L’heure s’est arrêtée dans l’air. Le soleil était derrière toi comme un père incestueux. Il te faisait haute. J’ai ouvert. Tu habitais un manteau. Splendide. Deux pas. Tu as fermé la porte. Deux pas. Puis un pas. Le manteau a glissé, tu l’as fait tomber à tes pieds, tu étais nue. Hallucinée de beauté. Tu illuminais. Je pouvais toucher le silence avec mon souffle et ta peau. J’étais hérissé de bonheur, haleté de saisissement. Ton corps s’est ouvert. Tu t’es donnée. Depuis jamais les jours ne furent les mêmes jours. Depuis.

Je me souviendrai toujours tout le temps quand tu as fait de moi un homme. Tu as souri, tu as souri. Tu t’es ouverte. Tu as gobé mon sexe. J’ai joui comme un caprice. Tu m’as couronné.

Je t’aime tellement, c’est comme un meurtre en permanence dans mon ventre.



Avant. Dans la force de l’âge et même dans la force de l’âge dépassé, je rageais. Je me trouvais beau, très beau, j’ai toujours eu la modestie modeste, et j’enrageais qu’aucune femme ne profite de mon corps, tant qu’il était encore jeune, encore beau. Je vivais ça comme un gâchis. Vivre célibataire et cloîtré d’amour quand on a un corps magnifique je trouvais ça impudique et même immoral. Comme une immense humiliation et un manque incandescent.

Je voudrais voir ton ventre. Ouvre ta chemise ! Dégrafe, dégrafe en hâte ! Encore un peu. Largue le pantalon ! Plus bas ma chérie d’amour, plus bas. Merci. Votre ventre. Je ne le vois pas mais je le sens. C’est comme un petit réveil. Ton ventre. Je le regarde longtemps, le suce du regard. J’ai l’impression de naître de ton ventre. J’aurai tellement aimé.



Paille et cuivre. Le soleil est ardeur. Il porte ton nom, ton nom à toi, l’or de son corps. Le soleil est ton nom, le soleil est ton corps. Le soleil est montagne d’or, ton corps. Le soleil est côte d’amour, est côte d’ivoire, le corps de ton corps, la terre de ta chair. Le soleil est côte d’or, ton corps est côte d’or, je l’adore. Elle, elle, elle n’en finit pas de chanter dans mon ventre. Le soleil est or. Il porte votre corps. En ce jour la brume est interdite.



Excuse-moi de t’aimer autant. Je sais que tu n’as pas que ça à faire. Que tu n’as pas le temps que de m’aimer. Excuse-moi si mon amour est trop lourd s’il laboure un peu. Des ailes, je vais lui donner. Des ailes. Promis. Je n’insiste pas comme un vendangeur. Mais je ne peux pas m’en empêcher.



Ton pied, ton pied ! Monte-le ! Courbe la jambe ! Remonte ta cuisse ! Là ! Là sur mon sexe ! Oui ! Pose-le ! Oui. Plus haut. Plus dedans ! Monte la jambe ! Ouvre ma braguette ! Entre ! Glisse ! Y dépose ton pied nu dans mon nid. Ton pied nu sur ma queue qui est caresse. Mon pénis est dur à cette compagnie. Il t’attend depuis si longtemps, si longtemps. Oh ! Ton pied au centre de mon ventre. Mon pénis lui rend hommage, il t’a portée pendant trois kilomètres pour venir me voir. Le remercier infiniment tendrement. Il l’enfle. Ton pied nu, chaud de mon pénis tout fier et humble de se trouver ardent devant lui à ses pieds. Brandi.



*



Ne reste pas là ! Ne reste pas là ! Tu as ri, tu as ri en cascade. J’ai tellement eu peur. Je t’ai poussée à te faire mal. Tu es presque tombée. Pardonne-moi ! Pardonne-moi ! J’aurais pas dû si fort. Mais j’ai tellement eu peur. Je te voyais déjà en prison. C’est idiot mais. Il y avait cette grille avec ces barreaux et les deux chaînes attachées aux barreaux. D’un coup je t’ai vue en prison comme un flash en panique. C’est idiot mais ça m’a ébouillanté d’un coup. Alors je t’ai poussée en réflexe pour pas que t’ailles jetée en prison.



Si vieux. J’ai honte. J’ai honte d’être si vieux. Et de t’obliger à m’aimer. Si ! Si ! Je me répète ? Peut-être mais c’est tellement vrai. Y a quelques années encore je donnais le change. J’étais même très bien conservé pour mon âge. J’étais fier de mon corps. J’aurais été fier de te l’offrir mais maintenant il s’effrite de plis et glisse vers sa ruine. Tu sais, j’ai été jeune et magnifique. Pardonne-moi ! La vieillesse c’est une lèpre. Enfin espérons que tu trouveras encore de bons morceaux ! Qui sait ? En cherchant bien au profond, au secret des chairs ?



Tu ris. Ris, ris encore !        Tu ris.        Encore.        Merci. Encore une fois. J’ai tellement besoin de ton rire ! Amia mia !



Ta photo. Ta photo. J’aimerais bien que tu me donnes une photo de toi. Je serais moins seul. Quand tu ne seras pas là, tu seras un peu là grâce à elle. Non pas une grande ! Une petite photo ça suffit ! Pourvu que tu sois dessus. Même pas très bonne, qu’importe ? Mais si ! Toi, toi seule sur la photo ! Même un photomaton peu importe, mais toi. Je pourrai la caresser, l’embrasser avec les yeux. Tu ne seras pas là mais tu seras un peu là. Le temps sera moins long. Et plus douce ton absence.



Un pèse-personne ? Je me demande ce que ça veut dire ? Puisqu’il ne pèse personne ? Tu sais ?

— Il faut toujours faire la balance avec la langue. Elle ne bande qu’à double sens.



J’ai peur de la gomme. Très peur. On s’aime, on s’aime.        On s’aime encore.        On s’aime toujours. Viennent les jours, suivent les jours et le temps sale qui use l’amour peu à peu et l’éteint. J’ai terriblement peur du temps. Il efface et lime. Et peu à peu, lentement, insidieusement, insensiblement il gomme notre amour mon amour. L’amour est usurier tu sais. Et tellement enflammé de violence. Effacer l’empreinte des corps sur l’âme peu à peu et la chair peu à peu meurt au désir. J’ai tellement peur des choses qui s’éteignent.

Elle me chahute le ventre. Elle fait un long sillage dans mon âme, elle attend. Le soleil est dans les yeux.



Je viens de me laver les cheveux. Tu aimerais y plonger les mains pour les faire voler. Ils sont tout fins, tout fins, tu aimerais beaucoup. Tu aimes tant jouer avec mes cheveux, les peigner de tes doigts comme on fait moirer le satin. Ils sont si fins. C’est toujours un étonnement pour toi des cheveux si fins. Tu te demandes comment ça peut exister des cheveux pareils. Toi qui as des cheveux de gros calibre avec ton crin en grosses gerbes rugueuses sur le crâne, tes frisettes bouclettes crépues en touffes de plastique.

J’aime quand tu passes ta main sur mon crâne en auréole en caressant l’air. Ils se dressent à ta rencontre à l’appel de ta main. Hi ! Tu imposes tes mains, sur ma tête et mes cheveux se dressent d’amour. C’est tout rigolo. Ils sont si légers qu’ils se dressent électriques quand tes doigts les appellent. J’en suis tout électrocuté de frissons.



Tu crois qu’il est la même heure à Cotonou ? Oui ? Je me le demande. En ce moment ? Le temps n’est pas décalé l’hiver ? Il doit faire si chaud. Oh oui le temps est au chaud ! Il est 4 heures ! L’air est cousu de champignons et épais de moite comme soupe de nacre avec des suées de nuages en coulées de pluies grasses et des langueurs de lianes enceintes de jungle. La chaleur démange l’heure et croupit l’humide. Le ciel est plus rouge que la terre. De toute façon si c’est la même heure, elle n’a pas le même sens. Elle n’est pas de même matière. Elle est plus habillée de masques et habitée d’esprits et croît à l’orage. Elle dévergonde la terre et gondole la conduite. Et puis je sais pas, j’ai l’impression que là-bas il peut être deux heures et dix heures à la fois. C’est une question d’âme, comme si elle échangeait son âme en permanence en plusieurs sens. L’heure est polyphonie au Bénin. Je la lis pont, pirogue, gué, passage de ciel. Elle intercède et croise le soleil. Quand je pense qu’ici le temps va pleurer pendant six mois ! Qu’on va être abonné à la grisaille pendant deux trimestres ! Ayayaye ! Tu es mon soleil        noir.

Dis ! Toutes les femmes sont aussi belles que toi à Cotonou ?



*



Tu sais Mamour une seule brosse à dents nous suffirait !



Tu es la chair de l’amour.

Je voudrais toujours être au centre de ton cœur.



J’ai l’impression, c’est idiot mais ! Je t’aime tellement que j’ai l’impression d’être enceinte de toi. Je sais que c’est ridicule pour un garçon. Mais vraiment j’ai l’impression d’être enceinte de toi.



Apprends-moi l’amour ! Comme si c’était la première fois ? Un amour tout neuf qui délivre le corps pour la première fois. En rage de bonheur. Apprends-moi l’amour ! Oui. C’est la première fois, la première fois, que j’aime aussi feu. J’ai le corps tout neuf. Tu lui apprends l’amour tout neuf. Il vient de naître pour la première fois. Lorsque l’on naît à l’amour, c’est toujours la première fois. Je n’ai jamais aimé aussi intense, toute ma mémoire d’amour est brûlée. Apprends-moi à faire l’amour, à t’aimer ! Apprends-moi mon Amour ! Et je serai géant.



Comment m’habiller ? Chaque fois que j’ai rendez-vous, la question me tarabuste. Juste une chemise. Oui. Être le plus léger possible pour être le plus près de toi possible, le plus près de ta peau possible. N’avoir qu’un tee-shirt à ôter pour être plus près de toi, de ta peau. Et ne pas perdre de temps, ne pas perdre de temps à se déshabiller pelure après pelure, pelure sur pelure. J’ai tellement hâte d’être auprès de toi d’être dans tes bras. Je n’ai pas la patience d’attendre et perdre mon temps à me déshabiller. Si je pouvais, j’arriverais nu chaque fois devant toi pour gagner du temps et ton corps au plus vite.



Où va la lumière quand on m’éteint ? Hein ? Depuis que je te connais, je sais qu’elle va éclairer d’autres vides.



Quand lèvera-t-elle son corps ? L’heure est belle pour réveiller le sommeil et le lever pour tout le jour qui devrait ainsi être tout sourire et d’humeur bonne. Le jour n’est qu’un grand sourire frétillant sur sa peau et son corps enchantement de bonheur.



Merci, tu fais de moi un homme, un sacré homme. Un mâle flamboyant. Merci. Je t’aime tellement que tu décuples mes forces d’amour et que j’aime en Apollon. D’habitude je suis un peu rapide, sinon hâtif, je ne suis pas un parangon des caresses et de la baise. Mais toi je t’aime tant que tu fais de mon corps un triomphe, tu m’amènes à la prouesse. J’en suis tellement fier, fier de mon corps, fier que tu fasses de moi un champion, ton champion. Quand d’habitude j’éjacule pressé. Tu fais de moi l’amant superlatif.

— Viens !



Le blanc est une couleur. Oui. Une vraie couleur. Il n’y a pas que le noir et son cuivre. Le blanc aussi est gourmand, il appelle le lait et ouvre le blond et toutes les nuances de la crème. Les blancs ne sont pas que réflexion et cervelle, ils ont aussi un corps, un corps d’amour, un corps qui ne porte pas la lumière mais la réfléchit. Avec toute la palette des nacres et des abricots et un grand goût de houle des clairs de mer. Il n’est pas défendu d’aimer les blancs.



Je vous embrasse le sexe.



*



Le sens est dans tous les sens, les sens vont en tout sens. Le sens, le seul sens c’est l’amour. Il est le seul à combler tous les sens par essence mon amour. Le seul sens qui est du sens, qui est tous les sens. Sans amour, sans amour de chair, la vie n’est qu’une absence en esquisse. Oui. Les seuls sens sont les sens d’amour. Le reste, orgueil, gourmandise, passion, drogue, musique ne sont que du décor de vie quand l’amour est la chair même de l’âme de la vie. On perd la jouissance en perdant le sens, les sens. Depuis que je te connais, l’amour est ma chair et je suis lumière en éclat. L’amour est le seul plaisir qui ne connaît jamais l’overdose, il plane. Et est toujours en overdose en folie. Il est la seule jouissance et toujours court au paroxysme de son corps dans la chute en vertige de l’abîme. Intense incandescence. Je m’accomplis écartelé de toi, l’amour m’accomplit au flanc de ma blessure en permanence.

Je m’implante en toi. Tu es ma rage. En toi je voyage. Je m’enracine en toi et me déploie éclaté. Je suis le plus haut du vol et le plus profond de l’abîme. Toujours le sol se dérobe sous mes pas. Tu dérives et t’amarres en moi. Plus je laboure ton corps, plus je hisse l’âme. Plus on tombe plus on se dresse, violenté. Plus on meurt de bonheur, plus on croît de douleur. Plus je te donne plus je reçois. Plus, plus, plus et moins est même chose. On s’oublie tant et tant l’un en l’autre que tu es moi, que je suis toi et tu es encore plus toi d’être moi. Je suis le paroxysme de ta chair. La terre vole au ciel. Je suis ton voyage. Plus on s’ouvre plus on se confond. Je, je, tu, je ressuscite en toi anéanti. Je communie de ta chair. Je suis ton saint chrême. Je suis tes sens électrique et tout collé de ta chair j’irrigue mon âme. Chair à vif amour à mort tu m’emportes. Je suis tout en dégât explosé. Tu es ma comète.



Je ne comprends pas comment l’amour existe encore ? Pleins de gens se sont aimés et aimées à folie depuis le début des temps. Pleins de gens s’aiment encore et encore. Et encore. L’amour a servi des milliards de milliards de fois et pourtant il n’est pas usé, il n’est pas ruiné, il existe encore. Je ne comprends pas comment il n’est pas encore mort d’avoir tant et tant déjà toujours servi ? C’est mystère pour moi. Comment résiste-t-il ? Regarde la messe à force d’avoir été servie tous les matins depuis deux mille ans tout le temps, elle en est morte.



Amiia quand on aime à folie, quand on aime à plus souffle, en délire, quand on aime à pleine vie, l’âme et le corps ne font plus qu’un dans le même embrasement et l’on meurt d’aimer, l’on meurt de vivre. Je meurs de toi à chaque pas. Tu es ma chair, je suis ta chair. Quand je t’embrasse, je suis feu. Quand on fait l’amour, je me crucifie d’étincelles au sommet d’un meurtre de bonheur. Tu crépites dans mon ventre. Les mains flambent la lumière. Tes seins sont mon soleil. Le temps s’accomplit. Le monde est neuf. Le baiser. Encore. Le baiser est la jouissance du silence. Tu es à moi, je suis à toi. On se donne. Dans l’amour on ne prend pas, on donne. On ne prend jamais en amour, on donne toujours mais comme un viol. L’amour est le don.

Je suis ta bouche et t’aime tellement que je jaillis de mon corps. Tu m’éjacules l’âme. Je suis tout entier en toi, en toi, en toi, toi. Je fonds dans ta bouche, toute verge frémie et tout autour le bruit de la mer en ressac de houle.



Lorsque l’on s’est embrassé hier au creux de l’hiver au cru du froid, au nu du vent, place Vauban, notre bouche de baisers était le seul endroit chaud dans la ville. Le seul.

On s’embrassait, on se pénétrait de langue et nos bouches ne faisaient qu’un seul estuaire. Et ma bouche s’est noyée en toi.

Oh t’embrasser, t’embrasser ! Touiller ta bouche avec la petite cuillère de ma langue. On s’embrasse, on s’embrasse et l’on s’embrase. On pénètre le monde au foret. Oui, je t’embrasse, m’engouffre dans ta bouche à perforer le monde. Baiser et morsure à la fois. Crépiter d’amour dans ta bouche. Boire tes lèvres et les manger. Humides, humides. Boire à la source de l’amour. Te boire. Je suis mortaise, rapté et razzié en tes bras. Tu es l’élastique de mon plaisir. En toi, enlisé, je porte l’oubli de moi. On s’aime, on s’embrasse et l’on est l’univers.



Écrire mon amour et lui écrire. Écrire l’amour. Écrire le plus tendre de l’amour pour apaiser sa soif d’elle qui le fait geindre de bonheur malheur. Il l’aime, il l’aime mais elle n’est pas là.

J’écris pour compenser ton absence et meubler le temps de ton âme à défaut de ton corps que je ne peux toucher qu’avec des mots. Je suis si soulevé de désir, si à vif de passion, tout écorché d’elle, que j’écris en soupape de sécurité pour épancher ma peine. Écrire, écrire, t’écrire soulage le tourment. C’est comme un baume sur mon âme. Amia me démange tellement. Les mots sont mon aspirine édredon vitaminé. Et puis, aussi, espérer, enfin je crois. Ca marche. Existe la télépathie amoureuse. Si j’écris et pense très fort mon amour. Si je le grave très fort sur le papier, elle pourra le lire par transmission d’écrit. C’est pas de la superstition, c’est des faits vrais, des faits d’amour. Je communique à son corps par l’écrit. La tension d’amour s’épand dans la phrase et elle, à sept kilomètres de là, elle peut la lire, elle peut la vivre si elle m’aime assez fort. Elle vibre des mêmes sentiments. L’écrit calque l’amour et le fait vibrer d’amour. Chanter ta beauté, chanter notre amour, est devoir de mémoire.

Il aime les petites lettres qu’il gribouille en permanence pour elle, pour la vivre par la plume. Il écrit et ils communient d’amour. Il écrit et il crée l’amour et il écrit l’amour et communique. Les grands amoureux sont des grands écrivains. Et puis, oui. Oh ! Mon écriture la pénètre et entre en elle. Elle lui porte l’amour. La dessiner, le dessiner avec des lettres. Magie de l’écriture. Écrire avec l’angoisse de l’écriture l’angoisse tendue de l’amour. C’est la même angoisse qui incise le papier. Je suis saoul de toi dans le ventre des mots. J’écris, je t’écris avec une plume d’agonie et tu le sens et tu le lis là-bas à sept kilomètres de ma plume. Je t’aime de douleur, en tragédie d’écrire. Tu es mon lit de souffrance amour. Rien n’est plus cruel que l’amour. Rien.

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Assommé d’amour, fier, ému, lucide et enfantin, le narrateur veut être à la hauteur : il pense à sa belle, la célèbre, l’imagine en son absence, s’impatiente de la retrouver, n’en revient pas, explique pourquoi il est parti précipitamment. Inspiré (et rageant de ne pas l’être assez), il ressasse, drôle et déterminé, en un grand gribouillis d’amour interminable.

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Paysage 16 : Suisse centrale (2006)